Cameroun - CAN 2019: Le journaliste Julien Chongwang explique comment bien organiser l’événement sans les stades de Japoma et Olembe

Par Pierre Arnaud NTCHAPDA | Cameroon-Info.Net
YAOUNDE - 20-Aug-2017 - 12h50   9507                      
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Julien Chongwang Archives
L’ancien rédacteur en chef du Quotidien de l’Economie a fait publier dans ce journal une tribune le 16 août 2017.

Une édition de la Coupe d’Afrique des nations 2019 bien organisée et sans les stades d’Olembe à Yaoundé et Japoma à Douala, c’est possible. C’est ce que croit le journaliste camerounais exerçant au Sénégal Julien Chongwang. L’ancien rédacteur en chef du Quotidien de l’Economie a fait publier mercredi dans ce journal une tribune dans laquelle il argumente. En fait notre confrère qui compte parmi ceux qui s’opposent à l’organisation d’une Coupe d’Afrique des nations dans un contexte économique morose se ravise. Une position qu’il rappelle. « Le Cameroun est (était) normalement fondé à renoncer à l’organisation de la CAN en 2019 pour se positionner sur une édition ultérieure qu’il pourra abriter cette fois-là avec beaucoup plus de sérénité, beaucoup moins d’incertitudes et sûrement avec maestria », écrit-il avant d’expliquer ce qui apparaît comme un revirement. « Mais bon, puisque le chef de l’Etat a clos le débat la semaine dernière en s’engageant coûte que coûte pour l’organisation de cette compétition en 2019, point n’est plus besoin de s’attarder sur ces nombreuses réserves. L’urgence est maintenant de rechercher les voies et moyens susceptibles de nous aider à accueillir cette grand-messe du football continental avec le moins de couacs possibles. C’est dans cette logique que s’inscrit notre modeste contribution ».

Dans le plan B qu’il propose, il est question pour lui d’exclure d’entrée de jeu les stades d’Olembé à Yaoundé et de Japoma à Douala. S’appuyant sur les exemples de stades construits en Europe, il croit qu’ils ne seront pas achevés même si l’on prolonge le délai jusqu’à la veille des compétitions. C’est pourquoi il suggère « que l’Etat laisse les entreprises turque et italienne continuer au rythme normal et sans aucune précipitation (qui signifie bien souvent bricolage) la construction de ces merveilles architecturales qui, après tout, serviront plus tard pour l’organisation d’autres compétitions d’envergure continentale et (pourquoi pas ?) mondiale ».

Pour compenser ce manque, Julien Chongwang propose une CAN moins coûteuse avec 6 poules réparties dans 5 villes. C’est-à-dire une poule logée à Douala et qui jouerait dans un stade de la Réunification rénové. A Yaoundé, une poule logée au stade Ahmadou Ahidjo. A Bafoussam, deux poules logées respectivement aux stades de Tocket rénové et de Kouekong. La ville de Garoua, accueillerait un groupe logé au stade Roumdé Adja remis à neuf et enfin la dernière poule logée au stade omnisports de Limbé. Julien Chnogwang précise que « l’adoption d’une telle proposition demanderait que le Cameroun saisisse la CAF le plus tôt possible pour lui signifier et lui expliquer l’avenant qu’apportent les paragraphes I et II dans le dossier de candidature qu’il avait initialement déposé ». Le rédacteur en chef adjoint du site scidev.net complète le tableau de ses propositions par celles liées à d’autres aspects liés à l’organisation comme les infrastructures routières, hôtelières, hospitalières et les télécommunications.

