Cameroun - Message de fin d’année: Pour l’UPC-MANIDEM, «le pire est peut-être devant nous, si la majorité des Kamerunais, aspirant au changement, n’en finit pas avec ce pouvoir dont le triptyque est: corruption, vol et dictature»

Par Pierre Arnaud NTCHAPDA | Cameroon-Info.Net
YAOUNDE - 04-Jan-2021 - 12h35   8477                      
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Albert Moutoudou, le président de l'UPC-MANIDEM Facebook
Dans le discours qu’il a adressé à la nation le 31 décembre dernier, son président, Albert Moutoudou, rejette tout recours à la violence pour écarter le régime Biya du pouvoir.

L’UPC-MANIDEM encore appelée «UPC DES FIDELES», un parti qui revendique l’héritage authentique des pères fondateurs de la formation nationaliste, a sacrifié à la mode des messages de fin d’année au peuple camerounais. Comme nombre de leaders politiques, son dirigeant, Albert Moutoudou, s’est exprimé. Il a publié sur Internet un texte dans lequel il est longuement revenu sur la situation socio-politique dans le pays. Il a ainsi  attribué au régime Biya la corruption rampante dans le pays, non sans l’accuser de dictature.  

Evoquant la corruption, il est revenu sur les distractions de fonds constatées dans la préparation de la prochaine édition de la  Coupe d’Afrique des Nations de football senior. «Le scandale de la CAN renvoyée on ne sait à quelle date, a résonné comme un verdict prononçant sans appel la faillite de Paul Biya, rendue ainsi évidente à tous», écrit Albert Moutoudou. Il dénonce un  système Biya qui, selon lui, consacre son énergie à «l’invention de formules infinies pour appliquer la maxime qui dit que «la chèvre broute là où elle est attachée».

Pour ce qui concerne la crise au Nord-Ouest et au Sud-Ouest, l’UPC-MANIDEM relève que «le pouvoir RDPC» s’entête dans l’option militaire qui selon son leader «n’a rien donné après quatre longues années de guerre». Il juge les attitudes des belligérant «insupportables». «Depuis le début de cette guerre, l’UPC-MANIDEM préconise la solution politique. C’est à travers le processus politique que naîtra progressivement le climat de détente nécessaire au dialogue et à la paix», rappelle Albert Moutoudou, qui adresse une pique à ceux qui peignent le président camerounais en «nationaliste».

Voici ce qu’il leur rétorque: «Paul Biya nationaliste ? On aura tout entendu ! Sans vouloir remonter à l’époque de sa «formation nationaliste» par Louis-Paul Aujoulat, pouvons-nous au moins rappeler que c’est le même Biya qui revendiquait fièrement d’être le meilleur élève d’un Président français...».

Sur la question de l’alternance, l’UPC-MANIDEM veut un changement pacifique. «Nous disons cependant que la protestation, la contestation et par suite le changement qui en sera l’aboutissement doivent être pacifiques. Nous refusons que notre pays connaisse d’autre violence», écrit son patron.

Il pense qu’il faut cesser de penser qu’il y aura un homme providentiel qui, en prenant la place de Biya, apportera le changement dont le pays a besoin. «Non ! Nous devons préparer nous-mêmes ce changement, avant de laisser le pays entre les mains d’un nouveau dirigeant qui sera alors verrouillé par des dispositifs garants de la démocratie, du respect des droits de l’homme, de l’unité et de la souveraineté nationales, de la compétence et de la probité au poste occupé, etc. En en mot, des dispositifs garants du développement et du mieux-être du peuple kamerunais», suggère le responsable upéciste.

 

Voici le texte intégral du message de fin d’année de l’UPC-MANIDEM

 

COMITE DIRECTEUR / STEERING COMMITTEE

 MESSAGE DE FIN D’ANNEE 2020 DE L’UPC-MANIDEM

En décembre 1982, beaucoup de Kamerunais se réjouissaient : 1982 s’en va, 1983 arrive et avec le nouveau Président tout s’éclaircira pour notre pays. Trente-et-huit interminables années plus tard, combien sont-ils à pouvoir dire en ce moment : 2020 s’en va, 2021 arrive, et ça ira mieux avec Paul Biya au pouvoir ?

Le Kamerun va mal !

Or le pire est peut-être devant nous, si la majorité des Kamerunais, aspirant au changement, n’en finit pas avec ce pouvoir dont le triptyque est : corruption, vol et dictature. Le vol et la corruption sont les occupations centrales et intenses d’une classe dirigeante qui s’abrite sous un régime de dictature pour se rendre intouchable. Il en résulte qu’à cause des ruses et des dispositifs à mettre en place pour cacher le vol et la corruption, ces forfaits deviennent une occupation à temps plein, en tel point qu’il ne reste qu’une misérable portion de temps à consacrer aux affaires d’intérêt général. Le scandale de la CAN renvoyée on ne sait à quelle date, a résonné comme un verdict prononçant sans appel la faillite de Paul Biya, rendue ainsi évidente à tous.

