Attaques au Burkina: le Premier ministre décrit des "scènes apocalyptiques"

Par Agence France Presse | AFP
Ouagadougou - 03-Mar-2018 - 22h07   8700                      
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Des militaires sont postés devant le quartier général des forces armées à Ouagadougou, le 3 mars 2018 AFP/Ahmed OUOBA
Le Premier ministre burkinabè, Paul Kaba Thiéba a décrit samedi des "scènes apocalyptiques", au lendemain de la double attaque menée contre l'état-major des forces armées du Burkina Faso et l'ambassade de France à Ouagadougou qui ont fait 8 morts parmi les militaires.

Le Premier ministre burkinabè, Paul Kaba Thiéba a décrit samedi des "scènes apocalyptiques", au lendemain de la double attaque menée contre l'état-major des forces armées du Burkina Faso et l'ambassade de France à Ouagadougou qui ont fait 8 morts parmi les militaires.

"Ce que j'ai vu ici, c'était vraiment des scènes apocalyptiques", a déclaré M. Thiéba après une visite au siège de l'État major visé par une attaque à la voiture piégée.

Le Premier ministre burkinabè a "condamné avec la dernière rigueur cet attentat terroriste, lâche, qui s'attaque à notre pays, encore une fois et qui sème la mort, la désolation inutilement".

Huit membres des forces de l'ordre burkinabè ont été tués et 12 blessés sont en état d'urgence absolue, selon un bilan officiel. Aucun ressortissant français n'a été tué ou blessé.

Burkina Faso (c) AFP/

Dans un premier temps, des sources sécuritaires françaises avaient avancé vendredi un bilan d'au moins 28 morts.

Huit assaillants ont été tués au cours des attaques.

Les autorités burkinabè tentaient samedi d'établir qui est à l'origine de la double attaque, pour l'heure non revendiquée.

La piste jihadiste semblait la plus évidente, mais le gouvernement n'exclut pas une responsabilité de personnes liées au putsch manqué de 2015 contre les successeurs de l'ancien dirigeant Blaise Compaoré.

Un cycliste regarde les soldats postés devant le quartier général des forces armées à Ouagadougou, le 3 mars 2018 (c) AFP/Ahmed OUOBA

"Il s’agit d’une attaque terroriste, liée à un courant ou un autre (...) des mouvements terroristes dans le Sahel", "ou à d’autres acteurs qui sont pour une déstabilisation ou une situation de blocage de notre avancée démocratique", a déclaré samedi Remis Fulgance Dandjinou, porte-parole du gouvernement burkinabè.

Un régime plus démocratique a remplacé le gouvernement de l'ex président Compaoré chassé par un soulèvement populaire en octobre 2014 après 27 ans de pouvoir sans partage.

Selon un correspondant de l'AFP, des militaires sont présents autour des lieux des attaques mais on ne note pas de déploiement particulier de forces de sécurité ailleurs en ville.

- Interpellations -

Deux personnes ont été interpellées près de l'état-major, a indiqué à l'AFP une source sécuritaire.

Vendredi, le ministre de la Sécurité, Clément Sawadogo, avait déclaré que l'attentat visait "peut-être" une réunion militaire de la force multinationale antijihadiste du G5-Sahel (Mali, Burkina, Niger, Tchad et Mauritanie), qui devait se tenir dans une salle qui a été dévastée par l'explosion d'une voiture piégée.

Un épais nuage de fumée noire pendant des attaques armées visant l'ambassade de France et l'institut français dans l (c) AFP/Ahmed OUOBA
Le dispositif militaire français au Sahel (c) AFP/

Cette réunion entre le chef d'état-major et des officiers a été tenue dans une autre salle au dernier moment, évitant un carnage.

Le bilan officiel de la double attaque est de huit morts parmi les forces de l'ordre : "deux gendarmes devant l’ambassade de France et six militaires au niveau de l’état-major".

Les huit assaillants "ont été tous abattus" : "quatre à l’ambassade de France, en dehors des locaux" et quatre à l'état-major, selon une source sécuritaire burkinabè.

- 'crescendo' -

Le Burkina Faso est depuis 2015 la cible d'attaques jihadistes, qui ont déjà frappé sa capitale, sans jamais toutefois atteindre un tel niveau d'organisation avec deux groupes d'hommes armés opérant simultanément dans deux endroits du centre-ville de Ouagadougou et utilisant un véhicule piégé avant de lancer l'assaut à l'état-major.

Les attaques ont commencé vers 10H (locales et GMT) vendredi, et se sont terminées entre 14H et 15H.

"Le mode opératoire des attaques évolue crescendo. Après des cibles molles, comme des hôtels et restaurants, cette attaque a visé des cibles dures, des symboles forts", a jugé un consultant burkinabè en sécurité, Paul Koalaga, qui évoque aussi "un problème au niveau du renseignement".

Selon un témoin, les assaillants qui ont attaqué l'ambassade étaient armés de Kalashnikov et "habillés en civil, même pas cagoulés".

A l'inverse, le commando qui a attaqué l'état-major portait l'uniforme de l'armée de terre bukinabè, selon une source sécuritaire.

"Un commando agissant simultanément sur deux points majeurs de la capitale, une attaque très organisée, très minutée, avec une grande clarté dans les objectifs : cela designe certains des groupes qu'on connaît bien dans la région", a déclaré une source diplomatique française.

- "Pas de précédent" -

"Ils ont clairement voulu entrer dans l'ambassade et faire le maximum de victimes. Ils étaient équipés pour faire le maximum de victimes à l'intérieur. Ils avaient sur eux des explosifs, des chargeurs…", selon la même source.

La situation, selon la même source, a été "assez rapidement" sous contrôle à l'ambassade mais au prix de la mort d'un gendarme burkinabé, qui a été "tué juste devant l'ambassade.

"Un commando lourdement armé qui essaie de pénétrer dans une ambassade pour y faire un maximum de dégâts, je crois qu'il n'y a pas de précédent. On a déjà eu des précédents dans lesquels des voitures piégées ont explosé devant des ambassades - Tripoli, Nouakchott - mais pas cela", a ajouté cette source.

- G5 Sahel-

C'est la troisième fois en deux ans que la capitale du Burkina est la cible d'attaques visant des cibles fréquentées par les Occidentaux. 19 personnes avaient été tuées dans un café le 13 août 2017, dans un attentat non revendiqué. Et le 15 janvier 2016, 30 personnes, dont six Canadiens et cinq Européens, avaient été tuées lors d'une attaque revendiquée par le groupe jihadiste Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).

Selon un rapport de l'ONU, la montée en puissance de la force du G5-Sahel va de pair avec des "menaces terroristes croissantes de l'Etat islamique dans le Grand Sahara (ISGS) et de Ansar al-Islam", notamment aux confins des Burkina Faso, Mali et Niger.

Cette zone est au coeur de l'action de la force du G5-Sahel. Le Secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé à un "effort urgent et concerté" de la communauté internationale pour aider à stabiliser la région, y compris à travers "la pleine opérationnalisation" de la force du G5-Sahel.

Le président français Emmanuel Macron a réaffirmé "la détermination (...) de la France, aux côtés de ses partenaires du G5-Sahel, dans la lutte contre les mouvements terroristes".



Par Armel BAILY | AFP

Auteur:
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