 

Voici dans son intégralité la tribune de Julien Chongwang intitulée « Ainsi pourrait s’organiser avec succès la CAN 2019 »

 

Compte tenu de la crise économique et financière que le pays traverse et qui vient de le replonger dans les bras impitoyables du FMI, lui enlevant au passage sa souveraineté budgétaire ;

Vu la situation sécuritaire préoccupante marquée par la guerre contre la nébuleuse Boko Haram ; laquelle connaît un regain de sa capacité de nuisance et arrache désormais la vie à beaucoup de nos compatriotes chaque semaine dans la région de l’Extrême-Nord ;

Considérant l’équilibre social on ne peut plus fragile du fait des revendications de toutes sortes dont la plus redoutable est sans nul doute la crise anglophone ;

Eu égard aux élections présidentielles, législatives, municipales, et peut-être régionales, qui sont prévues en 2018 et qui requièrent d’inestimables investissements financiers, humains et matériels dans un contexte de crise économique ;

Constatant l’important retard que nous accusons dans l’ensemble sur la mise en place des infrastructures nécessaires pour accueillir la coupe d’Afrique des Nations de football (CAN) 2019, nonobstant l’optimisme totalement irraisonné d’un certain nombre de compatriotes ;

Le Cameroun est (était) normalement fondé à renoncer à l’organisation de la CAN en 2019 pour se positionner sur une édition ultérieure qu’il pourra abriter cette fois-là avec beaucoup plus de sérénité, beaucoup moins d’incertitudes et sûrement avec maestria.

Mais bon, puisque le chef de l’Etat a clos le débat la semaine dernière en s’engageant coûte que coûte pour l’organisation de cette compétition en 2019, point n’est plus besoin de s’attarder sur ces nombreuses réserves. L’urgence est maintenant de rechercher les voies et moyens susceptibles de nous aider à accueillir cette grand-messe du football continental avec le moins de couacs possibles. C’est dans cette logique que s’inscrit notre modeste contribution

Cette proposition qui tient grand compte du peu de temps qu’il nous reste avant la date de l’événement, s’appuie sur un postulat qui est d’exclure d’emblée les stades d’Olembé (Yaoundé) et de Japoma (Douala) de la compétition pour se contenter de l’exploitation des infrastructures existantes moyennant leur mise à niveau.

 

I- Pourquoi exclure les stades d’Olembé et de Japoma ?

 

Nous avons procédé à des vérifications des durées de construction de nombreux stades dans le monde, en particulier en occident. Et le constat qui se dégage de ces vérifications est qu’en général, les stades qui ont une capacité de 30 000 places et plus sont érigés en 36 mois (trois ans) en moyenne. Et la plupart des stades qui ont fait l’objet de nos vérifications ne sont que de simples stades de football et ils se situent en Europe (Portugal, Suisse, Autriche, Ukraine, Pologne, France, Pays Bas) où une fois engagés, les travaux ne s’arrêtent généralement que lorsqu’ils sont terminés.

Pourquoi insistons-nous sur ces derniers détails ? Tout simplement parce que les stades d’Olembé et de Japoma ne sont pas que des stades de football. Leurs maquettes nous montrent clairement qu’il s’agit de complexes sportifs qu’on veut futuristes et révolutionnaires dans notre région. Par ailleurs, leur construction doit subir les réalités de notre contexte où les chantiers, quels qu’ils soient, sont sujets à de nombreuses interruptions pour divers motifs : mécontentement des populations autochtones, grèves des ouvriers, retard dans le paiement de la quote-part de l’Etat, etc.

Par conséquent, nous sommes convaincus que ces stades ne peuvent pas être achevés tels qu’ils apparaissent sur la maquette d’ici juin/juillet 2019, même si on nous accordait jusqu’à la veille du début de la compétition pour les livrer, c’est-à-dire dans 23 mois. Et nous ne sommes pas de ceux qui soutiennent qu’on pourra utiliser ce qui existera déjà de ces stades sachant que leur construction se poursuivra après la CAN. Parce que l’histoire, récente ou lointaine, nous apprend que chaque fois que dans notre pays on a pris une telle option, l’ouvrage concerné est demeuré inachevé, oublié et abandonné après l’événement pour lequel il a servi.

Donc, nous suggérons que l’Etat laisse les entreprises turque et italienne continuer au rythme normal et sans aucune précipitation (qui signifie bien souvent bricolage) la construction de ces merveilles architecturales qui, après tout, serviront plus tard pour l’organisation d’autres compétitions d’envergure continentale et (pourquoi pas ?) mondiale.

 

II-  Comment organiser une CAN à 24 sans les stades d’Olembé et de Japoma ?