Le Kamerun va mal !

Nos services publics sont gangrenés jusqu’à l’os ! A peine vous a-t-on expliqué la procédure à suivre pour constituer un dossier et obtenir un service qu’un rabatteur des lieux vous frappe discrètement sur l’épaule pour vous proposer une autre démarche, officieuse celle-ci, plus rapide et qui s’impose comme la seule par laquelle votre demande pourra aboutir. Mais il faudra payer. Parfois beaucoup plus. Vous devenez l’otage de ceux-là mêmes qui sont à ces postes pour rendre des services. Alors vous payez, en grinçant des dents.

Au suivant !

Cette montagne d’argent supplémentaire versée pour d’innombrables dossiers ne connaitra jamais le chemin de la Trésorerie Générale : elle sera partagée entre certains employés appartenant au réseau et le patron des lieux, ce dernier prenant soin de remonter la part qui revient à sa hiérarchie ; il est indiqué que ce soit jusqu’au ministre de tutelle qui garantit ainsi l’impunité à tout ce beau monde dans nos services publics. Le système Biya est l’invention de formules infinies pour appliquer la maxime qui dit que « la chèvre broute là où elle est attachée ».

Le Kamerun va mal !

Les entrepreneurs sont au chantage quand vient l’heure de toucher le chèque d’une affaire gagnée auprès des services de l’Etat : ministres, gouverneurs, autorités municipales exigent souvent que l’entrepreneur leur abandonne jusqu’à la moitié du montant du chèque. A cause de quoi la plupart des travaux pour les services de l’Etat sont réalisés n’importe comment, car ce qui reste d’argent entre les mains des entrepreneurs après le racket sauvage ne permet pas de faire mieux. Cela est particulièrement visible sur nos routes où les mêmes trous se reforment à peine un semestre après le chantier : l’entrepreneur a touché son chèque, il a remercié le gourmand ponte du RDPC qui lui aura permis de gagner le marché, et avec ce qu’il lui reste d’argent entre les mains, il effectue sa prestation comme il peut, grossièrement.

Les talents sont là, les entrepreneurs sont là. les chantiers semblent avancer, mais le résultat global c’est qu’avec le système Biya les réalisations sont sous le sceau de l’à-peu-près.

Le Kamerun va mal !

A présent nous avons la guerre en prime dans le NOSO. Les dégâts sont énormes : des milliers de blessés et de morts du côté de nos forces de défense et du côté des séparatistes, et nombre de victimes subissent des traitements atroces. Les populations civiles prises entre le marteau et l’enclume abandonnent les villages, émigrent par vagues vers d’autres régions du pays ou encore cherchent refuge en direction du Nigéria voisin. Des activités économiques sont détruites, suspendues et en péril. C’est incommensurable ! Combien de temps prendrons-nous pour nous en remettre ?

Or au NOSO, le pouvoir RDPC s’entête dans l’option militaire qui n’a rien donné après quatre longues années de guerre. Les rodomontades tant du côté des séparatistes que du côté du gouvernement sont insupportables lorsque nous parviennent certaines images. Depuis le début de cette guerre, l’UPC-MANIDEM préconise la solution politique. C’est à travers le processus politique que naîtra progressivement le climat de détente nécessaire au dialogue et à la paix :

1) Cessez-le-feu !

2) Même des cessez-le-feu localisés autour d’une unité économique, autour d’un établissement scolaire, autour d’un établissement de santé, etc., sont bons à prendre, et tout particulièrement pour les populations civiles qui ne savent plus à quel saint se vouer.

3) Libération des prisonniers politiques qui n’ont ni appelé à la violence ni à fortiori été pris eux-mêmes en train de commettre des violences.

4) Instauration du dialogue pour la paix.

Le Kamerun va mal !

Or, comme si la violence des guerres dans l’Extrême Nord et dans le NOSO ne suffisait

pas, le pouvoir RDPC installe la violence partout dans le pays. C’est l’entêtement de la mouche

qui fonce contre la vitre et se cogne la tête, et qui recommence encore et encore, en croyant pouvoir traverser la vitre de cette manière.

