Ambassade du Cameroun à Paris: La France expulse le Cameroun

Par Frédéric Fenkam (Correspondant) | Le Messager
- 18-Aug-2004 - 08h30   69992                      
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Depuis quelques semaines, des rumeurs fondées font état d’un déménagement imminent de l’ambassade du Cameroun à Paris pour des travaux urgents, en raison de la décrépitude avancée de l’immeuble. Notre dossier fait le point...
L’ambassade du Cameroun à Paris est-elle sommée de déguerpir ? « Non ! répondent les diplomates camerounais en poste. Nous ne sommes pas des locataires. L’Etat du Cameroun est propriétaire de l’immeuble. Personne de ce fait n’a le droit de nous demander de le quitter ». Pourtant les mouvements que l’on observe ces jours-ci laissent bien penser qu’un déménagement forcé est imminent. L’hôtel particulier en question va bientôt être rénové. Durée des travaux : environ 18 mois, voire plus. Plusieurs missions interministérielles camerounaises chargées du dossier ont séjourné à Paris ces mois-ci. Bien que la date du déménagement et l’adresse du site qui va abriter la nouvelle représentation diplomatique provisoire camerounaise dans la capitale française ne soient pas encore connues, il ne fait plus de doute que le n° 73 de la rue d’Auteuil dans le XVIe arrondissement de Paris a vocation, dans les prochains mois, à devenir un immense chantier. Que se passe t-il en réalité ? Une rumeur persistante attribue le déménagement de l’ambassade du Cameroun à une action de la mairie du XVIe arrondissement suite à une pétition des occupants de l’immeuble voisin qui, à travers le syndic des propriétaires, dénoncent l’état profond d’insalubrité ambiante. De gros rats et de gros cafards ont élu domicile dans les locaux de l’ambassade et rendraient de temps en temps visite aux voisins. Par ailleurs, à cause du mauvais état des sanitaires, certains usagers de la chancellerie ne se gêneraient pas quand ils ont envie de se soulager. Tous les petits recoins de l’immeuble et des environs immédiats sont devenus des pissoirs qui, en cette période estivale, dégagent des odeurs nauséabondes. Suite à cette requête des voisins, la mairie du XVIe dont les responsables se sont montrés avares de mots, aurait touché le Quai d’Orsay qui, depuis bientôt une année, prudence diplomatique oblige, a entrepris des démarches auprès des autorités camerounaises aux fins d’obtenir une action de salubrité. La réhabitation de l’immeuble s’imposerait en outre en raison de la présence de sa structure de l’amiante, silicate à texture fibreuse dont l’emploi est interdit en France. Pour qui connaît l’ambassade du Cameroun, à moins d’être un de ces flagorneurs du régime, il ne pourrait ne pas avouer que la chancellerie camerounaise devient la honte du citoyen qui y pénètre. Tous les pigeons de la rue d’Auteuil y ont élu domicile et se sont appropriés certains recoins où un être humain ne peut plus mettre les pieds. Les visiteurs expriment unanimement le même sentiment de dégoût, face au spectacle de désolation qu’offre l’intérieur du bâtiment : des murs sales qui suintent, un sol fâché avec la serpillière, des poubelles qui débordent, des plantes vertes moribondes… Il y a déjà très longtemps que les Camerounais résidant en France déplorent cette situation. Le coup de gueule des Français oblige Yaoundé à bouger. Enfin ! L’on ne sait pas pendant combien de temps les officiels de l’ambassade du Cameroun espèrent garder le secret sur le déménagement programmé. Une source digne de foi laisse entendre que la chancellerie provisoire se trouverait hors de Paris en proche banlieue, dans la ville voisine de Boulogne Billancourt. Selon certaines indiscrétions, une commission venue de Yaoundé aurait séjourné à Paris il y a une dizaine de jours pour sceller des accords avec les nouveaux bailleurs et finaliser le marché de restauration de l’ancien immeuble. Chantal n’a pas pu supporter Il y a quelques années, Chantal Biya, l’épouse du chef de l’Etat fut la première à réagir. Probablement après y avoir séjourné à la suite de la naissance de son deuxième enfant, elle avait décidé de ne plus occuper à l’avenir l’appartement Vip mal entretenu, réservé au couple présidentiel dans l’hôtel particulier qui abrite l’ambassade. Elle n’avait pas trouvé mieux que de déloger l’ambassadeur, Pascal Biloa Tang, de sa résidence officielle au 108 de la Villa Maillot à Neuilly, aux environs de Paris. Le pauvre homme, pensant que c’était pour une courte période, était allé s’installer avec sa famille dans un hôtel. Il y est encore car sa résidence s’est transformée en appartements privés de la famille présidentielle. Une résidence utilisée très sporadiquement, car le président Biya prend ses quartiers généralement dans l’un ou l’autre hôtel de luxe de Paris quand il séjourne dans la capitale française. Cameroon Tribune de mardi signale ainsi que c’est le Crillon, place Concorde, qui l’a accueilli ce week-end. Que le ministère français des Affaires étrangères ne puisse pas disposer de l’adresse de la résidence de l’ambassadeur du Cameroun à Paris (la rumeur affirme qu’il passe d’un hôtel à l’autre au gré de la capacité de la trésorerie de l’ambassade à régler les arriérés de nuitées) est une grave entorse aux usages diplomatiques. Cette atteinte à la dignité du diplomate est considérée comme une sérieuse incorrection dans les milieux diplomatiques parisiens. Les joyaux de la République mis à l’encan Dans les années 70, le Cameroun était encore propriétaire à Paris de deux immeubles prestigieux : son ambassade, rue de Longchamp et sa délégation économique, avenue d’Iéna. Tout laisse penser qu’ils ont été cédés ou vendus selon des modalités sur lesquelles Le Messager n’a pas réussi à obtenir des informations crédibles. Tout patriote soucieux des intérêts du pays ne peut que déplorer cette gestion laxiste qui a dépouillé le patrimoine national de ces joyaux les plus significatifs à l’étranger.




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