Cameroun – Affaire Nourane Fotsing/Hilaire Kamga (homme politique): «Rien ne peut justifier qu’un Député essaye de porter la main sur un policier en service»

Par Yannick A. KENNE | Cameroon-Info.Net
YAOUNDE - 21-Jul-2021 - 14h39   10395                      
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Hilaire Kamga, (c) archives
Dans une analyse froide de cet incident entre la députée du Parti Camerounais pour la Réconciliation Nationale et des agents de la police nationale à Bafoussam (Ouest), le leader de l’Offre Orange fustige la « posture transcendantale » de l’élue du peuple dans une République régit par des lois.

L’affaire fait grand bruit depuis le mardi 20 juillet 2021 : celle de la députée du Parti Camerounais Pour la Réconciliation Nationale (PCRN), Nourane Fotsing, prise en tenaille par des agents de la police nationale dans la ville de Bafoussam (Ouest), et plongée dans des joutes verbales excessives avec ceux-ci, assorties même de violence physique. Ces images ont aussitôt fait le tour de la toile, et ont suscité des réactions de part et d’autre.

Des acteurs au sein de la classe politique ne se sont pas gardés de réagir eux aussi à cette affaire. C’est le cas de Hilaire Kamga, le leader de l’Offre Orange, qui, dans une analyse publiée ce mercredi 21 juillet 2021 sur les plateformes sociales, a vertement tancé Nourane Fotsing, après un diagnostic froid des faits.

« La qualité de député vous donne des privilèges particuliers mais ne vous octroie pas une posture transcendantale vis-à-vis des autres citoyens dans la jouissance des libertés fondamentales. S’il y a une limitation conjoncturelle à la liberté de circuler, elle sera valable pour tous les citoyens, car il n’y a pas de droits de l’homme « spéciaux » pour les députés », a déploré Hilaire Kamga.

Pour lui, l’élue de Wouri-Est n’aurait pas dû se faire justice en s’illustrant par des propos très durs et véhéments à l’endroit des policiers. Elle alla même plus loin en agressant physiquement un des agents de police. « Rien, ne peut justifier qu’un Député essaye de porter la main sur un policier en service (violence physique et/ou voie de fait réprimés par le Code pénal), exécutant un ordre Légal émanant du pouvoir Exécutif.  La seule hypothèse où cela est acceptable est celle de la LEGITIME DEFENSE qui vous donne le droit de REAGIR pour vous défendre », renchérit le leader de l’Offre Orange, pour qui «  il eut été indiqué pour la député, qui aurait éventuellement constaté un manquement dans le comportement des policiers (1)  de se référer au donneur d’ordre, ou (2) d’user des voies de recours disponibles pour faire valoir ses droits éventuellement violés et/ou ses privilèges éventuellement non respectés », préconise-t-il.

Pour sa part, le PCRN a condamné l’attitude des policiers dans un communiqué publié mardi, et a pris la défense de son membre.

 

Voici l’analyse du Dr Hilaire Kamga sur l’affaire Nourane Foster :

Madame Fotsing née Nourane, très dynamique député du Wouri à l’Assemblée Nationale se rendait dans le département du Noun (Ouest Cameroun). Arrivée dans la ville de Bafoussam, elle emprunte une rue qui est bloquée par la police sur ordre du Gouverneur de la Région dans le cadre des manifestations religieuses liées à la fête  Musulmane.  Cette barricade installée par la police bloque le passage à tous les citoyens voulant emprunter cette rue et une déviation est proposée à cet effet.  Mais le député qui est à bord du véhicule conduite par son époux, aurait exigé que la route soit ouverte pour lui permettre de passer. Ce qui ne trouvera pas un écho favorable auprès des policiers qui exécutent un Ordre et n’ont pas reçu instructions de statuer sur des dérogations éventuelles.

Courroucée par le refus catégorique des flics, elle va, selon les témoignages recueillis sur les lieux, demander au chauffeur de circonstance de lui donner le volant afin qu’en sa qualité de Député, elle «défonce» la fameuse barrière de police.  Elle (la voiture) sera malheureusement stoppée dans son élan  par un « terre-plein ».  C’est après cette dangereuse tentative que les policiers  (apparemment traumatisés) vont  encercler le véhicule  produisant ensuite tout le spectacle qui fait le Buzz sur les réseaux sociaux  depuis hier. En considérant que cette version des faits est la bonne (nous n’en avons pas une contraire en ce moment), nous avons l’obligation de faire un commentaire didactique sur cette affaire dès lors  que  les réactions vont aller  dans tous les sens depuis hier. 

Le double statut de « Député de la Nation »  et de « Femme» a naturellement amené beaucoup de citoyens de bonne foi à condamner exclusivement l’attitude des policiers.

