Cameroun - Lydienne Eyoum: La grossière intrusion de la France

Par La Redaction | Cameroon-Info.Net
DOUALA - 07-Jul-2016 - 22h41   51820                      
7
Justice Camerounaise Archives
Le pays de François Hollande a exigé et obtenu la libération d’une de ses compatriotes convaincues de détournement de derniers publics. Et si le passeport français était devenu un blanc-seing pour voler en Afrique ?

En 2007, l'association l'Arche de Zoé échoue dans sa tentative d'exfiltrer illégalement du Tchad vers la France 103 enfants, présentés comme orphelins du Darfour à leurs éventuels parents adoptifs. Six Français sont interpellés par N'Djamena. Également impliqués, des journalistes, un pilote belge et des Espagnols de la petite équipée sont libérés.

Nicolas Sarkozy, alors président de la République française sort tel un diable de sa boite : «J’irai chercher ceux qui restent, quoi qu’ils aient fait [...]. Le rôle du Président est de prendre en charge tous les Français», gronde-t-il. «La justice se fera au Tchad», lui  répond déterminé, le président tchadien Idriss Déby. Le résultat ? Un camouflet déguisé à l’endroit du très téméraire Deby. La cour criminelle de N’Djamena condamne les six Français de l’Arche de Zoé à huit ans de prison assortis de travaux forcés pour «tentative d’enlèvement». Mais deux jours plus tard, ils sont rapatriés et incarcérés en France. Sarkozy a tenu parole. Deby a plié l’échine.

En janvier 2013, François Hollande fraichement élu à l’Élysée reçoit Paul Biya et lui demande « poliment » de libérer le français Thierry Michel Atangana incarcéré pour détournements de biens publics. Paul Biya refuse et reste droit dans ses bottes. Hollande prend note et fait monter la pression. Sur l’antenne de RFI  en juin 2013,  il qualifie la détention de Thierry Michel Atangana «d’inadmissible ». Paul Biya recule et envisage une voie de sortie. En coulisse, il dit attendre que la procédure soit épuisée dans les instances judiciaires avant de se prononcer. En fait, il veut gagner du temps pour voir venir et tenter de sauver la face. La France ne lui laisse pas ce loisir. Elle actionne l’Organisation des Nations Unies (ONU) qu’elle tient à bout de bras avec d’autres puissances mondiales. Un rapport tombe, sentencieux. Daté de novembre 2013, le rapport du haut-commissariat aux Droits de l'homme de l'ONU  appelle à une libération immédiate du condamné, car «Atangana est détenu dans des conditions inhumaines et a été jugé deux fois pour les mêmes faits», ce qui est illégal.

Bousculé, acculé, Biya finit par céder. Il trouve la belle parade du cinquantenaire de l’indépendance du Cameroun pour élargir, le 24 février 2014, le prisonnier français dans un décret taillé sur mesure. La pilule passe mal au sein d’une opinion camerounaise largement défavorable à la France. Courroucé, le peuple avale la couleuvre et passe à autre chose. Mais la France n’en a pas encore fini avec son ancienne « colonie ». Elle remet ça.

Juillet 2015, François Hollande effectue une visite éclair au Cameroun. Le président français refuse de passer la nuit dans le pays de Paul Biya mais a quand même le temps de lui poser une exigence déguisée en demande. «Libérez Lydienne Yen Eyoum». L’avocate est incarcérée depuis 5 ans pour avoir empoché l’argent de l’État camerounais. Interrogé sur le sujet par un journaliste français, Paul Biya donne même des détails. Elle était chargée de recouvrer 2 milliards pour le compte de l’État, mais elle n’en a reversé qu’un, dit en substance le président camerounais. Avant de lâcher un prometteur «je verrai ce que je peux faire».  Une fois encore Biya n’a pas le temps de voir.

Et le vainqueur, c’est …

L’homme est acculé dans ses cordes. La France a encore actionné son piston à l’ONU. En avril 2015, le groupe de travail sur la détention arbitraire du Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies avait dénoncé  l’interpellation et la «privation de liberté» de Lydienne Eyoum. Selon une note de ce comité, il n’y aurait pas eu « notification des motifs de l’arrestation » et la détention provisoire avait «dépassé les délais légaux».

Le 9 juin 2015, la Cour suprême, la plus haute juridiction camerounaise, confirme la peine de 25 ans de prison rendue le 26 septembre 2014 par le Tribunal criminel spécial. La procédure est terminée. La justice a dit le droit. Paul Biya n’a plus d’alibi. Sa grâce est attendue.  Début juillet, André Vallini, le secrétaire d'État chargé du développement et de la Francophonie est  au Cameroun pour la signature d’un troisième contrat de désendettement et de développement (C2D) avec le Cameroun. Tout est OK, mais l’envoyé de François Hollande glisse une exigence: «Libérez Eyoum».

C’en est trop pour Biya qui une fois encore finit par céder. La belle Lydienne a eu l’astucieuse idée de se concocter un mariage qui lui a donné droit à la nationalité française. Un passeport qui lui sauve la peau. Dans le processus, Paul Biya qui peaufine ses plans de réélection à la tête de l’État, a voulu se ménager des Alliés. Pour lui, l’honneur du pays et  la crédibilité de la justice camerounaise n’ont pas pesé bien lourd face à ses ambitions personnelles. Et le message donné par la puissance tricolore à ses ressortissants est d’une limpidité de cristal. Allez en Afrique et pillez en paix. Le bleu, blanc rouge vous sauvera.

Auteur:
La Redaction
 @Cam_Info_Net
Tweet
Facebook




Dans la même Rubrique