Bakassi: Tout ne sera pas fini le 14 août

Par Jean Francis Belibi | Mutations
- 08-Aug-2008 - 08h30   57901                      
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Le Cameroun attendra 5 ans pour exercer en toute plénitude ses droits de souveraineté sur la zone...
C'est jeudi 14 août 2008 prochain, conformément aux dispositions de l'Accord de Greentree entre notre pays et le Nigeria, que le Cameroun devra prendre possession de la presqu'île de Bakassi. La rétrocession de ces territoires la semaine prochaine se fera selon, les dispositions de l'alinéa 2 (b) de l'annexe de cet accord, en présence des représentants du Secrétaire général des Nations Unies et ceux des quatre pays témoins à la signature de cet accord (Etats-Unis d'Amérique, France, Allemagne et Grande Bretagne). Une cérémonie de rétrocession qui aura lieu dans la localité de Jabané, située au Sud-est de la péninsule. Le retour officiel de ce territoire au Cameroun est encore jalonné d'un certain nombre de conditions, relatives notamment aux droits des citoyens nigérians qui choisiront de continuer à vivre dans la zone. Les " avantages " dont ils vont ainsi bénéficier, concernent entre autre, la non application à ceux-ci, de toute " législation douanière ", encore moins celle sur " l'immigration aux ressortissants nigérians vivant dans la Zone qui se rendent directement du Nigéria dans la Zone dans le but d'accéder à leurs activités". Les deux pays devront en outre travailler en collaboration pour le règlement des questions liées au maintien de l'ordre dans la presqu'île. Selon l'Accord, le Cameroun devra permettre aux officiers et au personnel en uniforme des forces de police nigérianes d'avoir accès à la zone, en collaboration avec la police camerounaise, avec un minimum de formalités, à des fins d'enquête sur des crimes et délits ou d'autres incidents impliquant exclusivement des ressortissants nigérians. Période transitoire Si les navires civils battant pavillon nigérians auront encore le droit de circuler dans la péninsule pendant cette période transitoire, il n'en sera plus de même pour ceux de guerre. Mais l'entrée en vigueur de cette période transitoire le 14 août prochain n'entraînera pas que des avantages pour les ressortissants nigérians non établis dans la région. Ils devront, dans le cas de l'acquisition de terrains dans la zone, se conformer aux lois et règlements du Cameroun. Au rang des contraintes qui iront au-delà des cinq années de période transitoire, il y a celles qui imposent au Cameroun de garantir "aux ressortissants nigérians vivant dans la presqu'île de Bakassi l'exercice des libertés et droits fondamentaux consacrés par le droit international des droits de l'homme et les autres règles pertinentes du droit international ". Ceci dans la mesure où notre gouvernement ne pourra ni leur imposer de changer de nationalité, de culture, de langue ou de croyance. Ceux-ci seront en outre libres de poursuivre leurs activités agricoles et piscicoles dans la région. Ces nombreuses restrictions et contraintes à l'application des clauses de la décision rendue le 10 octobre 2002 par la Cour internationale de justice (Cij) de La Haye constitue néanmoins un précédent en la matière. A titre de comparaison, la mise en application de l'arrêt de la Cij le 3 février 1994 au sujet du différend frontalier opposant la Libye au Tchad sur la bande d'Aouzou avait nécessité quatre mois pour sa mise en œuvre, alors que les tensions entre les deux pays n'étaient pas moins exacerbées. Le Cameroun et le Nigeria courent vers leur 6ème année, et il faudra encore attendre cinq années supplémentaires Même si les dispositions de l'article 7 de l'Accord de Greentree indiquent notamment que " Le présent Accord ne peut en aucune manière être entendu comme une interprétation ou une modification de l'arrêt de la Cour internationale de Justice du 10 octobre 2002, dont il est une simple modalité d'application ".

Rétrocession: La diplomatie se déploie

Le Cameroun a pris langue avec les témoins de Greentree pour que ça se passe comme prévu. C'est depuis 48 heures que le Comité de coordination et de suivi des actions prioritaires à mener à court, moyen et long terme dans la péninsule est sur le terrain dans la péninsule de Bakassi. La mission conduite par Jacob Lekunze Ketuna, conseiller spécial dans les services du Premier ministre et président de ce comité est en effet allée à la rencontre des populations de la presqu'île dans la perspective de l'événement de jeudi prochain. Il est question, comme l'expliquait notre confrère de la Crtv sur les lieux, de leur expliquer " ce qui a déjà été fait dans le cadre de la reprise de cette partie du territoire, ce qui est envisagé ". Une rencontre qui a regroupé l'ensemble de l'élite du département du Ndian, théâtre des opérations. Une descente sur le terrain qui a précédé celle d'une autre équipe des forces de sécurité camerounaise hier, en vue de la sécurisation des lieux. Comme nous l'indiquions déjà il y a quelques jours dans ces mêmes colonnes, c'est au Bataillon d'intervention rapide (Bir) qu'il reviendra d'assurer la sécurité de la localité de Jabane, lieu choisi pour la cérémonie officielle de rétrocession. Il faut dire qu'au rang des personnalités dont la présence est prévue dans la localité, outre les officiels camerounais et nigérians, on aura une délégation du secrétaire général des Nations Unies, conduite par son représentant spécial pour l'Afrique de l'Ouest, Saïd Djinnit, et des ambassadeurs des pays témoins de l'Accord de Greentree (Etats-Unis d'Amérique, Grande Bretagne, Allemagne et France). C'est sans doute pour faire le point des préparatifs de cet événement que certains chefs de missions diplomatiques de ces quatre pays ont été reçus en audience par le chef de l'Etat, Paul Biya. Après le Français Georges Serre il y a neuf jours, c'était au tour de l'Américaine Janet Elisabeth Garvey de rencontrer le président de la République hier au palais de l'Unité. Des rencontres avec le président de la République qui ont lieu au moment où l'on signale la présence dans nos murs, d'une délégation d'officiels nigérians. S'il n'est pas question de la remise en cause de la rétrocession de Bakassi au Cameroun, nos sources indiquent néanmoins que la révision de certains points de l'Accord du 12 juin 2006 est à l'ordre du jour. Une visite d'officiels nigérians qui intervient quelques jours seulement après que la Haute cour de justice d'Abuja a sollicité le report de la cérémonie du 14 août 2008. Intervenant à la suite de la diffusion de cette information, Salaheddine Abbas Ibrahima, Haut commissaire du Cameroun au Nigeria a notamment déclaré à nos confrères de Cameroon Tribune mardi dernier à ce sujet que s'il y a eu jugement qu'une Cour a pris dans ce sens, " il ne s'agit pas de la Haute cour fédérale de Justice. Il s'agit de la Cour fédérale d'Abuja ", qui dans le cas d'espèce, répondait " à une plainte d'un collectif d'élites et chefs traditionnels de la presqu'île ". Une réaction qui rejoignait celle des autorités officielles nigérianes. Celles-ci n'ont en effet jamais fait mystère de leur engagement à appliquer les résolutions internationales au sujet de la presqu'île de Bakassi dont les multiples richesses du sol et du sous sol constituent un enjeu économique non négligeable (voir papier ci-contre). JFB




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