Cameroun - Réflexion/Sa Majesté Jean Rameau Sokoudjou (doyen des chefs traditionnels de l’Ouest): «Je me demande chaque jour où va ce pays. Je me demande s'il n y a pas une malédiction qui hante ce pays»

Par Fred BIHINA | Cameroon-Info.Net
YAOUNDE - 30-Aug-2020 - 10h15   6483                      
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Sa Majesté Jean Rameau Sokoudjou archives
Le monarque a publié une nouvelle réflexion ce dimanche 30 août 2020, à travers laquelle il appelle à honorer la mémoire des héros disparus.

Agé de 82 ans, Sa Majesté Jean Rameau Sokoudjou publie régulièrement, depuis des mois, des réflexions sur Facebook au sujet de la marche du pays. Le long texte qu’il a rendu public ce dimanche 30 août 2020 sonne comme un testament.

Le chef supérieur des Bamendjou appelle en effet les Camerounais à célébrer la mémoire des héros disparus pendant et après les indépendances, ou ceux qui ont été inhumés hors du pays. «N'est-ce pas par hasard le sang des nombreux Camerounais morts ou tués innocemment en exil ? Ou peut-être le sang de ceux morts torturés dans les prisons, dans les brousses ? Ou sûrement celui des Camerounais portés disparus et que rien n'a jamais été fait en leurs mémoires ? N'avons-nous pas entassé trop de malédiction et que cela nous rattrape ?», s’interroge le chef traditionnel.

Sa Majesté Sokoudjou invite aussi les dirigeants à rectifier le tir. «Et à ceux qui pour des petits calculs pouvoiristes  pensent que le salut de ce pays viendra de la France, je leur dirai qu'on ne peut pas refuser un enfant et manger son couscous. Le penser ainsi 60 ans après un semblant d'indépendance, c'est insulter la mémoire de ceux qui ont versé de leurs sang pour ce pays», écrit-il.

Voici l’intégralité du texte:

Est ce qu'il n y a pas une malédiction couchée sur la tête de ce pays et qu'on n'a jamais pensé laver ?

Tu ne peux pas être un parent qui a donné naissance à des enfants et qui rêve de les voir t'enterrer demain et ne pas te poser des réelles questions face à certaines tournures de la vie. Si tu n'es pas quelqu'un qui est mort et est resté en haut tu ne peux ne pas te demander ce que deviendront tes enfants car personne n'a jamais souhaité que sa concession disparaisse après lui.

Je dors sans dormir, je me demande chaque jour où va ce pays. Je me demande s'il n y a  pas une malédiction qui hante ce pays.

Est-ce  n'est pas par hasard le sang des nombreux Camerounais morts ou tués innocemment en exil ? Ou peut-être le sang de ceux morts torturés dans les prisons, dans les brousses ? Ou sûrement celui des Camerounais portés disparus et que rien n'a jamais été fait en leurs mémoires ? N'avons-nous pas entassé trop de malédiction et que cela nous rattrape ?

Nous nous couchons jusqu'à vouloir dormir comme ça que ceux qui ont versé de leurs sang pour ce pays sont où ? Nous les avons pleurés comme l'exigent nos traditions en Afrique ? Comment pouvons-nous dormir en paix si le successeur ne pleure pas son père et que nous nous rassurons qu'on a retiré la tête jusqu'à mettre dans la case sacrée ?

Comment nous pouvons laisser le corps des parents en brousse pour aller partager l'héritage ? Ce n'est pas par hasard source de cette malédiction qui nous suit ?

Tenez !!!!!

La France, ceux-là que nous sommes devenus, rien comme ça à cause d’eux, avant de donner le semblant d’indépendance n’a travaillé dans ce pays. Ils ont massacré des milliers de Camerounais, leurs seuls crime étant d'avoir osés réclamés l'indépendance de leurs pays, d'avoir rêvé que le blanc parte et laisse le Cameroun libre. Nous avons souffert entre leurs mains, beaucoup n'ont pas eu la chance de s'en sortir comme moi pour le raconter aujourd'hui comme ça. Ils sont morts parfois dans des conditions horribles. Beaucoup sont portés disparus jusqu'à aujourd'hui et on n'a jamais porté leur deuil comme l'exige notre tradition en Afrique.

