Afrique - Attaque des rebelles au Tchad/Dieudonné Essomba (économiste): «Ce qui arrive au Tchad va arriver au Cameroun»

Par Fred BIHINA | Cameroon-Info.Net
YAOUNDE - 19-Apr-2021 - 14h55   13216                      
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Dieudonné Essomba archives
Le fonctionnaire à la retraite estime que la situation au Tchad interpelle le Cameroun et tous les autres pays de la région où le pouvoir central reste très fort.

La situation reste très volatile au Tchad. Il y a une semaine, une horde de rebelles a mené une incursion meurtrière au Nord du pays, en pleine élection présidentielle. Une attaque qui, selon les auteurs, visent à prendre le contrôle de la capitale Ndjamena. Le 17 avril 2021, l’armée tchadienne a annoncé une riposte qui aurait permis de neutraliser plusieurs insurgés.

Analysant cette situation, Dieudonné Essomba accuse l’hypercentralisation du pouvoir, détenu des mains de maître par la maréchal Idriss Deby, au pouvoir depuis trois décennies.

«Comment peut-on, dans un pays aussi pauvre que le Tchad,  entretenir un système qui concentre les frustrations de tous les segments de la société sur le seul Président de la République, et croire un seul instant qu’on peut maintenir une stabilité à long terme ?», s’interroge le fonctionnaire à la retraite, dans une tribune publiée ce 19 avril 2021 sur sa page Facebook.

Pour lui, le Tchad parle à tous ces pays où les dirigeants n’ont pas compris l’importance de la décentralisation.

«En parlant du Tchad, je veux également parler du Cameroun, de la Centrafrique, du Mali, de la Côte d’ivoire et de tous ces pays dans lesquels les dirigeants se prennent pour des divinités magiques et non de hauts fonctionnaires. Cela ne peut rien de bon. Ce qui arrive au Tchad va arriver dans tous ces pays, et singulièrement au Cameroun, où cette perception du pouvoir atteint un niveau caricatural. Il faut aller au fédéralisme pour mettre fin à l’instabilité génétique de tous ces pays», écrit le consultant de la chaîne privée Vision 4.

Voici l’intégralité du texte de Dieudonné Essomba:

POURQUOI LES REBELLES CONVERGENT VERS NDJAMENA ?

C’est simple: c’est parce tout le pouvoir s’y trouve !

Dès lors que tout le pouvoir se trouve concentré entre les mains d’un seul individu qui gère tout l’argent du pays à partir du Palais, comment voulez-vous qu’il ne concentre pas toutes les jalousies, toutes les incompréhensions et toutes les haines ?

IDRIS DEBY lui-même avait promis de disperser ce pouvoir monstrueux dans les Régions, en faisant du Tchad un Etat fédéral. Cela permettait par la même occasion de disperser la demande sociale, et de la sous-traiter par les Etats régionaux, avec l’encadrement stratégique de l’Etat central.

Comment peut-on, dans un pays aussi pauvre que le Tchad,  entretenir un système qui concentre les frustrations de tous les segments de la société sur le seul Président de la République, et croire un seul instant qu’on peut maintenir une stabilité à long terme ?

Les centres de santé qui ne marchent pas, c’est le Président ! Les instituteurs ne sont pas recrutés, c’est le Président ! Il n’y  a pas d’eau dans un village, c’est le Président ! Les tables-blancs manquent à l’école, c’est le Président !

Tout, c’est le Président !

C’est absolument monstrueux, cette prétentieux idiote de nos dirigeants de contrôler tout !

Alors même que 60 ans d’histoire africaine n’ont montré nulle part le moindre succès de cette obsession du pouvoir centralisé et absolu, nos dirigeants n’ont jamais compris qu’un Chef d’Etat, ce n’est pas un Messie destiné à soutenir la Croix de la Nation, mais un haut cadre de l’administration publique, en charge d’un secteur d’activité qui est la gouvernance stratégique de l’Etat.

Il n’a pas à développer la folle prétention à porter sur son dos tout et n’importe quoi, y compris les latrines dans une école de la brousse !

En parlant du Tchad, je veux également parler du Cameroun, de la Centrafrique, du Mali, de la Côte d’ivoire et de tous ces pays dans lesquels les dirigeants se prennent pour des divinités magiques et non de hauts fonctionnaires. Cela ne peut rien de bon.

Ce qui arrive au Tchad va arriver dans tous ces pays, et singulièrement au Cameroun, où cette perception du pouvoir atteint un niveau caricatural.

Il faut aller au fédéralisme pour mettre fin à l’instabilité génétique de tous ces pays.

Dieudonné ESSOMBA

Auteur:
Fred BIHINA
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