Etat des lieux: Douala reste une ville morte, les violences se poursuivent à Bamenda, un semblant de calme ailleurs.

Par | Cameroon-Info.Net
- 28-Feb-2008 - 08h30   59666                      
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C’est un peu la situation qui règne ce jeudi dans le pays après le discours du chef de l’Etat hier soir.
La question que l’on pouvait se poser, après l’intervention du Président Biya, était celle de savoir : quelle serait le visage du Cameroun ce jeudi. Un retour au calme ? une normalisation de la situation ? ou alors une poursuite des émeutes ? On peut dire que c’est un peu de tout cela que l’on observe dans l’ensemble du pays aujourd’hui. Douala reste une ville tout à fait "morte" sur le plan de l’activité économique malgré les tracts qui ont circulé que ce jeudi était un jour de ravitaillement. Très tôt le matin et jusqu’à la mi-journée, certains marchés de quartier ont ouvert, sécurisés par les jeunes desdits quartiers. On a observé que les prix sont encore montés en flèche : une tomate en fruit se vendait à 250 francs. Les denrées comme le sucre, le lait, le beurre commencent fortement à manquer surtout que les gens ne s’étaient pas préparés à ces évènements. L’ouverture de ces marchés ne veut pas dire que le calme est revenu dans la capitale économique. Loin de là car, déjà hier soir, après l’intervention du Président, les casses ont continué. Le bureau des impôts de New-Bell par exemple a été complètement saccagé et on retrouvait les dossiers éparpillés dans la rue ce matin. Juste en face de Camrail, un magasin de gros de riz a été complètement mis à sac ainsi qu’un autre magasin voisin qui fait dans les motos, et tous les engins ont été emportés. Certaines stations services ont également été visitées où les casseurs étaient plus à la recherche des coffres-forts. Les groupes de casse n’étaient pas seuls dehors hier dans la nuit. On a assisté à un déploiement des forces de l’ordre dans les rues de Douala. On a entendu de nombreux coups de feux tout au long de la nuit. Et depuis ce matin le Groupement Spécial des Opérations (ce corps d’élite habillé dans un bleu foncé qui tend vers le noir) est venu en renfort. Très déterminés, ils n’hésitent pas à tirer sur les casseurs. Deux jeunes sont tombés sous leurs balles dans la matinée devant le palais de justice de Ndokoti. Pour garantir le ravitaillement de certains produits comme le pain et les médicaments, ces forces de l’ordre ont réquisitionné des boulangeries dans certains quartiers et des pharmacies (du côté de Bonandjo), dont elles assurent la sécurité. A souligner que le pain est passé de 150 à 300 francs et pas plus de cinq pains par personne. Les rues de la capitale économique restent vides : pas de véhicule ni de moto. Personne n’ose encore s’aventurer de peur de voir sa voiture voler en éclat. Les services publics, les entreprises, les écoles sont toujours vides. Yaoundé est à deux visages : le centre-ville où on a l’impression çà va mieux et les sous-quartiers où, malgré le calme relatif, on note une ambiance pesante avec quelques escarmouches. Les forces de l’ordre sont également présentes en nombre. Malgré cette présence, il y avait très peu de voitures dans les rues de la capitale ce matin. Beaucoup de boutiques sont restées fermées. Le gouverneur de la province du Centre et le Délégué du gouvernement auprès de la commune urbaine de Yaoundé ont lancé des appels tout au long de la journée, invitant les gens à reprendre leurs activités et en leur assurant la sécurité des personnes et des biens. La situation dans le Nord Ouest reste plus critique. Elle se détériore même. C’est la grève générale à Bamenda où les casses se succèdent. Les bureaux de l’AES Sonel ont été saccagés et on y a bouté le feu. A Kumbo, le centre des impôts a été pillé, le dépôt Guinness a été dévalisé par des émeutiers qui sillonnent les rues pour s’assurer que rien n’est ouvert : écoles, services, sociétés… Dans le Sud Ouest, Buéa est sans activités. Les émeutiers se sont attaqués à un commissariat et la riposte ne s’est pas fait attendre : un blessé grave par balle. A l’Ouest, la situation reste très tendue à Bafoussam. On rencontre des barricades comme au quartier Socada. Des groupes sillonnent les rues pour veiller au respect du mot d’ordre. Certains petits commerçants arrivent tout de même à vendre dans les arrières boutiques. La ville reste tout de même morte. Nul ne peut dire aujourd’hui comment la situation va évoluer. Les autorités multiplient les appels au calme. Les populations quant à elles sont entrain de commenter et de décrypter l’intervention du Président de la République. D’aucuns disent que Paul Biya a traité les Camerounais ‘’d’apprentis sorciers’’, leur a manqué de respect, qu’il a juste voulu leur faire peur et n’a pas parlé des vrais problèmes ; d’autres affirment que le Président se trompe en disant que ce n’est pas la rue qui décident et jurent de lui prouver le contraire. Il y en a en outre qui pensent que l’intervention du Président a toute sa raison d’être car les choses ne pouvaient pas continuer ainsi, surtout les pillages et le vandalisme de ces derniers jours. Il était donc tant de dire stop, que le calme revienne et après, parler des problèmes de fond. Il se dit d’ailleurs que la Président fera une autre intervention quand les choses seront plus calmes.




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