Cameroun - Présidentielle 2018 - Stéphane Akoa (Politologue et chercheur) sur Radio Equinoxe: «La première des conditions (qui est la plus difficile à réunir en réalité dans le cadre d’une coalition) c’est de savoir faire taire les égos»

Par Wiliam TCHANGO | Cameroon-Info.Net
YAOUNDE - 17-Jan-2018 - 20h51   7734                      
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Politologue et chercheur à la Fondation Paul Ango Ela, il commente la dernière actualité politique liée à la mise sur pied d’une plateforme devant soutenir la candidature de Maitre Akere Muna à la prochaine élection présidentielle. Il a été interrogé dans la Matinale de Radio Equinoxe

Ces derniers jours, on a assisté à un jeu de coalition entre des forces politiques. Mais la question qu’on se pose mais un peu brutalement quand même est que s’agit-il d’une  force ou d’une  farce ?

Il faut d’abord considérer qu’en année électorale, le principe selon lequel « l’union fait la force » prévaut et il est donc normal que des formations politiques de la catégorie dite de l’opposition essaient de s’associer, de réunir leurs forces, d’estomper leurs faiblesses, pour créer une plateforme, une coalition ou une alliance … c'est-à-dire à la fois une association (et donc une réunion) d’effectifs et de figures notables mais également la possibilité de coordonner une stratégie. Non seulement pour parvenir à présenter un candidat unique à l’élection présidentielle mais aussi, éventuellement, dans le but de travailler ensemble pour gagner les autres élections, les législatives et les municipales. C’est une pratique ou une tactique ordinaire que l’on retrouve fréquemment en année électorale. Ensuite, la question est de savoir si les uns et les autres au sein de ces plateformes, coalitions, associations et autres, auront l’énergie nécessaire mais surtout la discipline indispensable pour, des mois durant, collaborer à l’élaboration d’un projet et travailler à la réussite de ce projet. L’élection présidentielle et le couple élections municipale et législative sont attendus pour la fin de l’année. C’est loin, c’est encore un long chemin … qui peut être un chemin semé d’embuches.

Quelles sont les clés pour réussir une coalition qui puisse peser, qui puisse être efficace ?

La première des conditions (qui est la plus difficile à réunir en réalité) c’est de savoir faire taire les égos. Ceux qui ont créé des partis politiques ou des mouvements ont la certitude qu’ils sont les meilleurs. S’associer à d’autres c’est reconnaitre (ou être capable d’admettre) qu’on est le «meilleur», certes, mais AVEC d’autres qui sont aussi bons que soi ! Et donc, qu’on est capable de s’entendre … y compris sur la seule personne qui doit être la figure de proue du mouvement, de l’alliance, de la plateforme … ou que sais-je encore ! C’est là où il est arrivé que très souvent ces projets échouent. Les autres conditions à réunir sont d’ordre pratique ou tactique mais aussi stratégique. Pratique ou tactique sur la capacité à élaborer un programme, à s’entendre sur des lignes forces et les défendre ! Stratégique pour répondre à des questions essentielles: comment on aborde le champ médiatique ? Sous quelle forme on communique avec la population camerounaise ? Comment on propose son projet ? Quel est le calendrier, l’agenda que l’on se réserve ? Evidemment aussi, bien sûr, il faudra savoir rester unis quand les coups viendront d’ailleurs. De l’opposition elle-même et des formations qui ne sont pas encore dans la plateforme ! En plus, bien entendu, des attaques provenant des partis qui composent la majorité présidentielle. Et quand les « «coups» vont commencer à pleuvoir, il faudra savoir, tous ensemble, au sein de cette formation sortir le même parapluie pour se protéger, rester solidaire, ne pas de désunir à ce moment là mais savoir répondre, riposter en ordre de marche.

Sur la méthode en vue de mettre en place une alliance, beaucoup ont émis l’idée d’une primaire ouverte. Qu’est ce que vous en dites ?

D’abord, on a parlé de plateforme, d’alliance ou de coalition comme si c’était des synonymes. Considérons que la plateforme est plus ouverte qu’une coalition ou une alliance … alliance et coalition étant consacrées à un acte écrit, un engagement formel qui, éventuellement, sera un pacte électoral (ce qui va donc se faire pendant la campagne). Ou un pacte de gouvernement : « si nous avons le pouvoir, voila comment nous allons nous organiser pour gérer le pays ». Pour le moment, considérons la forme la plus large qu’est la plateforme, en attendant de savoir si les uns et les autres veulent s’engager plus et être en mesure de «solidariser» leurs efforts de manière plus formelle. Ensuite, quand on se réunit, c’est une manière de diminuer le nombre de candidats potentiels dans l’espace de l’opposition. Comme une sorte de «primaire», oui … En s’associant, on fait déjà «disparaître» un certain nombre de candidatures qui, éparpillées, pourraient créer ces situations à une vingtaine ou une trentaine de candidats à l’élection présidentielle, que l’on a vu jadis. Et donc produire un émiettement des voix et la possibilité pour monsieur Biya de rester toujours président. Ensuite, pour l’instant, vous l’avez bien remarqué, ceux qui se sont joints à monsieur Muna ne représentent pas les formations les plus importantes dans le champ politique camerounais. Même si l’AFP n’est pas un parti à négliger. Il reste encore à connaître la position de ces deux mastodontes  que sont le MRC et le SDF. Pour savoir si, finalement, au bout du compte, ces «partis majeurs» rejoindront cette plateforme. Et décideront d’une candidature unique. Cela peut être  une stratégie que de faire des primaires en demandant aux électeurs, préalablement, par un vote anticipé, de savoir lequel des candidats de l’opposition l’opinion préférerait voir affronter monsieur Biya. Mais pour l’heure, l’environnement juridique entrave encore cette possibilité : le code électoral, en effet, ne permet pas rassembler les camerounais et leur demander de voter en dehors des élections que le gouvernement (ou l’exécutif) décide. Par cette stratégie «d’agrégation», l’opposition entend, en se rassemblant, faire en sorte qu’une sorte de tour préliminaire ait lieu. Il reste à voir si le mouvement va continuer. Ou si tout cela n’est qu’agitation ! De nombreuses tentatives de plateformes ont été élaborées par le passé. Assistons nous, tout simplement, à un tour de manège pour rien ou à la naissance d’un vrai projet qui doit durer jusqu’à la fin de cette année ?

 

 

 

Auteur:
Wiliam TCHANGO
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