Afrique - Affaire du rapport Global witness /PPLAAF: Deux tribunaux prononcent leurs verdicts

Par Béatrice KAZE | Cameroon-Info.Net
YAOUNDE - 26-Nov-2020 - 16h14   8423                      
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Affaire du rapport de Global Witness et PPLAAF Bkaze
Depuis la parution du rapport des ONG Global Witness et PPLAAF le 2 juillet 2020 intitulé «Des sanctions mine de rien» incriminant le milliardaire Dan Gertler, l’Etat congolais, et la banque congolaise Afriland First Bank CD, plusieurs plaintes ont été déposées devant des juridictions. Deux décisions du tribunal viennent faire la lumière sur le rôle des uns et des autres dans la campagne médiatique en cours.

La première décision est celle du Tribunal du New Jersey (Etats-Unis) qui a été rendue publique le 31 juillet 2020. Certains actionnaires de la multinationale anglo-suisse Glencore avaient initié cette procédure judiciaire contre Dan Gertler, l’accusant de pratique de corruption et exigeant des compensations pour des pertes boursières imputables à des soupçons de corruption impliquant leur partenaire Dan Gertler dans ses activités minières en République démocratique du Congo (RDC). La juge Susan Wigenton du tribunal du New Jersey a débouté ces actionnaires de Glencore et innocenté Dan Gertler.

Cette action met en évidence l’absence d’éléments pouvant mettre en cause les pratiques commerciales de Dan Gertler en RDC, que ce soit avec le gouvernement ou avec d’autres acteurs de la scène économique et politique locale.

La deuxième décision qui remonte au 23 septembre 2020 est celle du Tribunal de Kinshasa (numéro : RP. 071). Afriland First Bank CD avait porté plainte contre Malela Mawani Navy et Koko Lobanga Grady, deux ex-employés au tribunal de grande instance de Kinshasa-Gombe siégeant en matière répressive au premier degré.

Sur les huit chefs d’accusation présentés par Afriland First Bank CD, le juge en a retenu cinq, condamnant les co-accusés à trois ans de servitude pour vol; à  trois ans de servitude principale pour faux en écriture; à  six mois de servitude principale pour corruption privée; à  quatre ans de servitude pénale principale pour violation du secret professionnel et à la peine de mort pour association des malfaiteurs.

Le tribunal a également ordonné la destruction du rapport Global Witness/PPLAAF et enjoint les condamnés à verser 15.000$ au plaignant au titre de dommages et intérêts, étant donné que «le rapport a été relayé par plusieurs media et réseaux sociaux, ce qui constitue un préjudice moral impactant gravement sur sa prospérité et ses rendements annuels», peut-on lire dans la décision du juge.

En rappel, le rapport sus-évoqué a été rendu public le 2 juillet 2020 par les ONG Global Witness et PPLAAF [Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique]. Entièrement écrit au conditionnel, ce rapport attribuait plusieurs pratiques à trois entités : premièrement, Dan Gertler qui, selon les auteurs, aurait mis en place un réseau de corruption en RDC; deuxièmement, l’Etat congolais qui aurait attribué des permis miniers sous-évalués à Dan Gertler et enfin Afriland First Bank CD qui aurait facilité le recyclage des fonds issus du réseau de corruption de Dan Gertler.

Pour appuyer ses accusations pourtant écrits au conditionnel, le rapport s’appuyait sur des prétendus versements d’espèces et des virements. Par son verdict du 23 septembre 2020 sus-évoqué, le Tribunal de grande instance de Kinshasa-Gombe  a confirmé que ces prétendus versements d’argent et virements utilisés par Global Witness/PPLAAF pour étayer leurs accusations ont été fabriqués de toute pièce par les ex-employés.

Du reste, la décision du juge fait état d’échanges qui ont eu lieu entre les 2 ONG et la banque Afriland First Bank CD. On apprend ainsi qu’Afriland First Bank CD a expliqué aux deux ONG que les prétendus relevés bancaires excipés par Global Witness et PPLAAF étaient de faux documents. Les 2 ONG avaient refoulé cette mise en garde et maintenu l’utilisation de ces faux documents. Elles avaient finalement publié leur rapport en employant le conditionnel. La décision de justice rendue par les juges vient de trancher en confirmant que les coaccusés «avaient modifié et falsifié des extraits de comptes des clients d’Afriland First Bank CD, actuellement victime de chantage».

Tout ceci vient mettre en évidence  qu’Afriland First Bank CD n’a été ni de loin ni de près associée à une quelconque constitution de réseau de corruption ou de facilitation de recyclage d’argent d’un éventuel réseau de corruption.

Quant à l’application de la décision, il s’agit d’une tout affaire; certes, l’arrestation de Koko Lobanga Grady et Malela Mawani Navy a été décidée par le tribunal, mais ces derniers se trouvent sur le sol français, depuis 2018 et 2020 respectivement avec leurs familles.  La décision rendue par le juge de Kinshasa fait état de possibles collusions entre l’un des co-accusés et l’ONG PPLAAF. Il est précisément fait mention de traces de consultations actuellement effectuées par l’ex-employé d’Afriland First Bank CD au bénéfice de cette ONG.

On constate que toutes les allégations et accusations lancées contre Afriland First Bank CD et l’Etat congolais s’effondrent les unes après les autres, comme un château de cartes, avec des évidences fournies par des décisions de justice qui mettent à nu le jeu des ONG et des media occidentaux.  Le moins que l’on puisse dire est que l’affaire est à suivre et l’on attend le sort réservé à d’autres plaintes déposées devant les tribunaux en France, siège de PPLAAF.

D’ores et déjà, on peut s’interroger sur les motivations profondes de ces ONG qui prétendent inscrire dans leur agenda les objectifs de défense des libertés individuelles et de lutte contre la corruption. Défendent-elles réellement la liberté, luttent-elles effectivement contre la corruption ou alors défendent-elles plutôt les intérêts économiques de leurs commanditaires ? Toujours est-il qu’il est difficile de comprendre qu’elles consacrent l’essentiel de leurs rapports au continent africain. Doit-on conclure que l’Afrique est le seul continent où le besoin de défendre les libertés et de lutter contre la corruption se fait ressentir ?

On peut également s’interroger sur les motivations des media occidentaux  qui s’en sont donné à cœur joie, citant un rapport sans préciser qu’il est entièrement écrit au conditionnel. Selon la Charte de Munich, le document de référence de la déontologie du journalisme, le premier devoir du journaliste est le respect de la vérité. L’utilisation du conditionnel par les auteurs du rapport «Des sanctions mine de rien» est une marque de réfutation du semblant d’évidence et leurs déclarations, si elles ne sont pas fausses, sont à tout le moins mensongères.

Face à un tel artifice, un journaliste professionnel comprend que les auteurs ne disposent pas d’éléments concrets pour appuyer leurs accusations. En conséquence, le journaliste professionnel qui commente un tel rapport mentionne clairement qu’il est écrit au conditionnel. Tel est le sens de la première exigence de la charte de Munich : «le respect de la vérité».

Auteur:
Béatrice KAZE
 @T_B_A
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