Cameroun-Diaspora: Comment l'association des ressortissants de la Menoua au Canada a-t-elle évité la désintégration

Par Maurice NGUEPE | Correspondance
- 14-Jan-2013 - 08h30   55086                      
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"Le Cameroun est composé de dix régions. Comme toutes les régions, celle de l’Ouest comporte des départements et chacun d’eux est à son tour composé d’arrondissements et de districts, mais surtout de royaumes de 1er, 2ème et 3ème degré..."
Cameroun-Diaspora: Comment l’association Yemba du Canada a-t-elle évité la désintégration Le Cameroun est composé de dix régions. Comme toutes les régions, celle de l’Ouest comporte des départements et chacun d’eux est à son tour composé d’arrondissements et de districts, mais surtout de royaumes de 1er, 2ème et 3ème degré. Ces royaumes sont des centres de diffusion des valeurs culturelles et traditionnelles, et leur emprise dans la formation de l’identité est telle que, depuis longtemps, la construction des associations culturelles tant au Cameroun qu’à l’étranger a très souvent obéi à leur découpage territorial. Ainsi, lorsque les Camerounais se retrouvent peu nombreux dans un pays étranger, ils créent l’association des Camerounais de ce pays d’accueil. À mesure que leur démographie croît, l’association à vocation nationale se désintègre et les associations régionales naissent. Celles-ci se fragmentent à leur tour en associations départementales lorsque le nombre de ressortissants au niveau départemental devient plus élevé. De fragmentation en fragmentation, les associations départementales éclatent en associations ethniques transdépartementales (association des Binam/Laakam, des Bétis, des Bassa, des Bakweri, des Douala...) et en associations royales (association des Baham, des Bandjoun, des Foto, des Foréké, des Bafou, des Bamougoum, des Bana, etc.) Si tous les idéologues de la politique de l’intégration nationale déplorent cette fragmentation à l’infini en y voyant l’expression d’un repli identitaire et la cause de la fragilisation de l’unité nationale, cet état de fait interpelle en même temps les associations à vocation nationale et les obligent à amender leurs statuts pour se doter du modèle fédéraliste à l’effet de faciliter la réintégration des associations ethniques et royales en leur sein. Lorsqu’en 2007, les ressortissants Menoua du Canada décident donc de mettre sur pied une association départementale, ils sont bien conscients de ce principe qui fonde l’esprit associatif des Camerounais. Forts de cette connaissance, ils mettent sur pied un réseau de micro-associations de développement de quinze membres chacune pour éviter la fragmentation et la désintégration de l’association départementale Yemba-Canada en une foule d’associations royales. C’est ainsi que le réseau Solidarité et Développement Canada est né. Ils s’assurent alors que dans chaque micro-association de développement de ce réseau, les ressortissants de divers royaumes soient bien représentés, l’objectif recherché étant double : 1. empêcher la naissance des associations royales qui fragiliseraient l’association départementale, et mobiliser les énergies de tous les ressortissants Menoua vers une seule association mère qui est le Yemba-Canada; 2. permettre aux membres des micro-associations de réaliser des projets de développement économique tant au Canada qu’au Cameroun. Pour y arriver, ils canalisent le flux migratoire en encourageant les nouveaux immigrants Menoua en particulier et camerounais en général à se rencontrer tous les samedis lors de l’activité sportive pratiquée au sein d’un réseau Solidarité et Développement Canada. En pratiquant le sport, les nouveaux immigrants apprennent à se connaitre, et le sport devenant un outil de familiarisation et de fraternalisation, les groupes se constituent d’année en année en organismes de développement. Les associations royales ne pouvant plus facilement se frayer de chemin dans ce contexte, l’association Yemba du Canada devient la seule référence départementale. Les