Crash de Kenya Airways : La mise en billets en attendant la mise en bière

Par enquête de Leger Ntiga | Mutations
- 27-Jun-2007 - 08h30   54045                      
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Même si très peu de gens osent le reconnaître, les droits des victimes charrient de nombreuses convoitises.
L’annonce du retrait à plus de dix mètres dans la mangrove, le 15 juin dernier de la deuxième boîte noire du Boeing 737-800 de Kenya Airways échoué à Mbanga Pongo au large de Douala le 05 mai 2007, est venue raviver les convoitises et les luttes dans la défense des intérêts des parties. "Le décryptage de cette pièce essentielle sera déterminant dans la gestion du dossier des indemnisations. Dans un premier temps, il permettra d’établir les responsabilités entre l’avionneur, la compagnie et les défaillances humaines éventuelles. Dans un second temps, il pourrait ouvrir d’autres perspectives dans cette affaire pour laquelle nous conseillons les victimes de se pourvoir en justice contre le constructeur s’ils pensent être dans leurs droits". Commentaire de Manual Von Ribbeck, l’expert dépêché au Cameroun par le cabinet américain d’avocats Ribbeck Law Chartered (spécialisé dans l’aéronautique). De son côté, interrogée sur la manière dont l’association des parents de victimes et ayants droit appréhende cette information, sa présidente, Me Josette Kadji s’est contentée de dire que "sa mise à la disposition des parents de victimes est une excellente chose car, elle fait partie des nouvelles jusque là attendues". Sur la même lancée, quelques membres de la commission d’enquête mise sur pied le 13 mai 2007 par le barreau du Cameroun approchés, estiment que c’est le point de départ de la bataille pour la défense des intérêts. Dans le même ordre d’idées les autorités publiques à travers un communiqué de presse rendu public vendredi 15 juin dernier par le ministre camerounais des Transports, Dakolé Daïssala, affirment que "les dispositions sont en cours pour son acheminement au laboratoire du Transportation Safety Board (Tsb)-Canada Engineering à Ottawa pour son décryptage". Scellés Pour apporter toute la sécurité nécessaire à la boîte noire ainsi retrouvée, le colonel Emmanuel Meka Meka, commandant de la légion de gendarmerie du Littoral à Douala, affirme avoir mis l’ensemble sous scellés et suivi toutes les instructions techniques prescrites par les experts avant son acheminement vers le Canada où cette boîte noire qui est assortie du cylindre d’enregistrement des communications doit avoir retrouvé la première contenant les paramètres de vol. Tout cet intérêt porté à la deuxième boîte noire retrouvée vendredi, 15 juin 2007 est la preuve de la cristallisation des intérêts autour de la question des indemnisations des victimes de l’accident d’avion survenu dans la mangrove de Mbanga Pongo à Douala le 5 mai 2007. Car, bien avant cette étape, au cours des deux semaines ayant suivi le crash, les ayants droit, la compagnie Kenya Airways et leurs conseils respectifs auront chacun déployé des arguments pour affûter les prétentions sur la question. Au cours des deux séances quotidiennes d’information à l’adresse des parents de victimes par la compagnie kenyane, différentes hypothèses ont été régulièrement avancées. Parmi les deux plus importantes figuraient celle par laquelle Kenya Airways envisageait de payer au plus un forfait de 100.000dollars (50 millions de Fcfa environ) à chacune des familles de victimes. Un montant jugé dérisoire pour les conseils et les experts internationaux à la lecture des conventions internationales dont celle de Montréal qui prévoit un minimum de 150.000 dollars ou 116.000 Euros (75 millions de Fcfa environs) pour chaque victime. Sauf si la preuve de la faute de la victime est matérialisée. Après diverses interprétations de la convention de Varsovie du 12 octobre 1929 d’une part, et celle plus récente de Montréal du 28 mai 1999 en vigueur depuis le 4 novembre 2003, la compagnie aérienne a choisi de payer une première tranche de 30.000 dollars (15 millions de Fcfa environ) pour permettre aux familles déséquilibrées de subvenir aux différents besoins. Mais aussi de faire face à la longue durée de la période funéraire en attendant la mise à disposition des dépouilles. Argent Cette enveloppe dont la première partie d’un montant de 10.000 dollars (5 millions de Fcfa environ) a été remis aux ayants droit, doit être complétée dans les prochains jours selon le département de la Communication de Kenya Airways. Contrairement aux allégations de certains organes de presse kenyan faisant état du paiement intégral des indemnisations attendues des familles des victimes. Joint au téléphone mercredi 20 juin 2007, le chef du département de la Communication de Kenya Airways, Patterson Siema, réaffirme que "la compagnie s’organise avec l’aide de ses conseils au Cameroun et à Londres pour payer de la manière la plus juste possible les droits dus aux familles des victimes. Nous avons demandé à nos avocats de nous faire des propositions dans les meilleurs délais pour en finir et reprendre du chemin. Nous souhaitons surtout que toutes les opérations se terminent avec le bouclage de l’identification des corps au début du mois d’août au plus tard. Seule fausse note cependant, la trouvaille vendredi dernier (Ndlr, 15 juin 2007) seulement, de la deuxième boîte noire dont le décryptage risque de nous prendre plus de temps encore. Mais en attendant, la direction de l’entreprise est en train de prendre des dispositions pour le paiement du reste des 30.000 dollars de la première tranche des indemnisations. Il n’est donc pas vrai que la compagnie a dit qu’elle a déjà tout payé", a-t-il expliqué. Même si toutes les parties prenantes à la question des indemnisations (avionneur, parents de victimes, compagnie, autorités de l’aviation civile camerounaise) prônent l’apaisement et rassure qu’il n’y aura pas de guerre à ce sujet, la méfiance est de rigueur. La ruse et la suspicion font partie du quotidien des acteurs dont chaque interprétation des textes internationaux en la matière prête volontairement à équivoque. Selon certains parents de victimes installés à Londres, Kenya Airways aurait commis son avocat londonien pour élaborer un mémoire parvenu à l’Oaci sur les préalables (contre la convention de Montréal) en vue de la suite du paiement des indemnisations. La même situation se vit entre le cabinet Ribbeck et l’association des parents de victimes et ayants droit qui a dénoncé avec la dernière énergie Manuel Von Ribbeck qui s’est fait passer pour le représentant des parents des victimes lors de la convocation de la conférence de presse qu’il a donné à la fin du mois de mai dernier. Dans la foulée, de nombreux blocages et obstacles jalonnent le chemin des parents de victimes dont l’ignorance est parfois exploitée. Près de deux mois après le crash, l’administration publique compétente ne se presse toujours à délivrer aux familles les actes de décès des victimes camerounaises. "Cette pièce est essentielle pour le retrait des différentes tranches des sommes débloquées par Kenya Airways. On aurait dû déjà passer en jugement d’hérédité devant les tribunaux pour savoir dans chaque famille qui est le mandataire. Pour toucher les premiers 10 000 dollars, l’intelligence de la direction de la compagnie a permis de contourner la difficulté. Mais pour la suite des opérations, tout doit être clair", croit savoir Moïse Mfoipon, parent de victime. Les écueils liés à la délivrance de ce type de document risquent de s’étendre au jugement d’hérédité pour cause de renvoi répété des audiences au cours desquelles la présence de tous les membres concernés dans une famille donnée est de mise. "Dans certains cas, surtout lorsque certains sont éparpillés à travers le pays, le procès dure un an", relève M. Mfoipon.




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