Cameroun - Autoroute Yaoundé-Douala : Voici pourquoi ça coince, révélations exclusives !

Par Jean-M NKOUSSA | Cameroon-Info.Net
YAOUNDE - 22-May-2017 - 16h45   9939                      
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Le premier bitume sur l'autoroute Yaoundé-Douala Cam
Un article du journaliste Guy Zogo, renseigne que l’entreprise chinoise China First Highway Engineering Company (CFHEC) a mis en congé technique une bonne partie de ses ouvriers. Derrière ce coup de sang, une histoire de changement inopiné du tracé de l’ouvrage et des arriérés de paiement par le Cameroun, souligne notre confrère.

Cameroon-info.net vous propose cette enquête qui révèle les causes du blocage de ce chantier en cours depuis plusieurs années.

Au Pk 0 de l’autoroute Yaoundé –Douala, tout à l’entame de ce chantier, le 13 mai 2017, à la mi-journée, seuls quelques ouvriers sont présents sur ce lieu accompagnés de deux superviseurs chinois. Ils s’affairent à finaliser la charpente  de l’échangeur qui servira aux riverains pour qu’ils puissent aller de part et d’autre de l’autoroute sans empiéter sur cet ouvrage. Derrière les gestes des ouvriers se dégage une certaine nonchalance au point que seuls quelques coups de marteau et des gestes anodins, dans un silence lourd troublent la quiétude de ce lieu.

Rien à voir donc avec l’ambiance habituelle des grands jours sur ce chantier où marteaux piqueurs, engins lourds, ouvriers enthousiastes vont et viennent d’ordinaire dans un vacarme assourdissant. On a beau parcourir une bonne trentaine de kilomètres soit jusqu’au PK 40, borne où se limite le terrassement à l’heure actuelle, la situation est identique. Cela, depuis que CFHEC (China First Highway Engineering Co. Ltd) a mis en congé technique la plupart de ses ouvriers via une note datée du 29 avril 2017, dont camerouninfo.net a pu obtenir copie.

« Nous avons le regret de vous informer qu’étant donné le retard de paiement du maître d’ouvrage depuis longtemps, la direction de CFHEC décide de suspendre les travaux des ouvriers chargés du terrassement sur le chantier de construction de la première phase de l’autoroute Yaoundé –Douala à compter du 02 mai 2017 (…) La période de suspension sera d’un mois à partir du 02 mai et cette période pourra être prorogée en cas de besoin », souligne à peine diplomatiquement la note de l’entreprise chinoise.

Changement de tracé

Dans cette affaire, les détails eux ne laissent pas de doute, la colère des chinois est grande. Selon nos sources, tout est parti de la décision du Cameroun de changer le tracé de l’autoroute Yaoundé –Douala. Dès le départ, certifie notre source, il n’a jamais été question entre la Chine et le Cameroun  de la construction d’une autoroute Yaoundé-Douala mais plutôt d’une route à deux voies expresses, que le Cameroun lui va baptiser pompeusement autoroute Yaoundé –Douala.

Tels sont les termes du contrat relatif à la conception et à la réalisation de l’autoroute Yaoundé-Douala entre le ministère des Travaux Publics du Cameroun et la CFHEC signé le 8 Août 2011. Un accord à partir duquel Eximbank China s’appuiera pour financer à hauteur de 241, 4 milliards de FCFA la construction de cet ouvrage, tout en précisant dans le contrat de financement signé le 8 mars 2012, qu’aucun changement  de tracé ne pourrait intervenir sans qu’elle ne soit informée.

Pourtant, là se situe le premier hic qui attise aujourd’hui la colère des chinois. En effet, indique encore notre source, c’est après la validation de l’étude technique et l’application sur le terrain de l’accord relatif à la conception et à la construction de l’ouvrage que le Cameroun va décider de changer le tracé en le faisant passer d’une route de 2 x 2 voies à une route de 2 x 3 voies , le tout sans en informer Eximbank.

Du coup, la partie chinoise excipe l’argument de la violation des termes du contrat de financement pour mettre en veilleuse le financement des changements opérés par le Cameroun sur le tracé de cette autoroute. Cela, poursuit notre source, d’autant que désormais les Chinois font jouer une autre clause de l’accord de financement qui stipule que le maitre d’ouvrage est tenu de s’acquitter de ses paiements auprès de CFHEC afin que le financement soit entièrement libéré par Eximbank China.

Or, précise-t-on encore, la dette du Cameroun vis-à-vis de CFHEC est d’au moins 100 milliards de FCFA. Faute donc de les avoir reçus jusqu’ici, l’entreprise chinoise qui explique ne plus avoir de disponibilités financières pour continuer à soutenir les travaux sur le chantier, décide de s’arrêter.

Casse-tête chinois permanent

Ces désagréments , précise une autre source qui a ses entrées auprès de CFHEC, viennent s’ajouter aux nombreux autres que l’entreprise chinoise est contrainte d’endurer depuis le lancement du chantier de l’autoroute Yaoundé –Douala. Ainsi, le casse-tête des indemnisations perdure bien qu’il ait été clairement spécifié que celles–ci, d’un montant global de 1,5 milliard de FCFA, devaient entièrement être payées aux riverains avant que l’entreprise en charge des travaux ne lance le chantier.

A ce jour, les indemnisations ont à peine été payées entièrement jusqu’au Pk 16. Outre cela, d’autres griefs fusent aussi de la partie chinoise. CFHEC dénonce par exemple la présence de trop nombreux interlocuteurs, au point qu’elle ne sait parfois plus à quel patron se vouer. Si l’on en croit ses explications, la conséquence immédiate en est que les ordres et les contre ordres qu’elle reçoit finissent par la déboussoler provoquant finalement de nombreuses hésitations de sa part.

Pourquoi ce revirement du Cameroun sur le tracé de l’autoroute et tant de lourdeurs administratives ? Pour le Pr Claude Abe, sociopolitiste, enseignant à l’Université Catholique d’Afrique Centrale, « seules des considérations politiciennes peuvent justifier cette attitude du Cameroun. C’est dans la perspective d’une nouvelle candidature de Paul Biya en 2018 que le tracé de l’autoroute a été modifié, question de ne pas prêter le flanc aux critiques lors de la campagne électorale lorsque le candidat devra affirmer aux camerounais que le chantier de l’autoroute Yaoundé –Douala est bien en cours. Quant au trop plein d’interlocuteurs, il n’y a véritablement pas de surprise, chacune des administrations concernées par ce chantier veut s’attribuer tous les mérites avec en dessous des relents de corruption ».

Pourtant, ajoute encore notre source, CFHEC se targue d’avoir asphalté l’autoroute Yaoundé – Douala sur 10 Kilomètres, 18 mois avant les délais fixés à Octobre 2018. Un exploit que l’entreprise chinoise explique qu’elle pourrait rééditer sur les 40 kilomètres restant soit entièrement les 60 kilomètres qui constituent le premier lot de cette autoroute. Cela, à condition que le paiement du maître d’ouvrage soit effectif. Aux ministères des Travaux Publics et des Marchés Publics, nos demandes d’information n’ont  pas reçu de suite jusqu’ici.

Auteur:
Jean-M NKOUSSA
 @jmnkoussaCIN
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