micro-associations de développement miroitent alors l’idée, et parce que c’est le fondement même de leur existence, d’agir en synergie pour lever des fonds destinés à la réalisation des grands projets départementaux, comme la construction d’un centre culturel Yemba par exemple. Voilà le système qui fut pensé au départ et qui a fait du Yemba-Canada l’une des associations les plus dynamiques de la communauté camerounaise voire africaine. Comme on le voit, le principe de fragmentation/désintégration fonde l’esprit associatif et règle la vie communautaire des Camerounais. Mais les micro-associations du réseau Solidarité et Développement Canada ne peuvent pas être perçues comme la conséquence d’une fragmentation ou d’une désintégration de l’association départementale. Elles sont plutôt le produit d’une organisation sociale voulue et conséquente, construite à partir du bas pour servir de garde-fou à l’association mère des ressortissants du département de la Menoua, le Yemba-Canada. Au moment où les Camerounais du Canada sont à la recherche de bons mécanismes fédérateurs pour cimenter leur unité, il est possible de trouver dans le système ci-haut présenté des éléments à adapter. Interview du Porte-Parole de Lanody (4ème micro-association du réseau Solidarité et Développement Canada) Maurice NGUEPÉ (MN) :Bonjour, pouvez-vous vous présenter et dire comment vous avez joint Lanody? Porte-Parole de Lanody: Bonjour, Je me nomme Valéry MOMO TEMGOUA (VMT). Je suis résident permanent au Canada et analyste de laboratoire en chimie. J'ai joint le groupe par l'entremise de M. Gaston NANFAH qui m'a mis en relation avec des membres fondateurs de LANODY, tels que Benjamin Tessa, Edwin et Ludovic YARRO, Blondel Tonleu, etc. MN : Le but de cette interview est de vous donner l’occasion de faire l’évaluation de vos réalisations, Lanody ayant vu le jour en juin 2012. Pouvez-vous nous dire quel est le bilan des six premiers mois d’existence de votre groupe? VMT : Après les deux premières assises de l’été dernier, notre groupe s'est doté de statuts et d'un règlement intérieur. Nous avons entamé la procédure de légalisation de LANODY, et nous sommes aujourd’hui reconnus comme un organisme de droit canadien. De plus, nous avons fait l'acquisition du matériel pour le bon déroulement de nos assises, l'archivage de nos réunions et la couverture des évènements que nous organisons. Puis, nous avons souscrit à des polices d’assurance collective. Par ailleurs, nous sommes en train de réfléchir à la constitution d’un fonds d’assurance parentale. Après quoi nous passerons à l’étape de la constitution d’un fonds destiné aux projets économiques. Et ici, nous comptons suivre l’exemple de nos ainés présents dans ce réseau. MN : La présidence mensuelle tournante est l’un des aspects fondamentaux qui font le charme les groupes de ce réseau. L’avez-vous adoptée? VMT : Nous avons adopté sans réserve le principe de présidence mensuelle tournante, parce que nous ne voulions pas laisser la tâche de la présidence de LANODY à un seul sur la durée. On sait qu'il peut devenir pesant pour un seul de préparer les réunions et de de gérer pendant longtemps les activités d’un groupe. De plus, une présidence mensuelle tournante met tous les membres en mouvement, chacun cherchant à innover et à laisser de traces dès qu’il entre en fonction puisqu’il a peu de temps. C’est aussi ça l’apprentissage de la démocratie. N’oublions pas que depuis sa création, même l’Union européenne fonctionne d’après le principe de présidence tournante semestrielle. C’est dire jusqu’à quel point ce système peut apporter la paix. MN : Vous avez crée un poste de Porte-parole. Qu’est-ce qui vous a inspiré une telle initiative? VMT : Cette initiative vient du fait que la convocation à nos assises se faisait presqu'exclusivement par voie de courriel. On a pensé qu'il faudrait qu'une personne soit assignée à cette tâche. De plus, le porte parole joue le rôle de chargé de la communication. MN: Quelle est l’ambiance au sein de Lanody et quel est l’état d’esprit de vos