 

L’organisation d’une coupe d’Afrique des Nations à 24 requiert six stades correspondant aux six groupes de la compétition. Au jour d’aujourd’hui, le Cameroun dispose de trois stades qu’on peut considérer comme étant aux normes. Il s’agit du stade Ahmadou Ahidjo de Yaoundé, du Stade omnisports de Bafoussam et du stade omnisports de Limbé (reste juste à finaliser et soigner les abords extérieurs de ces deux derniers stades). Le pays en compte trois autres qui ne sont pas aux normes. Ce sont le stade de la Réunification (Douala), le stade Roumdé Adja de Garoua et le stade omnisports de Tocket à Bafoussam.

Contrairement aux stades d’Olembé et de Japoma qui en sont encore à leurs fondations, ces trois dernières enceintes sont déjà entièrement érigées, avec toutes les tribunes en place. A notre humble avis, elles peuvent être complètement modernisées en à peu près 12 mois ou juste un peu plus ; en particulier pour ce qui est des stades de Garoua et de Douala (Réunification) qui accueillent déjà toutes les semaines des rencontres du championnat national de football et, de temps à autre, des matches de coupes d’Afrique des clubs. Quant au stade de Tocket (Bafoussam), il a besoin de quelques travaux de finition et d’une pelouse ; et pour cela, sa mise à neuf peut demander un peu plus de temps. Dans tous les cas, 15 à 18 mois devraient suffire pour restaurer l’ensemble de ces trois stades.

Vu ainsi, les six poules de la coupe d’Afrique des Nations 2019 seraient réparties dans cinq villes :

  • Douala : une poule logée au stade de la Réunification newlook.
  • Yaoundé : une poule logée au stade Ahmadou Ahidjo.
  • Bafoussam : deux poules logées respectivement aux stades de Tocket rénové et de Kouekong
  • Garoua : une poule logée au stade Roumdé Adja remis à neuf
  • Limbé : une poule logée au stade omnisports.

Bien entendu, l’adoption d’une telle proposition demanderait que le Cameroun saisisse la CAF le plus tôt possible pour lui signifier et lui expliquer l’avenant qu’apportent les paragraphes I et II dans le dossier de candidature qu’il avait initialement déposé.

 

III- Quid des autres infrastructures ?

 

  1. Les réseaux routiers urbain et interurbain

Sur le volet du transport interurbain, l’Etat dégage des sommes astronomiques depuis 2014 pour la réfection des routes du triangle formé par les trois principales villes que sont Douala, Yaoundé et Bafoussam. Or, sur ces axes, il n’y a presque pas de travaux perceptibles ; sinon, très peu. Il est plus que jamais temps que ces projets sortent des tiroirs administratifs pour se matérialiser concrètement sur le terrain ; puisque les financements sont disponibles. En prenant le taureau par les cornes dès maintenant et en confiant les travaux à plusieurs entreprises expérimentées, ces tronçons routiers pourront être rapidement réhabilités et capables de drainer sans incidents les flots de voyageurs qui les empruntent tous les jours et les masses de supporters qui les solliciteront pendant la CAN 2019.

Pour ce qui est du transport urbain, il n’y a pas de souci majeur à se faire en ce qui concerne Yaoundé et Douala. Etant donné que les goulets d’étranglements que constituent la traversée du Wouri et les entrées est et ouest de Douala sont en passe d’être résolus. En revanche, les sources d’inquiétude reposent surtout sur l’état de la voirie des villes de Bafoussam et de Garoua. Mais, là aussi, la partie est jouable pour peu que l’Etat et ses représentants fassent preuve de diligence. Tenez : depuis 2014, ces deux métropoles, ainsi que Bertoua, ont été retenues pour bénéficier de plus de 40 milliards de FCFA de fonds du C2D[1] N°2 baptisé « capitales régionales » en vue de la réhabilitation de leur voirie. En ce qui concerne Bafoussam par exemple, ce sont quelque 47 km de routes en tout qui doivent être bitumées dans le cadre de ce programme. Or, aujourd’hui, trois ans après, et alors que le C2D N°2 est bouclé et qu’on vient de lancer le C2D N°3, pas un seul chantier n’a été ouvert dans une seule de ces cités. Pourquoi ? Personne n’en sait rien… Or, toutes les études ayant déjà été effectuées, il ne reste plus qu’à débloquer le mystérieux obstacle qui prive ces villes de ces travaux qui peuvent changer leurs visages en quelques mois seulement.

