Kenya: le gouvernement a perdu la trace de 400 millions de dollars d'argent public

Par Agence France Presse | AFP
Nairobi - 08-Mar-2018 - 04h27   5660                      
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Vue aérienne de Nairobi, le 9 décembre 2014 au Kenya AFP/Archives/SIMON MAINA
Le gouvernement kényan n'est pas en mesure d'expliquer où sont passés 400 millions de dollars (323 M EUR) de fonds publics, selon un rapport de l'auditeur général, qui met une nouvelle fois en

Le gouvernement kényan n'est pas en mesure d'expliquer où sont passés 400 millions de dollars (323 M EUR) de fonds publics, selon un rapport de l'auditeur général, qui met une nouvelle fois en exergue l'échec du pays à lutter contre la corruption et le détournement d'argent public.

Le rapport de l'auditeur général, Edward Ouko, pour l'année financière 2015-2016, décrit toutes sortes de gaspillages et erreurs comptables sous le gouvernement du président Uhuru Kenyatta.

Le président kényan Uhuru Kenyatta, le 12 décembre 2017 à Nairobi (c) AFP/Archives/YASUYOSHI CHIBA

Celui-ci a depuis été réélu en octobre pour un second mandat, à l'issue d'une campagne au cours de laquelle il avait promis de prendre à bras-le-corps à la corruption.

Moins d'un tiers des états financiers des ministères et différents services de l'État examinés dans le cadre de ce rapport, présenté la semaine dernière devant le Parlement, sont exempts de toute erreur.

M. Ouko a remarqué qu'il y avait une amélioration. Il y a cinq ans, seulement 6% de ces états étaient exacts. Cependant, "nous manquons encore de transparence sur l'utilisation des fonds publics", a écrit l'auditeur général.

Des quelque 12,4 milliards de dollars (10 milliards d'euros) de dépenses courantes et d'investissement, seulement 3,45% ont été utilisés "de manière légale et efficace", conclut le rapport.

Certains organismes n'ont pas présenté du tout leurs états financiers, d'autres ont été incapables de justifier des transferts valant des millions d'euros, des retraits en espèces illégaux ou des doubles facturations "frauduleuses".

Le ministère de la Défense a été pointé du doigt pour l'acquisition de sept avions de l'armée de l'Air jordanienne pour 15 millions de dollars en 2007. Ces avions n'ont jamais fonctionné car défectueux, et sont maintenant utilisés en "pièces détachées", ont découvert en 2016 les auteurs du rapport.

Le même ministère a également payé cinq fois le prix du marché pour deux pelleteuses, et dépensé 8 millions de dollars pour des projets qui n'ont débouché sur rien et des équipements non utilisés.

- Des audits post mortem -

Le ministère de l'Intérieur, pour sa part, n'a pu justifier l'achat de 51.500 paires de chaussures, d'une valeur de 1,7 million de dollars. Ces chaussures étaient normalement destinées à des policiers, qui ne les ont jamais perçues et ont parfois dû se résoudre à en acheter eux-mêmes.

"Notre inquiétude, c'est que chaque année l'auditeur général prépare des rapports détaillant la perte de larges sommes d'argent et les présente au Parlement, mais on n'en fait jamais rien", a déploré dans un éditorial le quotidien Daily Nation.

En 2017, le Kenya est tombé en 143e position sur 180 dans le classement annuel de Transparency International sur la perception de la corruption dans le monde.

Le militant anticorruption John Githongo émet de forts doutes quant à la volonté du président Kenyatta de réellement s'attaquer à la corruption.

"L'élite kényane s'est créée sur le vol. C'est notre histoire. Pour arrêter le vol, il faudrait restructurer notre économie et notre politique", a-t-il déclaré à l'AFP.

"Que nous ayons toujours eu des auditeurs généraux qui font des audits, essentiellement post mortem, de ces vols à grande échelle est une excentricité intéressante de l'économie politique kényane", a-t-il ajouté.

M. Ouko a dû se battre pour rester en fonction. En 2017, un tribunal a bloqué une tentative par des parlementaires de le débarquer pour des faits présumés d'abus de pouvoir.

Son rapport met aussi en évidence la hausse de la dette publique, en raison du recours massif aux emprunts ces dernières années, qui commence à susciter l'inquiétude au Kenya.

L'agence de notation Moody's a abaissé en février de B1 à B2 la note de la dette kényane, estimant qu'elle pourrait passer de 41% du PIB en 2011-2012 à 61% en 2018-2019.



Par Fran BLANDY | AFP

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