Cameroun - Journée internationale des personnes handicapées/Martin Camus Mimb (journaliste, handicapé moteur): «Ils vont faire des discours, faire semblant de comprendre, et puis basta… Votre hypocrisie a dépassé les limites de l'acceptable»

Par Fred BIHINA | Cameroon-Info.Net
YAOUNDE - 03-Dec-2020 - 10h51   10157                      
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Martin Camus Mimb archives
Notre confrère appelle à une meilleure considération des personnes vivant avec un handicap.

La communauté internationale célèbre ce 3 décembre 2020, comme chaque année, la Journée internationale des personnes vivant avec un handicap, sous le thème «une journée pour tous». Au Cameroun, la ministre des Affaires Sociales, Pauline Irène Nguene, préside une cérémonie en fin de matinée à Yaoundé.

Les chiffres au sujet des personnes handicapées restent préoccupants dans notre pays. Selon les données officielles, datant de 2018, plus de 10% de la population camerounaise vit avec un handicap. Le taux de chômage de cette catégorie de la population avoisine les 90%, contre 40% de moyenne mondiale. A cela il faut ajouter le manque de considération dans la prise de décisions, y compris des simples questions comme les voies d’accès dans les édifices publics.

En raison de toutes ces inégalités, le journaliste Martin Camus Mimb questionne la nécessite de célébrer les personnes vivant avec un handicap. Dans un texte publié ce jeudi, le patron de la Radio Sport Info (RSI) à Douala, handicapé moteur, fustige l’hypocrisie qui caractérise les dirigeants et le commun des mortels lorsqu’il s’agit des personnes handicapées.

«Aujourd'hui c'est la journée mondiale des personnes handicapées. Ils vont faire des discours, faire semblant de comprendre, et puis basta ! Sur Facebook, ils raillent ceux qui se battent avec quelque chose qu'ils n'ont pas choisi. Dans leur for intérieur, ils développent des thèses d'assimilation du handicap à la sorcellerie […] Ils dirigent les entreprises, et éliminent aux entretiens, des gens cloués sur des chaises roulantes, ou juchés sur des béquilles, ou simplement, rampant au sol. Votre hypocrisie a dépassé les limites de l'acceptable», déplore notre confrère, véritable star africaine du journalisme sportif.

Voici l’intégralité de son texte:

POURQUOI CELEBRER LE HANDICAP ?

Aujourd'hui c'est la journée mondiale des personnes handicapées. Ils vont faire des discours, faire semblant de comprendre, et puis basta ! Sur Facebook, ils raillent ceux qui se battent avec quelque chose qu'ils n'ont pas choisi. Dans leur for intérieur, ils développent des thèses d'assimilation du handicap à la sorcellerie.

Au quotidien, ils leur balancent des pièces de monnaie comme aumône... Quand on les sollicite pour leur apporter de l'aide, ils font comme s'ils doivent être célébrés comme des Dieux. Ils se font élire Maires, préfèrent cacher leurs handicapés dans les maisons, délivrent des permis de bâtir sans se soucier des accès, aménagent les cités, et font comme si cette catégorie n'a jamais existé. Ils dirigent les entreprises, et éliminent aux entretiens, des gens cloués sur des chaises roulantes, ou juchés sur des béquilles, ou simplement, rampant au sol. Votre hypocrisie a dépassé les limites de l'acceptable !

Combien d'entre vous ne parlent à Martin Camus MIMB, ou cherchent à obtenir son amitié simplement parce qu'il est devenu une star de la TV et une personnalité de la vie publique ? Mais savez-vous à quel prix je suis devenu aujourd'hui fréquentable ? Quand à l'école je pouvais tomber et mes camarades se moquaient de moi ? Quand il fallait que je me salisse pour grimper les marches et accéder dans ma classe? Quand je grimpais cinq à six étages d'un immeuble sans ascenseur pendant des années, parce que je veux exercer le métier que j'aime le plus au monde ? C'est ce Martin Camus là que vous aimez, ou celui que les lumières du monde ont mis à découvert ? Vous passez le temps à insulter, stigmatiser, dénigrer, et vous faites reculer plusieurs. Ils se cachent parce qu'ils ont peur d'être raillés. 

Je suis l'un des rares qui vous affronte depuis des années sans peur. Vous m'avez battu aux 100 mètres de la course à pieds, je vous ai battu aux 100 mètres de la course du cerveau, en pulvérisant les records. Mais combien de fois les impôts sont tombés sur ma petite structure parce qu'ils soupçonnent des déclarations mal faites ? Combien de fois ont-ils feuilleté leur propre loi qui offre des assouplissements fiscaux aux entrepreneurs comme moi ? Combien de fois vous avez bloqué mes factures ? Refusé des marchés que je mérite ? Simplement parce que votre humeur vous dérange ? Combien de fois vous vous êtes dit, malgré son handicap il a franchi les murailles les plus hautes ? 

Mais savez-vous combien meurent dans le silence et la douleur, souffrent en silence et sans parler, parce qu'ils n'ont ni le courage, ni la veine de Martin ? Combien de fois le Ministère des Affaires Sociales, s'est arrêté pour dire "nous allons accompagner tes efforts " ? Vous n'avez pas de cœur. Tous.

Laissez votre pitié pour cette autre célébration, validez vos budgets avec cynisme, et foutez nous le camp ! J'aurais aimé être différent, mais je ne me plains pas de ce que je suis, car comme le disait Sartre: " L'essentiel n'est pas ce qu'on a fait de nous, mais ce que nous avons fait de ce qu'on a fait de nous". ABIMTÉ !

#NsangNkong

Auteur:
Fred BIHINA
 @t_b_d
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