Cameroun - Barrage Hydroélectrique de Lom-Panga (Est): Le Service d’Appui aux Initiatives Locales de Développement (SAILD) tire la sonnette d’alarme concernant le désastre environnemental engendré par la construction du barrage hydroélectrique de Lom Pangar

Par Claude Paul TJEG | Cameroon-Info.Net
YAOUNDE - 29-May-2020 - 12h26   4880                      
1
Barrage hydroélectrique de Lom Pangar Archives
Mise en eau à partir de 2015, l’infrastructure a entraîné l’ennoiement de la forêt, la biodiversité faunique  et la détérioration des conditions des vies des populations.

«On ne peut pas faire d’omelettes sans casser des œufs». Si vous cherchez une représentation fidèle à cette maxime plus que centenaire, il faut vous rendre dans la région de l’Est, plus précisément sur le site ou est implanté le barrage hydroélectrique de Lom Pangar. Là-bas, des «œufs» on en a cassé énormément afin que cette infrastructure sorte de terre et puisse jouer le rôle qui lui est dévolu. Les sacrifices consentis par les entreprises en charge de sa réalisation, sont surtout d’ordre environnemental et social. Le Service d’appui aux initiatives locales de développement (SAILD) parle même de désastre socio-environnemental.

Déforestation et destruction de la faune

Selon des chiffres recensés par cette ONG et la Global Forest Watch,  le projet Hydroélectrique de Lom Pangar qui est situé près du massif forestier de Deng Deng, une zone écologique particulièrement sensible, a entrainé la destruction de 50.000 hectares d’habitat naturel, dont 36.000 ha de forêt.

«Certains espaces forestiers ont été convertis lors des travaux de construction du projet. Ces travaux ont consisté à couper les forêts pour l’implantation du site du barrage et pour la construction des sites de recasement des populations déplacées. D’autres espaces forestiers en outre ont été ennoyés par les eaux du lac créé suite à la mise en eau du barrage. L’ennoiement des habitats naturels a créé des fragments de forêts constitués d’ilots le long des rivières de Lom et Pangar», explique l’ONG.

 La destruction de la forêt et la formation du lac de retenue a également entrainé la diminution de la faune aquatique, la disparition de plusieurs espèces animales et la réduction de l’habitat de celles qui ont survécu.

«Aucune statistique actuelle sur l’état de la faune dans la zone n’a pu être relevée. Toutefois, en ce qui concerne les populations de grands primates, on relève la perte de foret sur leur habitat de protection, notamment le parc national de Deng Deng (PNDD). Ces grands primates sont de fait désormais en divagation jusque dans les villages riverains du PNDD. Ils sont ainsi exposés à la riposte des populations lorsqu’ils se retrouvent dans les zones d’habitation et les champs. On observe la diminution de la biodiversité dans les milieux aquatiques. En 2004 on dénombrait une trentaine d’espèces de poissons dans les cours de la zone. A ce jour, les deux grands cours d’eau où regorgeaient cette diversité ichtyologique, on ne rencontre que quelques variétés de poissons à savoir les carpes, silures, machoirons (très faible quantité) et les petits poissons communément appelés shum», renseigne le SAILD.

Conséquences soco-économiques

A ces conséquences désastreuses, s’ajoutent les bouleversements socioéconomiques conséquents à l’instar des déplacements des villages, la diminution de la pêche en aval, la détérioration des conditions de vie des populations riveraines, les conflits fonciers, la restriction des droits des communautés locales à l’occupation des terres et à l’utilisation des ressources forestières etc.

Mesures environnementales insuffisantes

Pourtant lors de la conception du projet hydroélectrique de Lom Pangar, le gouvernement camerounais et ses partenaires techniques et financiers avaient pris en compte l’aspect socio-environnemental. Le projet qui consistait en la construction d’un barrage de retenue de 6 milliards de m3, d’une centrale hydroélectrique au pied du barrage d’une capacité de 30 MW, d’une ligne électrique de transport d’extension des réseaux pour la région de l’Est était accompagné de certaines mesures environnementales et sociales qui s’articulaient autour de 3 axes principaux à savoir: le plan de gestion environnemental et social, le plan d’indemnisation et de recasement et le plan de développement local; auxquels s’ajoute un système de prévention de conflits.

Cependant selon le SALID, ces mesures se sont révélées insuffisantes, notamment en ce qui concerne la préservation du parc national de Deng Deng créé Comme compensation aux pertes des habitats naturels et pour la conservation de la biodiversité.

«Le parc national de Deng Deng a été créé sur 52 347 ha et étendu à 68 264h en 2013. Six objectifs du parc ont été clairement définis parmi lesquels la sauvegarde des espèces animales, végétales et leurs habitats, la régulation des cours d’eau de la zone et la sécurisation des sources, et la contribution au bien être socio-économique des populations riveraines. Mais malgré la prise des mesures rigoureuses telles que l’interdiction formelle d’accès des populations riveraines dans le parc, la biodiversité de la zone continue de subir des menaces par la perte et la dégradation des forêts»

Propositions

Pour remédier aux différentes problématiques sus-indiquées, le SALID propose que les acteurs concernés notamment EDC, accélère  la mise en œuvre des mesures compensatrices et d’atténuation  non achevées, le renforcement par le MINEPIA et EDC de la surveillance des activités de pêche sur le lac de retenue, principalement les pratiques et techniques de pêches appliquées et les capacités des populations locales dans l’autogestion des infrastructures sociales mises en place par le projet et enfin l’inclusion des populations locales dans la gestion du parc national de Deng Deng pour faciliter l’accès au droit d’usage coutumier et la préservation des forêts.

vidéo présentant l'impact environnemental du barrage de Lom Panhar (c) SALID

 

 

 

 

Auteur:
Claude Paul TJEG
 @T_B_D
Tweet
Facebook




Dans la même Rubrique