Cameroun – Emeutes à Sangmelima : Alors qu’un calme précaire règne dans la ville, le chroniqueur David Eboutou relate une suite de scènes effroyables.

Par Adeline ATANGANA | Cameroon-Info.Net
YAOUNDE - 12-Oct-2019 - 13h44   15261                      
42
Emeutes de Sangmelima Capture d'ecran
Après avoir sollicité et obtenu de Yaoundé, un renfort des forces de défense et de sécurité à Sangmelima, ville secouée du 09 au 10 octobre 2019 par des émeutes intercommunautaires à la suite de l’assassinat d’un conducteur de moto-taxi, le gouverneur de la Région du Sud, Félix Nguele Nguele, a tenu ce vendredi 11 octobre, une réunion de crise dans le but de ramener la paix dans le chef-lieu du département du Dja et Lobo.

 

Après avoir assisté à cette réunion qui s’est tenue à la Maison du parti RDPC de Sangmelima, David Eboutou, le chroniqueur d’Equinoxe Radio et Télévision, s’est rendu sur les sites commerciaux ravagés par des actes de vandalisme.

« Je me suis rendu compte que le niveau de violence diffusée à travers les réseaux sociaux n'était rien comparé à ce qui était devant moi… J'apprendrais un témoignage qui donne froid au dos. Les groupes de terreur constitués dans la ville munis de lattes, de gourdins, de pierres et de machettes auront entrepris de visiter l'ensemble des boutiques et super marchés de la ville. Ils entraient en groupe dans les boutiques, en sortaient les propriétaires pour les molester, cassaient et pillaient tout sur leur passage » a rapporté David Eboutou

Un calme précaire règne à Sangmelima. Certains commerces ont rouvert et les forces de l’ordres patrouillent dans les quartiers sensibles.

 

Ci-dessous, texte intégral du reportage de notre confrère David Eboutou.

 

VIOLENCES DE SANGMELIMA : CE QUE J'AI VU ET ENTENDU...

J'étais à Sangmelima ce vendredi 11 octobre 2019. Je suis allé toucher du doigt par moi-même ce qui aura amené les jeunes de cette petite ville à nous servir un spectacle aussi indigne que grégaire au point où il m'est arrivé d'avoir honte d'être ressortissant de la Région du Sud bien que n'étant pas de Sangmelima.

Je suis donc arrivé à Sangmelima au moment où l'ensemble des forces vives de cette ville, de l'ensemble du département et même de la Région du Sud étaient réunis à la maison du Parti RDPC pour essayer non seulement de comprendre ce qui n'a pas marché mais également d'appeler tout le monde au calme et à la retenue.

De cette réunion présidée par le Gouverneur de la Région du Sud, je suis marqué par un nombre impressionnant de jeunes pour la plupart tenus à l'extérieur du bâtiment mais également d'un dispositif plus qu'impressionnant de forces de sécurités confondues (Police, militaire, gendarmerie) ayant fait de la maison du parti un Etat de siège de fait.

Bien qu'ayant été aussitôt reconnu par ces groupuscules de jeunes, je vais tout faire pour me frayer un chemin à l'intérieur de la salle pour y saisir quelque chose. C'est alors que y étant, je suis séduits par le discours du représentant personnel du sultan Bamoun dépêché à Sangmelima qui n'est pas passé par quatre chemins pour dénoncer les abus contre son peuple tout en rappelant qu' "au Cameroun, chacun est chez lui" . Il clamera à plusieurs reprises qu'à Sangmelima, les bamouns sont chez eux.

Une déclaration qui provoquera contre toute attente un tollé dans la salle.

Le représentant des chefs du Sud, sa Majesté Effa, réagira en s'insurgeant contre ce qu'il appelle l'insolence. De nombreux intervenants seront pris à partie notamment le chef Jean-Jacques Ndoudoumou qui invitera la jeunesse à ne pas contrarier les avancées d'apaisement du Grand Dialogue National initié et convoqué par le Président de la République. En prenant la parole, Fame Ndongo, Le représentant des élites du Sud aura beaucoup de peine à calmer les esprits. Néanmoins, la réunion de crise se poursuivra.

Dans ce cafouillis, j'aurais l'impression que le discours du député Mvondo Assam Benoît teinté de populisme sera le plus adoubé par les jeunes. Il n'hésite pas à tancer les élites du Déjà et Lobo. Il les accuse d'égoïstes, qui ne pensent qu'à eux et qui n'ont jamais fait pour personne.

C'est ce même discours que les centaines de jeunes tenus dans la cour de la maison du parti me tiennent. Ils justifient leurs actes grégaires par l'extrême chômage, la précarité et le sous-emploi. Ils disent ne pas savoir à quoi leur servent les élites locales si ce n'est à venir solliciter leurs votes lors des différentes joutes électorales. Ils semblaient très en colère contre ces derniers !!

