Cameroun - Obsèques: Charles Ateba Eyene repose désormais à Bikoka - Les représentants de Fame Ndongo et Ama Tutu hués - Un concert des témoignages vivifiants

Par Souley ONOHIOLO à Bikoka | Le Messager
- 31-Mar-2014 - 08h21   57382                      
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Le membre suppléant du Comité central du Rdpc repose pour l’éternité dans le caveau familial à la petite bourgade de Bikoka par Lolodorf, dans le département de l’Océan.

Obseques de Charles Ateba Eyene
Photo: © -
Quelle mouche a bien pu piquer Kwamp, conseiller technique n° 2 au ministère de l’Enseignement supérieur. L’émissaire de Jacques Fame Ndongo, au même titre Joseph-Joël Lobe, représentant d’Ama Tutu Muna, ministre des Arts et de la culture, ont harcelé, bousculé le protocole d’organisation, pour absolument prendre la parole, pendant la période des témoignages. Fortement hué, par une foule qui piaffait d’impatience, menaçant même de lyncher du regard l’envoyé d’Ama Tutu Muna, tous les indicateurs montraient que si la présence de ce dernier pouvait être tolérée (parce que chez les bantou, on ne chasse pas les vivants qui viennent se recueillir et se prosterner devant la dépouille d’un mort), la prise de parole de Joseph-Joël Lobé était impromptue. De peu, la foule excitée, qui a considéré cette maladresse comme une méprise, a joué de beaucoup de maîtrise pour ne pas s’enflammer. Qui mieux que les fonctionnaires du ministère des Arts et de la culture, ignorent la haine et la rancune que le défunt nourrissait à l’encontre d’un ministère qui l’a clochardisé, jusqu’à la mort. Alors qu’on ne lui a rien demandé, l’émissaire de Jacques Fame Ndongo quant à lui, s’est autorisé à expliquer l’inexplicable, au sujet des hommages académiques refusés à Charles Ateba Eyene. Un autre point noir qui a provoqué le courroux et l’indignation d’une population qui ne demandait que d’enterrer dignement son héros. Une maladresse qui a failli envenimer une atmosphère lourde et pesante, à cause de la présence massive des forces de l’ordre. L’on aurait dit qu’il y avait déjà, une volonté cachée d’irriter ou de châtier les émotions de la foule. Sinon comment comprendre la forte militarisation des obsèques de « l’homme du peuple » dans son village natal ? Malade, abandonné dans le dénuement jusqu’à la mort, les fortes sommes d’argent qui ont servi au déploiement des forces de l’ordre mobilisées de Yaoundé à Bikoka, auraient pu permettre l’évacuation de l’écrivain. Au lieu la danse macabre, suivie de la mise en scène funeste qui a eu lieu à Bikoka. Charles Ateba Eyene mort, doit-on penser qu’il y a des gens qui oseraient danser sur sa tombe ? L’enfant prodige de Bikoka n’en avait vraiment pas besoin. Simplicité et humilité Charles Ateba Eyene a été enterré dans le recueillement et la sobriété. A l’instar de la levée de corps à la morgue de l’hôpital Général de Yaoundé où, l’espace est apparu très étroit pour contenir la grande foule des admirateurs et partisans du magicien du verbe, maître de la parole, venus lui rendre hommage. Que ce soit la mobilisation de la foule derrière l’ensemble des cultes et les messes à la chapelle Marie-Gocker de Yaoundé ; le dernier sketch de Charles Ateba Eyene qui s’est joué, samedi 29 mars, à Bikoka son village, arrondissement de Lolodorf, dans le département de l’Océan a lui aussi drainé une masse populaire importante. Hormis Jules Doret Ndongo, frère du village du défunt qui s’est peut-être senti interpelé par le constat fait par le reporter de Le Messager aux obsèques à Yaoundé : à savoir l’absence de pontes du régime, une fois de plus le gratin politique du Rdpc, les dinosaures, les apparatchiks, les membres du gouvernement du renouveau, ont brillé par leur absence criarde. Mais qu’importe, le héros national, même sans bénéficier des obsèques officielles ou nationales (venant des pouvoirs publics, du gouvernement ou du chef de l’Etat Paul Biya) a été dignement porté en terre. Si