En Afrique, les bavures des forces de l'ordre au nom de la lutte contre le coronavirus

Par Agence France Presse | AFP
Johannesburg - 31-Mar-2020 - 19h53   3047                      
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Un militaire sud-africain contrôle le 31 mars 2020 un piéton dans une rue de Johannesburg où, comme dans tout le pays AFP/Emmanuel Croset
Coups de fouet ou de feu, gaz lacrymogène, humiliations: dans plusieurs pays africains, les forces de sécurité chargées de faire respecter des mesures drastiques de lutte contre le coronavirus

Coups de fouet ou de feu, gaz lacrymogène, humiliations: dans plusieurs pays africains, les forces de sécurité chargées de faire respecter des mesures drastiques de lutte contre le coronavirus multiplient les dérapages, obligeant les autorités à réagir.

Sur le continent le plus pauvre de la planète, les confinements, restrictions aux déplacements et même gestes barrière contre le virus s'avèrent extrêmement difficiles à appliquer dans des mégapoles ou des quartiers surpeuplés dont les populations survivent au jour le jour.

Les mêmes scènes de désobéissance se répètent partout en Afrique, où plus de 5.300 cas, dont 170 mortels, ont été officiellement enregistrés.

Des files d'attente compactes se forment devant les supermarchés, en violation des règles de distanciation sociale. Des petites boutiques non essentielles, notamment de vente d'alcool, restent ouvertes en dépit des interdictions.

Un policier frappe une vendeuse de rue le 26 mars 2020 à Kampala où il est théoriquement interdit de sortir pour emp (c) AFP/Badru KATUMBA

Souvent, les réactions musclées des forces de sécurité, aux traditions de répression parfois bien ancrées, se ressemblent, au nom de la protection de la santé des citoyens.

En Ouganda, la police a reconnu vendredi avoir blessé par balle deux hommes qui tentaient, selon elle, de s'opposer aux restrictions sur les déplacements. La veille, policiers et soldats avaient tabassé des vendeurs de fruits et des clients de marchés réunis sur la place publique.

Ces réactions ont indigné la ministre du Commerce, Amelia Kyambadde, qui a appelé les forces de l'ordre à "s'abstenir de frapper". "S'il vous plaît, expliquez-leur (les consignes) sur les radios communautaires", a-t-elle plaidé.

L'armée a été contrainte de présenter ses excuses.

- "Humiliation" -

Au Kenya, où un couvre-feu est en vigueur, l'inspecteur général de la police a appelé à une enquête après la mort d'un adolescent de 13 ans tué par des coups de feu qui auraient été tirés par la police dans un bidonville de Nairobi.

Vendredi, dans la ville portuaire de Mombasa (est), des centaines de personnes qui attendaient un ferry ont été dispersées des gaz lacrymogènes, avant même l'entrée en vigueur du couvre-feu. Des policiers anti-émeute s'en sont pris à des personnes à coups de fouet.

“C'est injustifié et inapproprié (...) Pourquoi infliger de telles atrocités ?", a réagi le gouverneur de Mombasa, Hassan Joho.

En Afrique, "il semble que la seule façon connue des autorités pour gérer la population est la violence et l'humiliation", a dénoncé Shenilla Mohamed, d'Amnesty International.

Femmes en pleurs lors des funérailles à Nairobi le 31 mars 2020 d'un garçon de 13 ans tué par des policiers dans le (c) AFP/LUIS TATO

Mausi Segun, directrice pour l'Afrique de l'ONG Human Rights Watch (HRW), a pour sa part appelé les gouvernements à "rapidement enquêter" sur les abus des forces de sécurité et à "punir" les coupables.

En Afrique du Sud, où un confinement total de trois semaines est imposé depuis vendredi, la police des polices a ainsi été saisie de trois dossiers dans lesquelles la police est accusée d'avoir abattu un civil.

Lundi, le président du pays Cyril Ramaphosa a rappelé à l'ordre les forces de sécurité qui, a-t-il dit, "doivent toujours agir dans le cadre de la loi". La ministre de la Défense Nosiviwe Mapisa-Nqakula a elle condamné "les abus" des soldats.

Des vidéos de citoyens contraints, par des policier sou des soldats qui ricanent, de faire des flexions circulent sur les réseaux sociaux en Afrique du Sud ou au Sénégal.

- "Psychose" -

Des policiers ont également été filmés administrant des coups de matraque à des passants pour faire respecter le couvre-feu dans ce pays d'Afrique de l'Ouest.

La police locale a reconnu des "interventions excessives" qui ont été "punies avec toute la rigueur qui s'impose". Elle n'a pas toutefois précisé qui avait été sanctionné ni comment.

Même constat en République démocratique du Congo (RDC). Les images d'un policier protégé d'un masque sanitaire tabassant avec une matraque un homme à terre, qui hurle de douleur, ont provoqué la colère.

D'autant plus que la scène se déroule sous les yeux du chef de la police de Kinshasa, Sylvano Kasongo.

"La lutte contre la propagation du #COVID19 (...) ne doit pas se faire au détriment des droits de la personne", a prévenu l'ambassadeur du Canada en RDC, Nicolas Simard.

Un arrêté officiel a exigé de la police qu'elle fasse "respecter les mesures prises, avec fermeté (...) et le respect de la dignité de la personne humaine".

En Côte d'Ivoire enfin, environ 450 personnes ont été interpellées pour non respect du-couvre feu.

Elles "font l’objet de bastonnade", a dénoncé le Mouvement ivoirien des droits humains (MIDH). "Cela est inacceptable et rajoute à la psychose créée par le coronavirus."

burs-bed/pa/stb



Par Béatrice DEBUT, avec les bureaux africains de l'AFP | AFP

Auteur:
Agence France Presse
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