Qu'avons-nous fait pour ces Camerounais ? Leurs malédictions ne peuvent-elles pas nous attraper?

Alors que nous étions à la porte pour attendre la liberté, les français ont passé l'indépendance par la fenêtre et remettre à ceux qui nous accusaient de vouloir l'indépendance. Ils ont tissé les plans dans leurs intérêts au détriment du peuple et ça ils le font  dans le strict respect des termes de leur contrat d'un régime à l'autre.

La France fait semblant d'être partie et installe Ahidjo au pouvoir avec des consignes stricts, les intérêts de la France d'abord. C'est le parti unique, donc on dit même ce que tu as dit sans te consulté.

La chasse aux nationalistes est lancée, il faut absolument éteindre ce genre de semence. C'est le régime de la terreur, tu ouvres ta bouche tu dors à Mantoum, beaucoup sont partis et ne sont jamais revenus. Certains qui revenaient gardaient des séquelles inoubliables. On devait tout accepter sans ouvrir la bouche, mais,  au-moins en ce temps on mangeait jusqu'à donner le reste de la nourriture préparée au porc. Le café était prospère, les  jalons d'une économie solide étaient posés et on voyait des sociétés d'Etat pousser par ici par-là, le Cameroun est rassasié jusqu'à on aide même certains pays qu'on ne voit même plus leur derrière aujourd'hui !!

Mais ceci, il faut manger et fermer ta bouche, ni non...

1982, la France encore par un tour de passe-passe nous sort Paul Biya du chapeau. Le peuple se dit être libéré  et chante en voyant un jeune homme enthousiaste qui vient avec un discours nouveau, "rigueur et moralisation," on se dit fini la torture, un jour nouveau se lève pour le Cameroun et le peuple porte Paul Biya en triomphe.

Le temps d'un feu de paille et le peuple commence à réaliser que on dormait que le rêve. Et chacun se dit donc  C'est vrai qu'il faut faire deux mariages pour connaître le bon ?  Moins de deux ans, le peuple a commencé à  réaliser qu'en fait on a pris la vigne familiale au vigneron buveur pour donner au vigneron vendeur et que le successeur la risque ne pas pleurer son père.

Rigueur et moralisation, j'ai bu un vin blanc en écoutant, je me disais que mes compagnons ne sont pas morts pour rien. Mais, seulement en quelques jours,  le vol et le pillage des caisses de l'Etat s'installent, la misère s'installe, le peuple gronde, les dirigeants sont  muets, intéressés seulement à se servir, leurs amis les Français et on s'en fout du peuple.

Arrivent les années 1990 avec le vent de la démocratie qui souffle, le Cameroun n'est pas épargné, le peuple n'en peut plus et  exprime sa colère. Le régime est  vomi. Par leur sport favori qui est la tricherie et avec le soutien du maître Français, face à une opposition immature, la victoire du peuple est volée et le pouvoir revoit son dispositif.

Plus jamais cela. Le tribalisme monte en puissance, le vol s'intensifie, la fraude électorale s'érige en mode, tout est verrouillé, les hommes d'affaires et les commerçants soupçonnés d'avoir soutenu l'opposition  sont asphyxiés avec les  impôts, le régime tente de fabriquer ses propres hommes d'affaires, les salaires des pauvres fonctionnaires sont fractionnés en 3, voir par 4, médecins, enseignants et autres sont clochardisés dans leurs pays, obliger de se battre comme ils peuvent pour joindre les 2 bouts et bonjour la corruption c'est la décadence totale.

Le Pays se vide de ses cerveaux fuyant un régime qui mange ses propres enfants. De nombreux Camerounais choisissent de faire  un bon vers l'inconnu au péril de leurs vies face à un régime violent. Nombreux ont perdu leurs vies  dans la mer, dans les déserts et les quelques privilégiés de ce régime qui ont pris ce pays en otage porteront cela sur leurs consciences.

Aujourd'hui c'est un pays déchiré, divisé, ruiné sans eau, sans lumière, sans route que le vent du Corona est venu davantage étaler ses défaillances au grand jour que nous vivons  pendant que quelques-uns narguent le peuple avec une richesse insolente et injustifiable.

