Cameroun – Indignation: Christelle Nadia Fotso s’insurge contre l’organisation vulgaire des obsèques de Victor Fotso.

Par Adeline ATANGANA | Cameroon-Info.Net
YAOUNDE - 21-Jun-2020 - 13h18   19822                      
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Nadia Fotso, fille de Victor Fotso Droits réservés
« Mon père avait été particulièrement ému par les obsèques du Président Chirac. Sentant venir la mort, il s’était demandé s’il aurait droit aux mêmes honneurs, au même respect et si sa famille, ses amis, ses pairs, ses alliés politiques, son village, son pays et son continent sauraient le temps d’une messe reconnaître qu’il n’avait à être ni angélique ni christique pour être un digne fils d’Afrique » dixit l’une des progénitures du défunt richissime industriel camerounais.

Décès le 20 mars 2020 en France des suites de maladie, Victor Fotso a été inhumé le 20 juin 2020 à Bandjoun, son village natal dans la Région de l’Ouest au Cameroun.

Le rapatriement du corps et la date des obsèques ont été une source de tensions et de désaccords au sein de la très nombreuse famille du Patriarche Bandjoun.

Les autorités administratives et la justice ont dû intervenir pour trancher en faveur d’une des parties en conflit.

Il demeure que les querelles de clocher autour de la dépouille du capitaine d’industrie ont écorné la considération qui était celle de la grande famille Fotso, du vivant de son chef.

« Sur un continent où l’espérance de vie est limitée, mon père a bâti un empire sans savoir lire ou écrire en partant de rien.  En dépit de cette réussite miraculeuse et incontestable, il peut être cyniquement réduit à un piètre parent en usant de sa famille pour le vulgariser » a dénoncé Christelle Nadia Fotso, avocate au barreau de Washington aux Etats-Unis dans une publication envoyée à la rédaction de Cameroon-info.net ce dimanche 21 juin 2020.

Ci-dessous, la nouvelle publication de Christelle Nadia Fotso relative au décès de l’homme d’Affaires Victor Fotso.

 

Restaurer l’honneur de Fotso

« Chacun de nous a un jour, plus ou moins lointain, où il doit enfin accepter d'être un homme. »   Jean Anouilh

Victor Fotso est mort il y a un peu plus de trois mois.  Il n’a été enterré que le 20 juin...  Il n’aura fallu que ce temps pour salir le Dernier Bamiléké.  C’est d’abord et surtout de cela dont il est question, de la femme, de l’homme africains et de tous les efforts pour les réduire à des êtres en soi, des créatures exotiques et montrer qu’ils ne sont jamais entrés dans l’histoire.  Les erreurs, les échecs, et la chute sont toujours plus médiatisés que ce qu’ils construisent. Sur un continent où l’espérance de vie est limitée, mon père a bâti un empire sans savoir lire ou écrire en partant de rien.  En dépit de cette réussite miraculeuse et incontestable, il peut être cyniquement réduit à un piètre parent en usant de sa famille pour le vulgariser.

La fin de mon père a été immonde.  Il n’est plus utile d’être explicite.  Je l’ai écrit et crié lorsqu’il était vivant.  Rien n’a changé... Personne ne m’a entendue. Personne ne voulait savoir.  Cela aurait signifié ouvrir les yeux et cesser de manger.  Cependant, il est indispensable de rappeler certains faits têtus pour comprendre combien parler du crépuscule des Fotso est presque autant grotesque et insultant qu’anhistorique et hors sujet.  Il n’y avait qu’un Fotso, mon père.  C’est lui et lui seul qui a fait notre nom et qui n’avait pas à user d’un prénom.  En vain, il a voulu porter ses enfants, son village, et son prochain. Il ne voulait pas réussir seul.  Sa conviction profonde et inébranlable était que partager était son devoir.  Le rendre coupable de la normalité banale des siens qui se transforme hélas fréquemment en médiocrité ou en obscénité est sans doute rentable mais n’en demeure pas moins abominable. 

Lorsque j’ai décidé de porter plainte contre certains membres de la famille Fotso à Paris en 2017, je l’ai fait avec la bénédiction secrète de son chef.  Ce n’était pas l’acte irréfléchi et sentimental d’une fille défigurée mais celui d’une avocate qui voulait désespérément que le droit protège son père.  Ce n’a pas été possible.