Aux demandes croissantes des Kamerunais pour la démocratie et les droits de l’homme, l’équipe installée à Yaoundé s’imagine pouvoir leur opposer la violence durablement. Cette année 2020 qui s’achève a connu une aggravation contre laquelle les démocrates de ce pays doivent être unanimes. L’option toujours aventureuse de bâillonner les consciences par des interpellations abusives, des arrestations, des détentions, des assignations à résidence au mépris de la loi, expose le pays à l’instabilité et aux guerres.

Depuis le 18 septembre 2020, quatre jeunes de SUFC sont en détention. D’abord à la garnison de Bonanjo à Douala, puis moins d’une semaine après à New-Bell où ils sont encore à l’heure où nous parlons. Ils étaient en train de marcher tranquillement dans la rue, en rentrant chez eux après un vendredi après-midi au Siège du CPP, où ils n’avaient fait que retrouver d’autres jeunes pour échanger entre eux. Manifestement, ceux qui les ont arrêtés les suivaient depuis leur sortie du Siège du CPP, le but de ce kidnapping étant de décourager des jeunes d’aller au CPP.

Depuis le 22 septembre 2020 des dizaines et des dizaines de militants du MRC sont en détention. Quant à leur Président Maurice Kamto, ce n’est que tout récemment qu’il a recouvré sa liberté, après de longs jours de séquestration. Si l’on prétend qu’en agissant ainsi les droits de l’homme sont saufs, alors de tels droits de l’homme sont bien de la même étoffe que l’élection démocratique qui a porté Paul Biya à la présidence.

Les Kamerunais ne pensaient plus avoir à subir de tels outrages, 60 ans après les colons, 40 ans après Ahidjo ! Et pendant que le pouvoir en est à faire du n’importe quoi, en frappant à gauche, en frappant à droite, comme quelqu’un qui se noie, il use des moyens modernes de communication et de manipulation des consciences, en faisant réciter à ses zélateurs et sycophantes que le « nationaliste Paul Biya » irriterait des puissances étrangères, à tel point que celles-ci passeraient leur temps à ourdir des complots contre le Kamerun.

Paul Biya nationaliste ? On aura tout entendu ! Sans vouloir remonter à l’époque de sa « formation nationaliste » par Louis-Paul Aujoulat, pouvons-nous au moins rappeler que c’est le même Biya qui revendiquait fièrement d’être le meilleur élève d’un Président français...

Est-ce un complot de la France, des Etats-Unis, de l’Allemagne, de la Grande Bretagne, de la Chine, etc., qui, à ce point contrariés dans leurs vues sur la Kamerun par le « nationaliste Biya », s’acharnent à noircir l’image du Président, en faisant arrêter des jeunes dont l’âge est celui de nos enfants et dont le seul tort est d’avoir marché dans la rue ?

Est-ce un complot de la France, des Etats-Unis, de l’Allemagne, de la Grande Bretagne, de la Chine, etc., qui, à ce point contrariés dans leurs vues sur la Kamerun par le « nationaliste Biya » s’acharnent à noircir l’image du Président, en faisant séquestrer l’un de ses concurrents à la dernière élection présidentielle, concurrent dont le tort est d’avoir appelé à manifester pacifiquement ?

Est-ce un complot de la France, des Etats-Unis, de l’Allemagne, de la Grande Bretagne, de la Chine, etc., les détournements continus, par centaines de milliards – excusez du peu –, opérés par des barons du parti de Paul Biya, détournements qui représentent un colossal manque à la création d’emplois, la construction des routes, des écoles, des établissements de santé de santé, la disponibilité de l’électricité et de l’eau courante ?

Les pays étrangers ont toujours bon dos lorsque par peur, un peuple se tait sur les turpitudes de ses propres dirigeants, pour verser dans la facilité de chercher ailleurs les causes de ses malheurs ! Balayons donc notre propre cour et nous nous en porterons mieux !

Interpellés à propos des nombreux cas d’arrestations opérés au moins depuis le mois de septembre 2020, les autorités brandissent des menaces. L’on entend dire : « Oh ! ces marcheurs remettaient en cause l’élection de 2018 » Et alors ? Tant qu’ils ne protestaient que par une marche pacifique ils en avaient le droit ! Régulièrement, dans les pays démocratiques, les gens manifestent pacifiquement, parfois en brûlant les effigies de leur Président

 – ce qui est quand même un geste symbolique bien plus violent

–, ce n’est pas pour autant qu’ils se retrouvent enfermés pendant trois mois, ni que l’ex-challenger du Président en exercice est séquestré.

Quand même, on va où là !

