Afrique - Crise du Covid-19: La France prédit une éventuelle implosion des Etats africains dont le Cameroun

Par Frédéric NONOS | Cameroon-Info.Net
YAOUNDE - 11-Apr-2020 - 04h57   25225                      
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Paul Biya archives
Dans une note diplomatique du Centre d'analyse, de prévision et de stratégie (CAPS), le Quai d’Orsay imagine l’impact désastreux que pourra avoir la pandémie en Afrique. Il prévoit une probable déstabilisation de certains pays et cherche déjà d’autres interlocuteurs fiables et légitimes.

Le rapport est intitulé "L'effet pangolin: la tempête qui vient en Afrique ?" et date du 24 mars 2020. Selon le Quai d'Orsay, « le Covid-19 se présente en Afrique sous la forme d’un chronogramme politique qui va amplifier les facteurs de crise des sociétés et des Etats ». La pandémie, estime le ministère français des Affaires étrangères, pourrait être "la crise de trop, qui déstabilise durablement, voire qui mette à bas des régimes fragiles (Sahel) ou en bout de course (Afrique centrale)". Un nombre élevé de morts, le décès d'une personnalité ou, enfin, la comparaison entre Etats fragiles (Sahel et Afrique centrale) et solides (Rwanda, Sénégal). Ce qui pourrait déclencher une contestation.

Au 10 avril 2020, l’Afrique comptait déjà 12 492 cas du Covid-19 dont 649 morts. Mais le pire est à venir, « parce que le taux de médicalisation est quasi-nul et les systèmes de santé nationaux peuvent être considérés comme saturés d'office », prédit le CAPS. Résultat, la question de la sélection ne portera pas sur les personnes à sauver sur le plan médical (faute de capacités d'accueil), mais "sur les besoins de premières nécessités : quel quartier ravitailler ? Quelles autorités locales crédibles peuvent être les relais d'organisation de la distribution ? Quels produits de première nécessité fournir dans une phase attendue de pénurie ?

Le poids des réseaux sociaux va considérablement peser, a fortiori avec le confinement qui va couper littéralement les sociétés des institutions publiques. Faute de parole publique crédible, "les thèses complotistes commencent déjà à fleurir et s'ajoutent aux simples fausses informations pour participer d'une perte de contrôle des opinions publiques. A cela s'ajoutent les dynamiques de rumeurs populaires, lesquelles sont tout autant susceptibles d'être instrumentalisées pour orienter des violences collectives", prévient le Quai d'Orsay. Le rapport renseigne que la plupart des Etats africains vont faire "massivement la preuve de leur incapacité à protéger leurs populations. Cette crise, prévient le Quai d’Orsay, pourrait être « le dernier étage du procès populaire contre l'Etat, qui n'avait déjà pas su répondre aux crises économiques, politiques et sécuritaires ».

En Afrique de l'Ouest, indique le CAPS, les mesures de confinement saperont l'équilibre fragile de l'informel, économie de survie quotidienne essentielle au maintien du contrat social. En Afrique centrale, "le choc pourrait précipiter la crise finale de la rente pétrolière au Cameroun, au Gabon et au Congo-Brazzaville (effondrement d'un prix du baril déjà en crise avec la demandé, aggravé par un ralentissement de la production, et risque d'accélération de la réflexion d'opérateurs pétroliers - Total au premier chef - de quitter ces pays), là aussi au cœur des équilibres sociaux", précise le Quai d'Orsay. Dans les deux cas, cela pourrait constituer le facteur économique déclencheur des processus de transition politique.

"Face au discrédit des élites politiques, il convient de trouver d'autres interlocuteurs africains pour affronter cette crise aux conséquences politiques", affirme ce groupe de réflexion du Quai d’Orsay, chargé de mener des missions d'analyse de l'environnement international. D'autant que le risque d'infection d'un dirigeant âgé et déjà malade pourrait avoir de lourdes conséquences et obligerait la France "à se positionner clairement et rapidement sur la fin d'un système et sur une transition". Au vu de la catastrophe politique, économique et sanitaire annoncée, le CAPS propose que la France se tourne vers de nouveaux interlocuteurs avec qui coordonner les « efforts de gestion de la crise en Afrique ». Quatre catégories d’acteurs ont à cet effet été identifiées. Il s’agit des autorités religieuses, dont certaines « pourraient vouloir défier l’ordre public pour imposer le leur dans ce moment de faiblesse de l’Etat » ; les diasporas, qui ont « un devoir d’information civique » ; des artistes populaires qui sont « des autorités morales crédibles et façonnent les opinions publiques » ; et enfin les « entrepreneurs économiques et les businessmen néo-libéraux ».

Auteur:
Frédéric NONOS
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