A-      Les droits « spéciaux » des députés

1-      Je dois ici indiqué que nous sommes en République. Et la RES- PUBLICA est fondée sur des principes immuables. L’Etat de droit fait partie de ces principes fondamentaux qui structurent et consolident la démocratie. Parmi les déterminants de l’Etat de droit, il y a naturellement (et en 1er) l’égalité des sujets de droits  qui subodore que tous les citoyens ont les mêmes droits sans considération de statut social. Cette condition d’existence d’Etat de droit n’enlève rien au Régime des privilèges que confère certaines fonctions ou responsabilités étatiques. Bien plus, l’existence de ce régime des privilèges ne saurait violer le principe constitutionnel de la NON DISCRIMINATION notamment en matière d’exercice des droits de l’Homme et particulièrement le droit d’aller de venir. En République La liberté de manifestation est un droit fondamental au même titre que la liberté de circulation.

2-      Au Cameroun  la liberté de manifestation  est encadrée la loi N° 90/055 du 19 décembre 1990. Cette loi dispose bien que les manifestations visées se font sur la voie publique, donc d’usage collectif. Il revient donc à l’autorité administrative de prendre les mesures nécessaires pour que ces manifestations se tiennent et soient sécurisées : les mesures d’interdiction temporaire de circulation pour cause de manifestations publiques font partie de ce dispositif de sécurisation.

3-      De même, il faut noter que le législateur Camerounais à travers l’article 6 alinéa 2 de la loi suscitée protègent encore plus les manifestations religieuses en disposant : «dérogent à l’obligation de déclaration visée à l’alinéa 1er les sorties sur la voie publique conformes aux traditions et usages locaux ou RELIGIEUX ».

En clair, la qualité de député vous donne des privilèges particuliers mais ne vous octroie pas une posture transcendantale vis-à-vis des autres citoyens dans la jouissance des libertés fondamentales. S’il y a une limitation conjoncturelle à la liberté de circuler, elle sera valable pour tous les citoyens, car il n’y a pas de droits de l’homme « spéciaux » pour les députés.

  1. problème de hiérarchie non respectée ? 

Il est important de rappeler que la REPUBLIQUE démocratique est, en principe fondée sur la séparation des pouvoirs.  Le pouvoir LEGISLATIF qui fabrique les LOIS, le Pouvoir EXECUTIF qui assure le respect de ces LOIS, et le Pouvoir JUDICIAIRE qui sanctionne ceux qui se donnent des libertés  avec les LOIS de la REPUBLIQUE.

Le pouvoir exécutif étant incarné par le Président de la République (PR) dans un  système présidentialiste comme le nôtre, le PR exerce à travers ces démembrements de l’administration territoriale (Gouverneurs et préfets) ; Ces derniers ayant la police et la gendarmerie comme instruments pour le maintien de l’ordre  et  la sécurité COLLECTIVE. Ce développement vise à montrer que, le policier en fonction  agissant en vertu d’un ordre légal, est aussi représentant de l’Etat,  de la République, et notamment de l’EXECUTIF : Il est tout aussi porteur du DRAPEAU NATIONAL.

Dans le cas de l’incident qui s’est produit à Bafoussam, les policiers avaient malheureusement  l’avantage d’être en SERVICE  sur leur lieu de travail alors que le député ne l’était pas.

Observations finales.

En République, il eut été indiqué pour la député, qui aurait éventuellement constaté un manquement dans le comportement des policiers (1)  de se référer au donneur d’ordre, ou (2) d’user des voies de recours disponibles pour faire valoir ses droits éventuellement violés et/ou ses privilèges éventuellement non respectés. 

Mais rien, alors rien, ne peut justifier qu’un Député essaye de porter la main sur un policier en service (violence physique et/ou voie de fait réprimés par le Code pénal), exécutant un ordre Légal émanant du pouvoir Exécutif.  La seule hypothèse où cela est acceptable est celle de la LEGITIME DEFENSE qui vous donne le droit de REAGIR pour vous défendre.

Si nous adoubons la posture qui consiste à « se rendre justice soi-même », alors ayons le courage de renoncer à l’Etat de droit, et donc à la REPUBLQUE.

Certes, une grande majorité des policiers camerounais a besoin de recyclage pour entrer dans l’univers de la police civilisée, mais cela ne justifie pas une généralisation de l’opprobre que certains veulent jeter sur le corps de la police dans son ensemble.  Il serait tout aussi urgent de prévoir de sessions de formation  pour les députés qui ont besoin de maitriser les fondamentaux de la République car il est un fait constant : beaucoup de parlementaires n’ont aucune formation de juristes ou assimilés  (ce qui n’est pas un reproche), et n’ont par conséquent qu’une idée vague du droit constitutionnel et des droits de l’Homme.

Hilaire KAMGA

 

Auteur:
Yannick A. KENNE
 @yanickken39
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