Tous ces jeunes interpelés depuis le 18 septembre, depuis le 22 septembre, n’ont agressé personne, n’ont cassé aucune vitre, ils ne doivent pas être derrière les barreaux ! Voilà des vies broyées comme pour rire. Se permettrait-on de garder ainsi en détention des enfants des ministres, gouverneurs et autres pontes du régime ? Mais comme ce sont des fils et des filles du peuple, ils peuvent perdre leur emploi, perdre leur santé, pendant des mois dormir à tour de rôle dans un espace exigu et sans normes d’hygiène !

Tous ces jeunes en détention depuis plus de trois mois maintenant doivent être libérés ! Leur détention est une violation flagrante de la liberté d’expression et des droits de l’homme. Leur détention est une injustice qui ne prépare rien de bon pour le Kamerun. Le pouvoir de Paul Biya ne peut impunément malmener ainsi ses propres enfants et petits- enfants, qui sont pourtant l’avenir de ce pays, et attendre qu’ils disent merci ni que le pays s’en porte mieux !

Il faut sortir du système Biya !

Les Kamerunais le doivent et ils le peuvent !

Un seul mot d’ordre pour chaque adulte : grossir le camp de ceux qui veulent la fin du système Biya ! Tous les adultes qui ne s’y mettront pas, participeront d’une façon ou d’une autre à prolonger la vie de ce système. Tous, nous sommes comptables devant les générations futures qui ne manqueront pas de demander à chacun de nous : que faisiez-vous pendant que des gouvernants détournaient et jouaient avec les vies des millions de Kamerunais ?

Nous disons cependant que la protestation, la contestation et par suite le changement qui en sera l’aboutissement doivent être pacifiques. Nous refusons que notre pays connaisse d’autre violence.

Nous disons aussi qu’il faut cesser de penser qu’il y aura un homme providentiel qui, en prenant la place de Biya, nous apportera le changement dont le pays a besoin. Non ! Nous devons préparer nous-mêmes ce changement, avant de laisser le pays entre les mains d’un nouveau dirigeant qui sera alors verrouillé par des dispositifs garants de la démocratie, du respect des droits de l’homme, de l’unité et de la souveraineté nationales, de la compétence et de la probité au poste occupé, etc. En en mot, des dispositifs garants du développement et du mieux-être du peuple kamerunais.

Cette préparation exige du temps : c’est l’intervalle de temps qui sépare d’une part la fin du système Biya (qui surviendra grâce à la mobilisation politique du peuple pour le changement) et d’autre part les premières élections libres, transparentes et justes qui lanceront la Nouvelle République dépouillée des scories et des pesanteurs de la république actuelle. C’est cet intervalle de temps et les tâches qui y seront exécutées sous la direction des forces politiques du changement, notamment d’élaboration de nouveaux textes, que nous appelons la Transition Politique. Un gouvernement de transition gèrera les affaires courantes, pendant que des politiques et des experts élaboreront les règles qui installeront le pays sur de nouveaux rails. Il n’y aura pas de changement si nous refusons de prendre le temps pour la Transition Politique, et l’UPC-MANIDEM est disponible pour poursuivre la discussion sur ce chantier avec tous les partisans du changement véritable.

Chers compatriotes, peuple de Ruben Um Nyobé, Félix Moumié, Ernest Ouandié, Osendé Afana, et tant d’autres qui ont donné leur vie pour que ce pays vive libre et prospère, avant de terminer l’année 2020, que chacun de nous, seul ou en compagnie d’autres compatriotes, observe un moment de recueillement et s’engage pour le changement au Kamerun, au niveau où il le peut.

A l’époque où nous étions des jeunes militants d’une vingtaine d’années, c’est le probe Minja Njollè Hilaire qui nous enseignait par images. Un vaste mouvement pour le changement, disait-il, se déploie comme sur un champ de bataille où l’on peut compter l’avant-garde, le corps d’armée avec des cavaliers et des fantassins, l’arrière-garde ; il y a même ceux qui ne sont là que pour battre le tambour et cadencer la marche des soldats ; il y a même des porteurs d’eau et jusqu’aux brancardiers qui ramassent blessés et morts. Il y a il y a... C’est ainsi que doit être le mouvement initié par SUFC pour la Transition Politique.

De l’engagement et non de l’indifférence. En face de nos drames, Ngarbuh, Kumba, et tant d’autres, que résonne en chacun de nous le mot du poète Aimé Césaire : «... un homme qui crie n’est pas un ours qui danse ».

Que chacun prenne sa place dans la lutte !

En avant avec la Transition Politique !

En avant avec l’UPC-MANIDEM !

Vive le Kamerun !

Vive l’Afrique !

MOUTOUDOU ALBERT Président de l’UPC-MANIDEM

 Cell:697471491/ 695596535/675960492/690940067/Email:[email protected]

Auteur:
Pierre Arnaud NTCHAPDA
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