Bakassi: Le transfert d'autorité se fera à Calabar

Par Alain B. Batongué | Mutations
- 13-Aug-2008 - 08h30   56679                      
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Des membres du gouvernement ont rencontré la presse hier pour expliquer les raisons de ce changement...
Plusieurs responsables de médias n'ont pas caché leur déception hier après avoir écouté les propos du ministre de la Communication (Mincom), Jean Pierre Biyiti bi Essam, et ceux de ses collègues Maurice Kamto, ministre délégué auprès du vice Premier ministre chargé de la Justice, et Dion Ngute, ministre délégué auprès du ministre des Relations extérieures. Sur la foi du communiqué de presse passé en boucle depuis la fin de semaine dernière, ils étaient venus en masse connaître les modalités du déplacement vers la zone où aura lieu la cérémonie de restitution de Bakassi au Cameroun. En fait, la rencontre programmée entre le Mincom et les patrons de presse a été rapidement recadrée. Il s'est agi d'un point de presse visant essentiellement deux objectifs : expliquer aux médias les raisons du changement du lieu de la cérémonie officielle et solennelle de restitution et leur présenter les attentes du gouvernement en matière de couverture " responsable et patriotique " de cet événement politique majeur devant permettre, selon la formule de Jean Pierre Biyiti bi Essam, de " tourner définitivement la page. Ce qui n'est pas toujours évident avec les problèmes des frontières entre Etats. Il n'y a qu'à voir, en restant dans l'actualité, ce qui se passe en ce moment en Ossétie, entre la Russie et la Géorgie ". Sur le premier point, les ministres ont été formels : la décision les a eux-mêmes pris de court, les dispositions ayant été prises de longue date dans la perspective d'une cérémonie à Jabane, même si, reconnaissait le ministre Maurice Kamto : " initialement, trois sites avaient été envisagés ; Jabane, bien sûr, mais aussi Calabar et Abuja, la capitale fédérale ". Pourquoi un changement de lieu à la dernière minute ? Selon les membres du gouvernement, les autorités nigérianes auraient fait valoir des arguments liés à la sécurité difficile à assurer en ce moment à Jabane des délégations aussi bien camerounaises que nigérianes, sans compter celles des Nations unies et de l'Union européenne. Clarifications Pour Maurice Kamto, " à quelque chose malheur est bon. Parce que si la cérémonie avait eu lieu en territoire camerounais, elle aurait représenté pour nous une forte dimension symbolique. Mais comme elle aura lieu à Calabar, elle aura un double symbole, tant pour nous que pour le Nigeria, parce que Calabar, capitale de l'Etat de Cross River dont dépendait la presqu'île de Bakassi lorsqu'elle était gérée par le Nigeria, est la ville qui cristallisait les plus grandes réticences à la rétrocession de la presqu'île au Cameroun. " Une manière de double victoire en terrain hostile en somme, même s'il n'a manifestement pas convaincu de nombreux journalistes présents dans la salle de conférences du Mincom, qui ne comprenaient toujours pas que l'on ait accepté d'aller à Calabar alors que, sécurité pour sécurité, des villes environnantes au Cameroun comme Mundemba offraient un meilleur cadre. Les membres du gouvernement présents à ce point de presse ont par ailleurs précisé leurs attentes. Certes, ont-ils indiqué, les décisions de droit se rendent par la justice, mais le rôle de la presse peut-être important et même fondamental. D'où l'appel à une couverture responsable et patriotique, au-delà des chapelles et des lignes éditoriales, parce que tout bon Camerounais doit être fier du dénouement heureux et définitif de cette crise à la frontière, et devrait donc minimiser les petits détails qui peuvent inutilement remettre de l'huile sur le feu pour se concentrer sur la finalité qu'est le transfert d'autorité sur la presqu'île. Maurice Kamto a d'ailleurs tenu à apporter des clarifications supplémentaires qui, disait-il, devaient permettre de mieux éduquer les citoyens. " Il ne s'agit nullement d'un transfert de souveraineté, comme j'ai pu l'entendre ça et là, parce que le Cameroun n'a jamais perdu sa souveraineté sur la presqu'île, mais bien d'un transfert d'autorité parce que, de fait, Bakassi a été pendant longtemps administré par le Nigeria ". Autre précision de celui qui aura été de toutes les délégations du Cameroun tant au procès à la Cour internationale de justice (Cij) qu'aux négociations engagées entre les deux pays après le verdict du 10 octobre 2002 : " Il y a encore à Bakassi une importante communauté nigériane qui sera tout à fait libre de décider de son sort : ceux qui voudront repartir vers une autre ville du Nigeria seront libres de le faire. Ceux qui décideront de rester auront le choix entre conserver leur nationalité nigériane, ils devront alors se conformer aux règles régissant les conditions de séjour des étrangers en terre camerounaise, ou alors décider de devenir Camerounais : dans ce cas, les demandes seront individuelles et traitées au cas par cas, et ne seront surtout pas collectives comme certains ont pu le penser. "




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