Comme toujours, il m’avait prévenue en m’affirmant que personne ne m’aiderait et que surtout que personne ne l’aiderait lui en refusant de voir ce qu’il m’a fallu trop de temps pour admettre : il était vulnérable en dépit son aura et de son apparente virilité. Je ne m’en remettrai jamais...

L’honneur de ma vie a été d’être la fille de Victor Fotso. Mieux que personne, je sais qu’il n’était pas parfait.  Toutefois, je comprends qu’il n’avait pas à l’être en réalisant chaque jour combien il faut être extraordinaire pour prendre le chemin de hiala en ayant l’audace de penser qu’on peut devenir Victor Fotso alors qu’on est né à une époque où la vie de boy était la norme pour tout indigène illettré.   Ce qui est écrit sur mon père pour vendre en Kardashianisant sa vie privée me rappelle le débat aux Etats-Unis et ailleurs depuis la mort de George Floyd sur l’image des noirs et cette volonté obsessive qu’ont nos sociétés de ne rien leur passer.  Beaucoup des articles écrits sur mon père sans investigation me rappellent ce qu’a pu dire Eric Zemmour sur Floyd en parlant de son casier judiciaire pour arguer implicitement qu’il ne pouvait être ni victime ni héros.  A mon père, il est reproché de ne pas avoir réussi également sa vie privée en scandaleusement laissant croire qu’il devait tout réussir pour être honoré et ne pas être souillé durant au moins la sacrée saison du deuil. 

Mon combat est celui d’une fille qui refuse qu’on piétine la mémoire d’un homme qui a fait, jusqu’au bout, l’effort d’être exemplaire, de ne pas s’exhiber et de ne pas mettre en scène son intimité.   Face aux chiens qui se ruent sur son honneur, face aux vautours qui mangent sa dépouille, je choisis de mettre la lumière où elle doit rester, son parcours.  En dépit de ma douleur et de ma colère, je tâcherai de prendre la hauteur qu’il faut pour lui rendre hommage en rappelant combien il était difficile de devenir et de rester aussi longtemps Fotso ! La vie de mon père, du Patriarche Fotso a été trop exceptionnelle pour s’arrêter à une tragédie.  Il a montré l’exemple et il est grand temps que nous le suivons.  Je fais le premier pas, conscient qu’il n’est pas le plus important.  La restauration de l’honneur de Fotso nous concerne tous.  C’est de nos valeurs, de notre histoire et de notre avenir commun dont il est question.

Mon père avait été particulièrement ému par les obsèques du Président Chirac. Sentant venir la mort, il s’était demandé s’il aurait droit aux mêmes honneurs, au même respect et si sa famille, ses amis, ses pairs, ses alliés politiques, son village, son pays et son continent sauraient le temps d’une messe reconnaître qu’il n’avait à être ni angélique ni christique pour être un digne fils d’Afrique.   N’ayant pas su le protéger, je choisis de réaliser son dernier rêve : une messe privée pour ses intimes sera donnée à la Cathédrale Saint Louis des Invalides le 17 septembre Prochain.

Elle sera suivie d’une messe publique à l’Eglise Saint Sulpice.  Puis le 24 octobre à la Cathédrale Saints Michel et Gudule de Bruxelles se tiendra une messe publique suivie le lendemain par une conférence au Musée de l’Afrique Centrale de Tervuren.

En conviant ses amis, ses proches, ses pairs, la diaspora africaine, tous ceux qui ont admiré et aimé Victor Fotso à ces événements, je les prie de faire de la célébration de sa mémoire et de la restauration de son honneur une cause commune.  Mon père n’appartenait pas qu’à sa famille mais à toute l’Afrique et l’humanité.  Parce qu’il était le Dernier Bamiléké, il s’agira également d’honorer sa génération, ce groupe d’africains hors du commun, qui a construit le jeune continent et donc oui fait l’histoire.  Cela sera une occasion unique de les saluer et de permettre que ceux qui continuent ce qu’ils ont commencé n’aient plus à porter ce fardeau sisyphien de la pureté qui mène tragiquement, inutilement à des morts ratées après des vies pourtant rigoureusement construites et brillamment réussies

Par Christelle Nadia Foso

Auteur:
Adeline ATANGANA
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