 

  1. L’offre hôtelière

Etant donné que Douala et Yaoundé n’ont pas de problème d’hôtels, c’est la situation des villes de Garoua et de Bafoussam, et dans une moindre mesure celle de Limbé, qui est source de préoccupation ici. Mais, plutôt que d’y engager les fonds publics comme l’Etat a commencé à faire pour le cas de Garoua, nous avons la ferme conviction que la meilleure approche sur ce volet demeure l’implication des opérateurs économiques. En d’autres termes, que l’Etat et / ou les entités qui le représentent se contentent d’effectuer deux actions :

  • Mettre en place de persuasives facilités administratives et accorder d’irrésistibles incitations fiscales, douanières et financières en faveur de tout entrepreneur qui s’engagerait à construire, dans l’une de ces villes, un ou des hôtels répondant aux normes requises.
  • Construire et bitumer des routes pour desservir ces établissements afin de les rendre facilement accessibles.

Si de tels efforts sont consentis dès maintenant (et il suffit d’en avoir la volonté), nul doute que d’ici à la fin 2018, ces deux ou trois villes offriront déjà suffisamment de chambres et de confort pour les équipes et leurs supporteurs.

 

  1. Des hôpitaux de référence

Douala et Yaoundé, une fois encore, sont sans histoire sur ce point. Mais, les hôpitaux régionaux de Garoua, Bafoussam et Buéa sont un cran en dessous. Comment y arriver d’ici la CAN 2019 ? De deux choses, l’une :

  • Soit l’on procède à un rapide relèvement du plateau technique de ces hôpitaux régionaux en les dotant des prestations, équipements et services qu’ils ne peuvent pas offrir actuellement. Et cela est possible en quelques mois seulement pour peu que la volonté politique existe et qu’elle soit ferme ;
  • Soit on passe en urgence à la phase de réalisation de cet autre projet tombé aux oubliettes depuis bientôt trois ans maintenant. En effet, en décembre 2014, au terme d’une audience accordée à ses dirigeants par le chef de l’Etat, le groupe marocain Alliances avait hérité d’un marché pharaonique consistant en la construction de 100 logements sociaux et d’un hôpital de référence dans chacun des huit chefs-lieux de région suivants : Bafoussam, Garoua, Bamenda, Maroua, Buea, Ngaoundéré, Bertoua et Ebolowa. Soit, en tout, 800 logements sociaux et huit hôpitaux. Le délai de trois ans imparti alors s’épuise dans trois mois ; pourtant aucun de ces établissements sanitaires n’a vu le jour ; pas sûr que leurs travaux aient même commencé. Que s’est-il passé entre temps ? Personne ne le sait. En tout cas, dans la perspective de la CAN 2019, l’on peut bien dépoussiérer ces dossiers et amorcer les travaux en procédure d’urgence, en mettant en priorité les hôpitaux de Bafoussam, Garoua et Buéa.

 

  1. Les télécommunications

Sur ce point, il n’y a rien d’autre à faire que de mettre en demeure les opérateurs publics et privés de télécommunications de corriger leurs lacunes actuelles pour relever les standards afin que la qualité du réseau téléphonique et la force du signal internet soient impeccables ; en particulier dans les villes et les stades où la compétition devra se dérouler. Le temps qui nous sépare de l’événement nous semble très largement suffisant pour relever un tel défi.

Voilà ! De notre point de vue, telle est la manière la plus sûre, la plus réaliste, la plus viable et la moins contraignante dont le Cameroun pourrait, à l’heure qu’il est, sauver son image et se rattraper en accueillant dignement cette compétition pour laquelle il n’a pas le droit à l’erreur du point de vue de l’organisation ; attendu qu’il est au tournant depuis longtemps, et réputé qu’il est d’être une (très) grande Nation de football.

Par Julien CHONGWANG, Journaliste

Auteur:
Pierre Arnaud NTCHAPDA
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