Toutes les sociétés laissées par le président  Ahidjo ont été pillées et fermées, quelques fonctionnaires de la République ont supplanté les hommes d'affaires, ils se sont déjà partagés l'argent du pays et ils se partagent même déjà les terres. Des hauts fonctionnaires de la République se payent le luxe de déposséder des milliers de villageois des terres de leurs ancêtres et titrent des villages entiers en leurs noms. Quelle méchanceté!!!

Nous sommes face à un régime qui fonde sa gouvernance sur le vol, les détournements, la tricherie, le mensonge, la roublardise, l'injustice, la fraude !! Un régime qui misère le  peuple pour ainsi le contraindre à boire même le vinaigre le moment venu.

La  misère n'a aucune coloration politique ni ethnique. Qu’est-ce que ce pays qui vous a pourtant tout donnés vous a fait ?

Quel est ce pays où un député  est  élu par 50 fonctionnaires ? Et dans ces conditions vous voulez organiser des élections régionales, de qui se moque ton finalement ?

Dire cette vérité que vous-mêmes vous connaissez, c'est faire preuve d'un manque de patriotisme ? C'est être contre mon pays ? Ce pays pour lequel j'ai sacrifié une bonne partie de  ma vie ? Ne pas chanter la même chanson que vous et vous dire la vérité, c'est être antipatriote ?

En 2020, nous avons besoin dans ce pays des gouvernants qui recherchent au quotidien des solutions aux problèmes qui minent ce pays et non des autorités qui demeurent dans les méthodes anciens basées sur les intimidations et les brimades. Vous gagnerez à trouver des solutions aux problèmes du peuple et non passer le temps à chercher ceux que vous allez vous accrocher à leurs cous

Ce pays n'est la propriété de personne et chacun se doit d'apporter sa modeste pierre pour sa construction. Tous nous allons passer et le Cameroun restera. Le Cameroun, ce n'est pas toi. Ce n'est pas moi. Mettons ce pays au-dessus de nos intérêts et que chacun cesse de croire que sa faim, c’est la faim du peuple

Nous voici aujourd'hui au carrefour de notre histoire, le changement est inévitable, c'est une question de temps, Que vous le voulez ou pas. Nous nous devons juste d'œuvrer dans la vérité  pour que tout se passe dans la paix, dans le calme, et être vigilant pour que ça ne quitte pas de la tête pour tomber à l'épaule. Nous avons en face un régime arrivé à saturation, qui n'a plus rien à proposer au peuple, il a donné sa quantité qu'il pouvait et  chacun comprend que sur lui. Quand le sommeil attrape un adulte on n'a pas besoin de lui rappeler qu'il doit aller dormir.

A côté, une opposition qui bavarde plus qu'elle n'agit, mal organisée, égoïste, mal structurée, chacun parlant de tout et de rien, incapable d'unir les forces, chacun rêvant d'être le premier à côté de la marmite pour retirer le dernier morceau de viande dans la sauce alors qu'en réalité il ne reste plus que les os dans la marmite, leurs amis du pouvoir ayant déjà tout vidé.

Et le peuple

Dans tout cela !!! Il tarde à prendre conscience de sa situation et récupérer de manière pacifique son pouvoir qui traine au sol le régime ayant réussi à le détourner de la réalité avec l'alcool, les églises et les sectes!!!  Quel Cameroun voulons-nous laisser à nos enfants de demain ?

En attendant que la femme accouche il faut écraser le couscous.

Je continue de croire que la voie des élections est la bonne, jusqu'à ce que rien ne soit plus possible. Mais avez-vous les cartes d'électeurs pour voter au moment venu ?

Il est temps aussi  que les gardiens de nos traditions, les vrais détenteurs du pouvoir ancestral, pas les chefs fabriqués par le régime pour diluer et définitivement tuer les chefferies traditionnelles, ces gardiens dépositaire de nos traditions ancestrales et qui sont symbole de justice, d'équité, de vérité, de paix rentrent dans les forêts sacrés et parlent à nos ancêtres.

Que mes paires redeviennent le parapluie du peuple, qu'ils prennent la défense du pauvre, de l'orphelin, du veuf, de la veuve, du faible, du déshérité et  tiennent le discours de vérité à leurs enfants. Seule la vérité gouverne le monde.  Rassemblez vos enfants  sous l'arbre à palabres sans exclusion afin que nous nous réconciliions avec notre histoire et nos traditions. Que nous implorions le pardon des dieux de nos ancêtres, que nous nous parlions, nous pardonnons et que les démons libèrent ce pays afin qu'un Cameroun nouveau se lève,

Que nous trouvons l'occasion d'organiser des grandes funérailles pour pleurer nos frères et sœurs morts, disparus avant l’indépendance, sous le premier régime et sous le régime actuel, que nous les pleurions selon nos US et coutumes.

