Cameroun - Edouard Yogo (Socio-politiste): «Les dernières attaques de Boko Haram mettent en exergue la tâche qu’il reste encore à accomplir pour l’état major de la force multinationale»

Par Wiliam TCHANGO | Cameroon-Info.Net
YAOUNDE - 27-Jun-2017 - 14h28   8830                      
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Dr Edouard Yogo W. Tchango
Invité du journal de 7 heures ce mardi 27 juin 2017 sur Radio Equinoxe, l’enseignant spécialisé sur les questions de sécurité estime qu’il est peut-être temps de changer de stratégies face aux terroristes de Boko Haram. Voici l’intégralité de l’échange qu’il a eu avec le journaliste Eric Kouamo.

En un mois, une quinzaine d’attaques  de Boko Haram ont enregistrées alors qu’on croyait vivre une accalmie, avec à la clé environ 25 morts. Qu’est-ce qui peut expliquer cette résurgence des attaques terroristes ?

Tout d’abord, il convient de mentionner  que les attaques terroristes, c’est le processus normal dans une guerre insurrectionnelle. Boko Haram en revenant avec ces attaques nous permet de comprendre qu’il a encore un ancrage territorial important sur le terrain des opérations et qu’il vise effectivement à répandre son idéologie en mettant en exergue la tâche qu’il reste encore à accomplir pour l’état major de la force multinationale. Cela nous permet également de comprendre qu’au niveau de la force multinationale, il y a une organisation opérationnelle qui doit être repensée parce que prendre plus de temps sur la puissance de feu dans une action insurrectionnelle est un élément qui me semble encore très faiblement pensé. Il faut que l’état major puisse penser à accompagner la puissance de feu par des mesures des mesures à la fois militaires, sociales, économiques et sociologiques.

Est-ce que la stratégie qui a consisté à associer les populations dans la lutte à travers des comités de vigilance présente aujourd’hui un essoufflement ?

Le problème c’est que lorsqu’on mène ces opérations, il faut faire en sorte que partout, il puisse y avoir  une coordination. La coordination à l’intérieur d’un territoire est certes effective, pertinente, mais il faut maintenant régionaliser la stratégie. Même si on a pu le faire au Cameroun, il convient donc d’étendre cette stratégie dans les autres territoires également.

Idriss Deby menace de quitter le front d’ici la fin de cette année pour des problèmes de trésorerie, quel peut être l’impact d’un éventuel retrait du Tchad ?

Le fait qu’il puisse décider de retirer ses troupes peut être motivé par trois ou quatre raisons à mon avis. Déjà, il y a l’absence de financements, bien entendu mais il y a aussi son exaspération face aux accusations de violation de Droits de l’Homme de ses soldats dans certains territoires comme en RCA dont vous connaissez l’origine. Ensuite, il y a la crise économique interne dans son pays parce qu’il faut le dire, le Tchad a déjà eu à dépenser près de 457 millions d’euros, soit près de 300 milliards de Francs CFA et vous voyez qu’en ce moment, il est sur le Mali, CBLT et il y a le G5 qu’on annonce. Son retrait marquerait encore notre inconscience stratégique au niveau régional. Ça marquerait l’absence de notre autonomie stratégique et surtout notre profondeur stratégique. Il est important que les africains comprennent que la lutte contre les terroristes est une lutte qui doit engager tout le monde. Il y a cet égoïsme qui fait en sorte que chacun ne s’occupe que de ses problèmes. Or, le terrorisme ne doit pas engager que ceux qui sont engagés sur le théâtre ou ceux qui en subissent.

Qu’est-ce qui peut justifier l’absence de soutien de la part des partenaires multilatéraux ?

L’absence de financement peut être d’abord liée au fait que certains pays estiment qu’ils ne sont pas directement liés à la question terroriste. Première des choses. Deuxième des choses, cette absence peut être liée au fait que la lutte contre le terrorisme est encore pensée comme des opérations de maintien de ma paix qui ne correspondent plus aujourd’hui à la configuration opérationnelle sur les terrains. Aujourd’hui, ce qui est important, ce n’est plus le maintien de la paix mais, c’est la défense internationale.

 

Auteur:
Wiliam TCHANGO
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