Mais à la vérité, je n'étais toujours pas satisfait. Personne n'a pu me dire jusque-là ce qui aura motivé une telle barbarie sur les autres camerounais des autres communautés qui cohabitent pourtant avec eux depuis de nombreuses années.

C'est à cet instant là que je décide de quitter l'enceinte de la maison du parti pour faire un tour au centre-ville, l’épicentre des violences et des dégâts que tout le monde aura vu circuler sur les réseaux sociaux. À peine j'avais décidé de me garer au centre-ville que je me ferais aussitôt encercler par un groupe de 04 jeunes m'ayant interpellé par mon nom. Ils prennent tous soin de se présenter à moi en déclinant chacun son identité. Il y'a parmi eux ,03 ressortissants de l'ouest ,01 jeune nordiste et un jeune Bulu.

Malgré la présence d'au moins 500 policiers dans ce centre-ville de Sangmelima, les 05 amis d'infortune me conduisent à l'arrière pour me montrer l'ampleur des dégâts. C'est à ce moment que je me rends compte que le niveau de violence diffusée à travers les réseaux sociaux n'était rien comparé à ce qui était devant moi. De centaines de boutiques parties en fumées !! Des économies et capitaux de nombreuses familles volatilisés dans l'air!

J'apprendrais à cet instant un témoignage qui donne froid au dos. Les groupes de terreur constitués dans la ville munis de lattes, de gourdins, de pierres et de machettes auront entrepris de visiter l'ensemble des boutiques et super marchés de la ville. Ils entraient en groupe dans les boutiques, en sortaient les propriétaires pour les molester, cassaient et pillaient tout sur leur passage.

Le cas de Tambo Magni Festus Roland m'aura particulièrement attristé. Originaire de l'ouest Cameroun, Mbouda de l'arrondissement de Ngalim et propriétaire de l'établissement Saint Roland Télécom en plein cœur de Sangmelima ou il y est installé depuis 13 ans, il a vu sa boutique qu'il me fera visiter partir en fumée après le passage des voyous. Il y vendait des écrans plasma, des téléphones portables Android dernier cris, des montres et autres bijoux de luxe et tournait dans un capital de près de 30 millions de Francs CFA.

Le jour des violences, les casseurs vont rentrer dans sa boutique et foncer dans son anti chambre retirer un montant de 2 millions de Francs CFA qui se trouvait dans la caisse et emporter tout je dis bien tout dans sa boutique comme vous pouvez le voir en images. De son témoignage pathétique, il aura reconnu certains de ses bourreaux qu'il emploi pourtant dans sa boutique.

Après cet arrêt au centre-ville, j'irai cette fois au Centre de District de Sangmelima visiter les blessés. J'en trouverai 05 dans un état grave mais néanmoins hors danger parmi lesquels une femme nordiste. Cette dernière m'expliquera que les voyous viendront la retrouver chez elle en l'absence de son mari et vont la rouer de coups parce n'ayant pas d'argent sur elle. Ils emporteront néanmoins sa bouteille de gaz et la laissant baignant dans une mare de sang.

Un autre patient originaire de Foumban interné m'expliquera qu'il a été sorti de sa voiture et roué de coups tandis-que son voisin de lit, le seul bulu qui s'y trouvait m'expliquera qu'il aura reçu un caillou au niveau de l'œil gauche simplement parce qu'il voulait sortir son frère des mains d'un groupe de Nordistes qui roulaient de coups son cousin dans le quartier musulman de la ville.

En quittant Sangmelima à 19h30 minutes, c'est une petite ville en ruines donnant l'impression d'être dans un champ de tirs militaire que je laisse.

BILAN MATÉRIELS DE CE QUE J'AI VU :

- 60% de boutiques et biens appartenant aux bamiléké détruits ;
- 25% de boutiques et biens appartenant aux bamouns détruits ;
-10% de biens et boutiques appartenant aux nordistes détruits ;
- 05 % de boutiques et biens appartenant aux boulou et autres détruits..

BILAN HUMAIN DE CE QUE J'AI VU :

- 05 blessés graves entièrement pris en charge par l'hôpital de district de Sangmelima parmi lesquels :
* 02 hommes Nordistes
*01 homme bamoun
*01 femme nordiste
*01 bulu.

PRINCIPALE ANNONCE DE LA GRANDE RÉUNION DE CRISE :

Le Gouverneur de la Région du Sud a annoncé un plan de réparation pour les commerçants victimes des pillages.

GROSSE DÉCEPTION :

Aucune évocation des arrestations des pilleurs pour l'instant.

MON APPEL PATRIOTIQUE ET SOUHAIT :

Inviter tous les vrais Patriotes et Républicains à mettre la pression sur les élites et forces vives de Sangmelima afin que tous les commerçants victimes de ces casses barbares et sauvages soient dédommagés !! Que la promesse de réparations ne reste pas au stade de l'annonce.

UN AUTRE CAMEROUN EST POSSIBLE.

David Eboutou. 

Auteur:
Adeline ATANGANA
 @t_b_d
Tweet
Facebook




Dans la même Rubrique