Edgar Alain Mebe Ngo’o : Le père fouettard et les plaies de la police

Par Léger Ntiga | Mutations
- 20-Jun-2008 - 08h30   56236                      
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Arrivé à la Dgsn en 2004, il a opté pour les sanctions sous forme de coups d’éclat, qui tardent à produire des résultats profonds.
Le délégué général à la Sûreté nationale (Dgsn), Edgar Alain Mebe Ngo’o a donc, une fois de plus, suspendu pour trois mois, mercredi 18 juin 2008, au nom du président de la République, deux ses collaborateurs coupables d’avoir organisé des fuites de documents en faveur de suspects, impliqués dans les enquêtes judiciaires en cours à la Direction de la police judiciaire (Dpj). Il s’agit du commissaire principal Jean-Pierre Moutassi, adjoint au chef de service des études et de la coordination des enquêtes criminelles à la Dpj, et du commissaire de police Minkoué Eyenga, chef du service de la coordination des enquêtes économiques et financières à la même direction. La sanction qui est prise préfigure, le cas échéant, de poursuites disciplinaires et judiciaires qui pourraient être exercées contre les concernés. A en croire le texte rendu public mercredi dernier, les deux officiers sont sanctionnés pour "des faits graves". Ils sont accusés de "forfaiture, divulgation de documents d’enquête par l’organisation de fuites au profit de personnes mises en cause dans des procédures judiciaires en cours". Le texte fait savoir qu’ils sont également coupables d’"actes commis dans l’exercice de [leurs] fonctions". Un peu comme il y a quelques jours, le 15 juin 2008, lors des sanctions prises contre le chargé d’études de la Division spéciale de contrôle des services (la Police des polices), où le commissaire divisionnaire Victor Hugo Mbarga Mbarga fut limogé, comme d’ailleurs le directeur de la Police des frontières, Francis Melone Mbe, remplacés respectivement par les commissaires divisionnaires Fotso et Beaulys Djom, à qui il était reproché des actes de faux et usage de faux. "Je vais vous laisser le soin de séparer le bon grain de l’ivraie", avait alors lancé le Dgsn aux nouveaux promus. Il leur donnait pour mission de "mettre un terme à la corruption dans les prestations de service avec la complicité du personnel", car "la direction de la Police des frontières est devenue un moyen d’enrichissement sans fin à travers les passeports et les visas délivrés à prix d’or. Des pratiques qui tendaient parfois à délivrer le passeport camerounais à n’importe qui". D’autant plus qu’à l’occasion, le Dgsn s’était juré de ne "pas faire dans la langue de bois". Avant cette énième sanction de "policiers ripoux ", le Dgsn avait déjà pis des sanctions qualifiées de suprêmes le 24 septembre 2006, avec la révocation de trois commissaires de police, alors accusés de corruption. Affaire Albatros Alain Mebe Ngo’o se donne ainsi une image d’homme à poigne qui contraste avec certains témoignages de ses proches. C’est le cas de l’affaire de "corruption", au centre de laquelle on retrouva Ni John Fru Ndi à la veille de la présidentielle de 2004. Sur le sujet, les commissaires Léopold Ebene et Junior Zogo avaient affirmé l’avoir accompagné à l’hôtel Djeuga Palace à Yaoundé pour la transaction. Il y aussi, et surtout, la déposition répandue dans la presse depuis les auditions ouvertes dans le cadre de l’"Affaire Abatros". Quel aura été son rôle véritable dans cette affaire, d’abord quand il était directeur du cabinet civil à la présidence de la République, et aujourd’hui en tant que patron des policiers chargés de diligenter les enquêtes ? Quesl auront été ses vrais rapports et ses supposées connivences avec Michel Fotso, du temps où ce dernier officiait comme directeur général de la Camair et qu’il devait se faire payer par des factures de l’Etat ? Difficile d’avoir un avis tranché, tellement les sources sont divergeantes. Ce qui est constant, c’est que cet administrateur civil principal sorti de l’Ecole nationale d’administration et de magistrature (Enam) de Yaoundé, est généralement présenté comme un "fils" du chef de l’Etat, Paul Biya, au même titre que Louis-Paul Motaze et Pierre Titi, dont on dit qu’ils ont grandi dans son sillage. Ceci expliquerait-il son sens élevé de "fidélité" envers Paul Biya? Toujours est-il que cette attitude fait dire, à plus d’un, qu’il est carriériste dans l’âme. Les partisans de cette thèse citent, à ce propos, l’arrêté qu’il prend en 1997 en tant que préfet du Mfoundi pour restreindre les mouvements et communications de l’ancien secrétaire général de la présidence de la République, Titus Edzoa, qui venait de démissionner du gouvernement et d’annoncer sa candidature à l’élection présidentielle de cette année-là. Certains voient d’ailleurs, en cet acte, le ressort de son ascension, le 7 décembre 1997, comme directeur du cabinet civil du président de la République. Mais avant cela, le natif de Zoétélé aura été préfet du Dja et Lobo, à Sangmélima. Il occupera les mêmes fonctions dans l’Océan, de la Mefou et du Mfoundi. Jugé "inconstant" par ses collaborateurs, qui lui reprochent de ne pas assurer le suivi des projections qu’il se donne, le Dgsn se veut, pour eux, le gendarme qui est "le début de la sagesse". Sur ce volet, au début de cette année 2008, il plaçait son action, dans une interview accordée à la Crtv, sous le signe du "renforcement des capacités opérationnelles des unités de police". Au plan humain, par "la reprise en main des effectifs, la redynamisation de la formation continue, la valorisation du mérite et l'assainissement des comportements liés à l'éthique et à la déontologie policières. (…) Au plan logistique et tactique, l'accroissement quantitatif et qualitatif des matériels et équipements d'intervention pour une réelle amélioration des stratégies de lutte contre l'insécurité et le grand banditisme", indiquait-il alors. Un volet du programme dont les résultats restent attendus. A la lumière de l'ensemble des mesures prises et évoquées plus haut pour juguler le phénomène, et au regard des résultats "positifs" enregistrés, les étrangers en général et les touristes en particulier, ne devraient point développer de frilosité pathologique pour se rendre dans notre pays qui, "traditionnellement hospitalier, entend par ailleurs consolider sa réputation de terre d'accueil et de sécurité".




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