Cameroun - Maurice Kamto s'explique: "Je n'ai jamais incité à l'insurrection"

Par Fred BIHINA | Cameroon-Info.Net
YAOUNDE - 10-Oct-2018 - 11h53   14835                      
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Maurice Kamto le 14 août 2018 à Yaoundé AFP/Archives/Reinnier KAZE
Le leader du MRC a accordé une interview mardi au site du journal français Libératoin.

Maurice Kamto, en plus de dénoncer de nombreuses irrégalurités lors du vote, tacle subtilement le candidat du parti Univers, Cabral Libii. Cameroon-info.net vous propose un extrait de cet entretien au site du journal français Libération :

Question : Vous avez proclamé votre victoire aux élections présidentielles de façon anticipée, avant même que le Conseil constitutionnel ne se prononce. Pourquoi une telle hâte ?

Maurice Kamto : Nous l’avons fait sur la base d’informations fiables que nous avons déjà rassemblées. Dans la plupart des pays du monde, les résultats sont proclamés le soir même ou le lendemain du vote. Au Cameroun, le Conseil constitutionnel, dont tous les membres sont nommés par le Président, dispose de quinze jours pour le faire. Pourquoi un tel délai en 2018 alors qu’on a les moyens de compiler les résultats plus rapidement ? Nous savons qu’il y a eu des fraudes : dans le nord du pays, les communications ont été coupées entre 18 heures et 19 heures sans raison officielle. Néanmoins, avec les procès-verbaux en notre possession, j’ai la certitude d’une victoire incontestable. Pourquoi attendre ? Tout ce que je revendique, c’est l’alternance par les urnes. Je n’ai rien fait de criminel.

Question : Pourtant, votre choix ne fait pas l’unanimité. Le pouvoir rejette votre proclamation, mais aussi certains partis d’opposition. L’un d’eux, Cabral Libii, se serait d’ailleurs également déclaré vainqueur par un post sur Facebook...

Maurice Kamto : Je note que ce post fait moins de bruit que ma propre déclaration. Je n’ai pas de commentaire à faire à ce stade. Ça prouve peut-être juste que certains opposants sont de connivence avec le président sortant. Pour le reste, je me sens dans mon bon droit, n’en déplaise aux pleureuses et aux vierges effarouchées. Le Cameroun est un pays où on a pris, hélas, l’habitude d’attendre. Sous Paul Biya, les populations ont été «zombifiées», tétanisées. On a longtemps eu l’impression dans ce pays d’une sorte de syndrome de Stockholm, où les gens finissaient par aimer leurs bourreaux. Dans mes meetings pourtant, j’ai eu le sentiment que les gens reprenaient goût à l’espoir. Et comment peut-on croire un instant que les Camerounais seraient aujourd’hui capables de reconduire au pouvoir par les urnes un homme de 85 ans, qui a régné sans partage depuis trente-six ans, a lancé tant de chantiers dont aucun n’a été achevé, alors que tous ont même été surfacturés ? J’ai parcouru le pays pendant cette campagne, il faut voir l’état des routes, les classes avec 150 élèves, l’état sanitaire lamentable du pays… Qui a décrété que le pouvoir était octroyé à vie ? C’est pourtant ce que vient d’affirmer un lieutenant du Biya en déclarant qu’un chef bantou meurt au pouvoir. Et ça ne fait réagir personne ?

Question : Lundi, peu avant que vous proclamiez votre victoire, votre QG et votre domicile à Yaoundé ont été encerclés par les forces de l’ordre. On dit également que votre directeur de campagne se cache après avoir été directement menacé. Vous sentez-vous en danger ?

Maurice Kamto : Non, je ne suis pas habité par la peur, je refuse de vivre dans la psychose. Même si je vois bien que je suis suivi partout où je vais. Pour mon directeur de campagne, je n’ai pas encore de nouvelles, mais je sais qu’un autre représentant de mon parti a été enlevé à Douala, puis libéré. Ses geôliers l’avaient pris pour mon directeur de campagne. Pour le reste, j’étais plutôt heureux dans ma vie de prof d’université. Je suis rentré en politique en assumant les risques, pour un combat que je considère comme noble.

Question : N’avez-vous pas peur de pousser vos militants à affronter les forces de l’ordre dans la rue, en cas de non-reconnaissance de ce que vous considérez comme votre victoire ?

Maurice Kamto : Relisez ma déclaration : je n’ai jamais incité à l’insurrection. J’ai parlé de «changement dans la paix», j’ai offert des garanties d’immunité au président sortant. Nous allons pacifiquement mais fermement défendre les résultats que nous avons compilés. Mais la légalité ne vaut que si les lois sont justes. Cessons de croire que les institutions bancales de ce pays sont crédibles. En 2014, le régime a fait passer une loi, qui sous couvert d’antiterrorisme limite en réalité toute liberté d’expression et de manifestation. J’ai été l’un des premiers à combattre cette loi liberticide. Il y a aussi des lois qui maintiennent dans la servitude.

Source : libération.fr

Fred BIHINA

Auteur:
Fred BIHINA
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