l’on exclu de la mobilisation tous azimuts observée il y a quelques années, lors des obsèques du talentueux footballeur, Marc Vivien Foe, de regrettée mémoire, l’on a, difficilement vu des obsèques drainées une si immense foule. Les dernières images de départ du tribun commencent avec la sortie de la dépouille et son installation au milieu de la concession familiale. Pour les milliers des jeunes gens du village réunis tant au sein de l’association des handicapés ou dans celle regroupant les sportifs, les gestes de cœur et la générosité de Charles Ateba Eyene sont célébrés. Des centaines de confrères, amis, camarades, auditeurs de radio, téléspectateurs des chaînes de télévision, lecteurs de sa grande production livresque… sont venus de partout, témoigner leur admiration et un attachement profond à la plume qui s’était définitivement cassée ; à la voix qui s’est éteinte pour toujours. Petit regret au cours de la cérémonie funéraire, Charles Ateba Eyene aura été le seul à n’avoir pas pris de parole. Qui pouvait imaginer «Tara » incollable et imbattable dans divers autres domaines tels que le sport, la politique et les questions sociales, laisser couler des minutes et des heures, sans prendre la parole. Pour la dernière communication publique de Charles, il ne prendra pas le micro. Pendant toute la prestation scénique, il restera couché dans son cercueil. Inerte. La pierre tombale qui s’est définitivement refermée sur ce grand maître orateur, à Bikoka, a montré l’effectivité de la rupture. «Tara» qui aimait la parole, ne le prendra plus jamais parmi les vivants. Si tant est que la mort n’est qu’un déplacement des individualités, le peuple qui accompagnait Charles n’a été capable que d’une chose. Demander à « Tara », d’aller en paix. De quitter la vie en souriant et non amoureux d’elle. Car qui sait ! Oui qui le sait vraiment… Souley ONOHIOLO à Bikoka Focal: Un concert des témoignages vivifiants Du général des armées, Pierre Semengue, parlant en sa qualité de chef de la famille en passant les oncles maternels, les belles familles, les mères, les amis, les confères, les amis d’armes…, à travers la voix enrouée et chagrinée de tous ceux qui se sont succédé sur le podium, les adieux à Charles Ateba Eyene à Bikoka, par Lolodorf, auront été durs insaisissables. Il y a eu certes beaucoup de regrets, à cause de l’absence injustifiée des cérémonies traditionnelles, ou de la palabre funéraire (Nsili awu). Plusieurs voix ont reconnu au «communicateur citoyen» arraché à la vie, les qualités d’un génie. A la suite de certaines prises de parole, les oncles maternels et la mère du défunt, on en sait davantage sur la série noire, presqu’un séisme qui a pris ses quartiers dans la famille. Suscitant beaucoup de compassion et de pitié, personne n’a pu contenir ses larmes en écoutant les malheurs d’une femme, la mère du défunt, qui a quitté, sa région natale de l’Est, pour trouver un mari à Bikoka. Une femme à ce jour qui a enterré son mari et toute sa progéniture, près d’une dizaine d’enfants. Dans un concert de pleurs et de lamentations, très peu nombreux parviennent à tenir le coup. « Papa, nous t’avons aimé, nous continuerons à t’aimer. Va prier pour que Dieu donne la force à tes enfants que nous sommes, de rester unis et solidaires » dira Patrice Assiga Eyene, porte-parole des enfants. Quelle image Xavier Messe, directeur de publication du quotidien « Mutations » qui a la responsabilité de délivrer le témoignage des communicateurs, retient du disparu? Il décline son témoignage en s’adossant sur plusieurs anecdotes. Avant de conclure que Charles Ateba Eyene était un homme de vision ; une vision prospective. Il insiste également sur les qualités humaines du défunt ; un homme, soucieux de la quête du mieux-être. Pour Adamou Ndam Njoya, président de l’Udc, Charles Ateba Eyene incarnait : l’humilité, la simplicité, la générosité... Souley ONOHIOLO à Bikoka




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