Demandons que s'ils se couchent par terre qu'ils dorment en paix et leur rassurant que de là où ils sont nous pensons toujours à eux et ainsi nous pourrons laver la malédiction qui plane sur la tête de notre pays

 A ceux-là qui marchent avec l'essence et les allumettes prêt à tout brûler, je leur dirai que celui qui empêche son frère de dormir ne doit pas lui-même fermer l'œil. Il y a autres possibilités de régler les problèmes de ce pays sans nécessairement recourir à la violence. Nous avons plein d'intelligences dans ce pays et la guerre aujourd'hui doit être la guerre des intelligences et non des armes.  Chacun simplifie le vampire comme ça juste que la nuit n'est pas encore tombée

A ceux qui gouvernent encore ce pays, je dirai si vous avez encore un peu d'amour pour ce pays, appelez tous les acteurs de la société autour d'une table pour vous accorder sur l'essentiel et baisser ainsi le feu sous la marmite qui boue déjà assez. Ce pays n'est pas pour vous seule et celui qui fuit les problèmes n'est pas nécessairement un peureux.

Pour ma part, je  suis déjà dans la forêt sacré, je prie mes ancêtres, je donne la nourriture aux dieux de mes ancêtres pour implorer leurs pardon, qu'ils veillent sur ce pays touchent le cœur de ceux qui ont confondu le sac du peuple à leur sac, qu'ils aient un sursaut d'orgueil pour ce pays, qu'ils reviennent à de meilleurs sentiments.

Et comme les enfants d'un même pays, que  nous nous retrouvions tous sous l'arbre à palabres, nous parlons, nous accordons sur les nouveaux règles du jeu, rétablissons un nouveau contrat social et ainsi nous pourrons lancer la terre sur les cacas et retirer les termites qui sortent sur ca et manger pour le bien de tous car ce pays nous appartient tous.

Pour y parvenir, nous devons  tenir un discours de vérité, disons à ceux qui depuis près de 40 ans ont conduit ce pays où il est aujourd'hui qu'ils ont mal fait mais que ce n'est pas pour autant qu'ils ne sont  plus les enfants de ce pays, ce pays a besoin de tous ses enfants, enlevons la peur sur eux que rien ne leur arrivera, personne ne dormira dehors, chacun se trompe comme il cogne son pieds et qu'ils donnent juste la possibilité aux autres d'essayer aussi et seul le peuple jugera.

Nous ne manquons de rien dans ce pays pour remettre ce pays debout.

Disons également aux partis d'opposition, à la société civile, aux syndicats que s'ils aiment vraiment ce pays, s'ils se soucient du peuple et que ce n'est pas pour leurs ventres qu'ils bavardent,, qu'ils laissent leurs petits calculs égoïstes de côté et se mettent ensemble, et que chacun cesse de croire que si ce n'est pas lui qui doit prendre le devant, on coupe la corde l'animal passe.

Et à ceux qui pour des petits calculs pouvoiriste  pensent que le salut de ce pays viendra de la France, je leur dirai qu'on ne peut pas refuser un enfant et manger son couscous. Le penser ainsi 60 ans après un semblant d'indépendance c'est insulter la mémoire de ceux qui ont versé de leurs sang pour ce pays. Ce pays dispose de tout pour régler ses problèmes et ce qui intéresse la France c'est notre pétrole, notre banane, notre bois et non le bien-être du peuple camerounais

Que chacun pense à demain et choisisse librement de quel côté entre dans l'histoire. Aussi j'invite tout un chacun à revisiter l'histoire pour voir le sort qui a toujours été réservé aux " fingouong"

Ce pays est le nôtre et malheur à qui la flamme va s'étendre entre ses mains et même comme on ne pleure pas sa mère pour passer au marché, je continue à pleurer ma mère le Cameroun pour passer au marché afin que tout le village me voit bien.

Fo'o Sokoudjou Mpoda depuis son palais ce 30 Août 2020

Auteur:
Fred BIHINA
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