Dakolé Daïssala: Le ministre… crash sur Kenya Airways

Par Brice R. Mbodiam | Mutations
- 11-May-2007 - 08h30   61362                      
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Six jours après le drame qui a emporté 114 personnes, le ministre camerounais des Transports est toujours invisible.
Hier, 10 mai 2007, l’Archevêque de Douala, le Cardinal Christian Tumi, "invité Afrique" sur les ondes de radio France international (Rfi), s’en émouvait encore. Depuis le crash d’un Boeing de la compagnie aérienne Kenya Airways à Douala, aux premières heures du samedi 5 mai 2007, le ministre camerounais des Transports, Dakolé Daïssala, est porté disparu. Au plus, l’on a eu droit, pour le compte de son département ministériel qui assure la tutelle des transports arien, terrestre et maritimes au Cameroun, a un communiqué du directeur… adjoint de l’Autorité aéronautique, un organisme sous tutelle du ministère des Transports, qui, il faut le rappeler, a également en son sein un secrétaire d’Etat, en la personne de Badel Ndanga Ndinga. Ce dernier, a-t-on appris hier, est d’ailleurs le représentant du ministère des Transports au sein de la délégation des cinq membres du gouvernement camerounais, qui ont rendu visite aux familles endeuillées hier à Douala. Dakolé Daïssala, lui, étant toujours invisible. Selon des sources internes aux services du Premier ministre (Pm), même Ephraïm Inoni, essaye en vain de joindre son ministre des Transports sur ses téléphones portables depuis le jour du crash. Le seul signe de vie du ministre des Transports depuis le crash est contenu dans la dernière édition de l’hebdomadaire Repères. Cité par ce journal, dont les responsables jurent avoir eu le ministre au tétéphone mardi dernier, Dakolé Daïssala se satisfait d’avoir été nommé à la tête de la commission d’enquête technique créée par le Pm à la suite du crash. “C’est la procédure normale. C’est une affaire technique et les experts c’est nous (...) Si on crée des ministères techniques, c’est pour qu’ils fassent leur travail”, affirme le ministre des Transports, qui fait apparemment valoir l’expertise de son département ministériel à mille lieux de la mangrove de Mbanga-Pongo. Sur ce lieu du crash, Dakolé Daïssala a été précédé par son collègue kenyan, qui a dû sauter dans le premier vol de la compagnie Kenya Airways dès l’annonce du drame. Six jours après la catastrophe, l’on n’a toujours pas vu l’ombre du ministre camerounais des Transports sur le terrain. Lui, qui aurait dû être le guide de son homologue Kenyan. Ce n’est pas la première fois qu’une telle indifférence est affichée par le Ministre Dakolé Daïssala, face aux malheureux évènements qui relèvent de son département ministériel. L’on se souvient qu’à la suite de l’accident de la circulation qui avait fauché 32 vies humaines dans la localité de Ngomo, sur la route Yaoundé-Bafousamn le 23 juin 2006 (collision entre le car d’une agence de voyages et un camion transportant du sable), Dakolé Daïssala avait attendu deux semaines pour réagir officiellement, au cours d’une descente au parc à camions d’Olembe, refuge des transporteurs de sable généralement impliqués dans les accidents de la circulation sur l’axe Yaoundé-Bafousam. 6 avril 1984 Alors que la mobilisation est générale autour du crash de l’avion de Kenya Airways, Dakolé Daïssala, selon des sources concordantes, s’occuperait tranquillement, dans le Grand Nord, des investitures des candidats de son parti politique, le Mouvement pour la défense de la République (Mdr), aux législatives et municipales du 22 juillet prochain. De ces élections, semble bien plus dépendre son avenir politique immédiat, qu’une gestion personnelle du drame qui vient d’endeuiller 114 familles. Avenir politique dont ne maîtrise pas autant le président du Mdr (revenu au gouvernement le 8 décembre 2004 alors que personne ne semblait l’y prédisposer, dans la mesure où il était seul député de son parti au parlement depuis 2002) qu’entre 1992 et 1997, période pendant laquelle Dakolé Daïssala avait plus l’oreille du locataire d’Etoudi, pour avoir permis au Rdpc, au terme des législatives de 1992, d’avoir la majorité des députés à l’Assemblée nationale, au détriment de l’opposition. Le président du Mdr avait alors troqué l’entrée de ses six députés dans la majorité présidentielle contre le poste, très prestigieux à l’époque, de ministre des Postes et Télécoms. Un département ministériel doté d’un faramineux budget annexe sur lequel Dakolé Daïssala s’était appuyé pour éviter aux agents de son département ministériel les coupes claires effectuées sur les salaires des fonctionnaires camerounais en 1993. Un acte qui lui vaut, jusqu’à ce jour, de la sympathie au sein d’une certaine opinion. De même qu’au sein de la corporation des noceurs de la capitale, qui louent la simplicité de ce ministre pour qui les virées dans les bars ne sont pas l’apanage du petit peuple. Mais, après pareilles virées la veille, le lendemain, il vaut mieux ne pas attendre le ministre des Transports au bureau avant une certaine heure. Et, surtout, ne pas être le malheureux collaborateur devant tenir une séance de travail avec lui. Car, en général, commentent ses collaborateurs, le climat de travail est souvent très tendu. Le ministre n’hésitant pas souvent à rabrouer tel ou tel collaborateur, puisant généralement dans ce franc-parler qui le caractérise. Franc-parler que l’ancien directeur général de la Société des transports urbains du Cameroun (Sotuc) ne semble pas avoir perdu au cours de ses sept années de détention à la prison centrale de Kondengui (au lendemain de la tentative de coup d’Etat contre le régime Biya le 6 avril 1984). Un séjour au terme duquel il publie "Libre derrière les barreaux", le livre témoignage sur sa vie carcérale. Episode que Dakolé Daïssala n’oubliera certainement pas dans ses mémoires d’homme politique. Mais, osera-t-il y consigner le fait qu’étant ministre des Transports, il est resté complètement indifférent face à la douleur des familles des 114 victimes d’un crash aérien survenu le 5 mai 2007 à Douala ?




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