membres? VMT: L'ambiance au sein de LANODY est courtoise, harmonieuse et bon enfant. Les membres sont heureux et ont la conscience de bâtir quelque chose d'important pour leur avenir. MN : Quelles stratégies avez-vous mis en place pour perpétuer cette harmonie au sein de votre groupe? VMT : Tout d’abord, parce que nous voulons rester à jamais unis, nous avons convenu ne jamais prendre de décision sans l’accord de tous. Il nous semble que la prise des décisions à la majorité des 2/3 n’est pas constructive dans un groupe de 15 personnes, car on frustrerait le tiers de membres et rendrait l’atmosphère irrespirable. Le vote à la majorité des 2/3 n’est intéressant que dans les associations comptant 50 à 100 membres voire plus. Ainsi, même si certains de nos membres sont en désaccord, nous essayerons de les convaincre en leur montrant le bon côté de notre projet. Autre chose : Nous ne prendrons pas de décisions entre deux réunions. Entre deux réunions, nous pouvons faire des propositions et solliciter des réflexions dans l’attente du jour de réunion pour nous regarder les yeux dans les yeux, avant de trancher. Sur un autre plan, nous n’avons pas l’intention de simplifier un membre, aussi petit soit-il. Et c’est l’une des raisons pour lesquelles nous avons tant aimé ce principe de présidence mensuelle tournante qui permet de célébrer le mérite et la valeur de chacun, et d’éviter que des affinités ou des clans naissent de la longévité d’un président. Enfin, si jamais il arrive qu’un membre veuille quitter, nous formerons toujours une commission pour aller le convaincre de retourner. C’est ainsi qu’avec un esprit rassembleur, nous espérons pouvoir bâtir un groupe fort dans lequel il fait bon vivre. MN: Vous avez créé un poste de membre d’honneur. Peut-on en savoir plus sur les motivations. VMT : LANODY étant constituée de jeunes Camerounais nouvellement arrivés au Canada, nous avons pensé que les conseils d’une personnalité vivant au Canada depuis longtemps, ayant de l’expérience et étant disposé à nous aider ferait du bien, d'où la création de ce poste. De plus, du moment où nos décisions sont prises à l’unanimité, le membre d’honneur nous apporte un regard extérieur qui confirme ou infirme la justesse de la direction que l’ensemble du groupe veut prendre. MN : Comment entrevoyez-vous les relations avec les autres groupes du réseau Solidarité et Développement? VMT : Après observation de la dynamique associative à l’intérieur du réseau, nous entrevoyons l’avenir de ces relations sur deux plans, en externe et en interne. Sur le plan externe, la collaboration avec les autres groupes du réseau tels que le Gasod, le Sades, le Camif, le Yemba-Canada, etc., se fera de façon automatique dans l’optique de réaliser les grands projets culturels et départementaux. Sur le plan interne, nous pensons encourager à l’avenir nos épouses à mettre sur pied leur groupe à elles, lequel nous pourrons baptiser «Femmes de La Nouvelle Dynamique». Je pense que la collaboration interne avec les Femmes de Lanody se fera de façon naturelle et sera très bénéfique en ce qui a trait à la réalisation des projets économiques individuels. MN : Voici un résumé de la philosophie qui guide les actions au sein du réseau Solidarité et Développement : «C’est en agissant localement au sein de notre communauté que l’on parviendra progressivement à réaliser un développement à l’échelle globale du Cameroun et de l’Afrique». Qu’en pensez-vous? VMT : Je pense que c'est une pensée honorable qui a un lien avec la dynamique associative au sein du réseau Solidarité et Développement Canada. Penser au delà des membres de la communauté Yemba et camerounaise et élargir nos horizons aux autres communautés africaines fera de nous une référence en matière d’intégration. MN: Bon vent et faites de Lanody une véritable machine de solidarité, de développement et de progrès. VMT : Je vous remercie de m’avoir invité à répondre à cette interview. Réalisé par Maurice NGUEPE Le 08 janvier 2013




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