Cameroun - Double nationalité/Georges Dougueli (journaliste à Jeune Afrique) répond à Paul Biya: «Comment peut-on exiger l’amour de la patrie de personnes dont les lois nationales ont planifié l’exclusion»

Par Fred BIHINA | Cameroon-Info.Net
YAOUNDE - 14-Jan-2020 - 13h24   18947                      
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Georges Dougueli archives
Notre confrère appelle à plus de considération de l’Etat envers les compatriotes vivant à l’étranger.

Le journaliste camerounais Georges Dougueli, a publié dans les colonnes du magazine Jeune Afrique paru le 12 janvier 2019, une chronique intitulée: «La diaspora, ennemie de l’intérieur».

Pour planter le décor, notre confrère revient sur l’extrait du discours du Président Paul Biya prononcé le 31 décembre 2019 qui égratigne les Camerounais d’origine vivant à l’étranger et qui ont acquis une autre nationalité.

«Je pense qu’ils devraient par patriotisme, s’abstenir de propos négatifs à l’égard de leur pays d’origine. On doit toujours respecter sa patrie, ses institutions et ceux qui les incarnent», a déclaré le Chef de l’Etat.

Après avoir rappelé que le Cameroun, au contraire de la quasi-totalité des pays africains, refuse toujours d’accorder la double nationalité à ses ressortissants ayant acquis une autre nationalité, le journaliste pose cette question: «Comment peut-on exiger l’amour de la patrie de personnes dont les lois nationales ont planifié l’exclusion? D’hommes et femmes qui sont à la fois inéligibles et interdits de vote, mais aussi soumis à l’obligation d’obtenir un visa pour partir en vacances ou rendre visite à leur famille dans leur pays d’origine?»

En d’autres termes, analyse Georges Dougueli, ces derniers n’ont aucun droit, mais des devoirs.

Une réalité que refuse d’admette aujourd’hui la diaspora camerounaise qui a évolué avec le temps.

«Depuis les années 1990 le profil des ‘‘diaspos’’ a en effet changé. Ce ne sont plus majoritairement des étudiants originaires de familles de cadre, globalement éduquées. Ce sont désormais et pour beaucoup, des migrants économiques, des jeunes issus de milieux moins favorisés, qui se sont résolus à prendre la route de l’exil à mesure que la situation du Cameroun se dégradait. A la fin des années 2000, la tendance s’est encore accentuée quand les classes moyennes ont, à leur tour, rejoint le flux des voyageurs», explique la chronique.

S’ils sont partis, ils gardent des attaches très solides au pays soit par les liens de famille ou par les biens immobiliers.

«Dès lors, il est donc illusoire de croire ne serait-ce qu’une seconde, que ces personnes pourrait se résigner à se laisser déposséder de toute possibilité d’améliorer la gouvernance au Cameroun», pense le journaliste de Jeune Afrique.

Pour souligner leur importance, notre confrère rappelle que selon la Banque Mondiale, pour l’année 2018, la diaspora camerounaise a transféré au pays la somme de 201 milliards de FCFA.

Et même si, souligne encore M. Dougueli, certains financent la guerre dans les régions anglophones, il est important de leur accorder plus de considération.

«Le Cameroun a le choix. Il peut instaurer la double nationalité comme l’a fait la majorité des pays du continent qui a une approche plus respectueuse et plus valorisante de la diaspora. Cette mesure aurait l’avantage de lever les entraves à la mobilité et permettrait d’engranger des bénéfices économiques et affectifs de l’ouverture. Il peut aussi maintenir ce dispositif rétrograde et contreproductif, qui se préoccupe d’exclure et non de rassembler. Mais il devra alors se résoudre à vivre avec cet ennemi de l’intérieur», conclut Georges Dougueli.

Fred BIHINA

Auteur:
Fred BIHINA
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