Kousseri : Environ 50.000 déplacés dans la ville

Par Dieudonné Gaïbaï | Mutations
- 05-Feb-2008 - 08h30   59095                      
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Le chef lieu du Logone et Chari est envahi depuis hier par des Tchadiens qui fuient les combats.
Les rues de Kousseri hier soir sont engorgées. Difficile de se frayer un passage dans ces conditions. En face du snack " La terrasse ", jeunes et moins jeunes circulent dans un concert de klaxons de motos. Le spectacle à la frontière tchado camerounaise de Nguéli hier avait quelque chose d’inédit. Une file à n’en pas finir de ressortissants tchadiens, de diplomates, de personnes diverses installées dans la capitale tchadienne, traverse avec émotion, le fameux pont de Nguéli. Depuis trois heures du matin, les populations quittent N’Djamena pour se "réfugier au Cameroun". Hadja Djamla a le visage plissé. "J’ai conduit ma fille vers deux heures à l’hôpital de district de Nguéli. Elle a reçu une balle dans le dos et nous l’avons conduite pour voir le médecin". Sa fille Hadji Dagala, âgée de 16 ans, a donc été internée au service de chirurgie de l’hôpital de district. Il est neuf heures, Hadja Djamla qui habite le quartier Ndjare Dar es salam, est accompagné de ses enfants et espère rallier la frontière pour retrouver sa fille, dont elle précise que l’état de santé est satisfaisant. A cet instant, il est difficile de se frayer un chemin dans cette longue file qui semble interminable. Basile O. un cadre dans une entreprise tchadienne, rencontré au niveau des services de la douane de Nguéli au Tchad, raconte : " dans la nuit, j’ai reçu la visite à mon portail des personnes qui nous ont dit qu’il fallait évacuer la ville au plus vite. Parce que les rebelles allaient bombarder ce lundi. J’ai réuni ma famille et quelques effets essentiels. Nous sommes en route depuis quatre heures, mais nous n’avons pas encore pu arriver à Kousseri". L’adjudant Abdkar Massaou Mey, commandant la brigade fluviale de Nguéli, a une autre explication. "La capitale tchadienne a été totalement reprise par les forces gouvernementales. Il n’y a plus de rebelles à N’Djamena. Ils disent qu’ils ont fait un repli stratégique, mais il n’en est rien. Parce que justement les forces loyalistes les ont repoussé. Vous arrivez dans la capitale et vous vous retranchez. Ce n’est pas possible. Donc ce sont les "Colombiens" qui ont répandu le message que les rebelles vont attaquer demain." Les Colombiens étant considérés ici comme des badauds spécialisés dans les braquages et les vols. Combats Mais il reste que ce sont les tirs sporadiques hier lundi des rebelles qu’on dit concentrés dans certains quartiers de N’Djamena qui ont résolu de nombreuses familles à quitter la capitale N’Djamena. La radio nationale tchadienne étant hors circuit depuis le démarrage des combats, le pouvoir de N’Djamena n’a pu, à en croire les militaires postés dans les bureaux de N’Nguéli, sensibiliser les populations sur cet état de choses. Dans la nuit d’hier des avions et hélicoptères patrouillaient dans le ciel de N’Djamena. Toujours est-il qu’à pied pour la plupart, mais aussi à vélo, moto, voitures, pirogues et chevaux, ils ont jusqu’au moment où nous mettions sous presse traversé le pont Nguéli pour prendre refuge à Kousseri. Le long des axes qui mènent à Wallia, au Pont Chagoua ou au pont double voie que nous avons visité, ils sont en famille, bagages au dos ou sur la tête. R12, l’une des alimentations qui ravitaillait les populations au début des combats, est fermée. De même que le Lycée Sans frontière de Nguéli qui depuis jeudi n’est plus opérationnel. L’hôtel Shangaï de Walia qui abritait quelques familles qui croyaient avoir fui les combats en se positionnant dans le secteur contrôlé par les forces loyalistes s’est vidé de ses occupants. Non loin de là au pont Chagoua, un camion qui aurait été bombardé au cours des combats bloque la circulation. Les motos et autres véhicules ont de la peine à traverser l’ouvrage, créant un bouchon considérable. A près de 500m de là, le pont double voie du 10 octobre, est lui aussi bloqué. Un camion est tombé en panne au milieu de l’ouvrage, retardant ainsi les populations qui avaient hâte de quitter la capitale tchadienne. Les policiers tchadiens parviendront à rendre la circulation plus fluide. Migration Et pendant qu’en début de soirée un diplomate blessé et escorté par la Croix Rouge tente de se rendre au plus vite à l’hôpital de Kousseri, il meurt sur le pont. Au grand dam des membres de sa famille dans le même véhicule que lui. Ces nombreuses populations qui prennent ainsi d’assaut la ville de Kousseri sont estimées à près de cinquante mille. La Croix-rouge camerounaise qui organise l’entrée des déplacés est débordée. "Nous n’avons pas dormi de la nuit. Les flux sont importants", rapporte le secrétaire général du comité départemental, Gaïssou. Un tour dans les trois centres prévus pour abriter les déplacés qui n’ont pas encore le statut des réfugiés conformément aux conventions de Genève, a permis de se rendre compte de la promiscuité qui y règne. En même temps que se sont installés sous les arbres de nombreuses familles. Les perrons des vérandas des boutiques fermées ce jeudi servent d’abri, les trottoirs sont bondés de personnes qui ont de la peine à se trouver un logis. La disponibilité de l’eau et de la nourriture pour ces populations constituées à majorité de jeunes enfants et des femmes est une gageure. Les nombreuses réunions de crise qui se sont multipliés à la préfecture du Logone et Chari, sous la présidence d’Alain fritz Ndibi, n’ont pas permis de trouver jusqu’ici une solution au problème. Les responsables du Haut Commissariat des Réfugiés dont on annonçait la présence hier n’avaient pas au moment où nous mettions sous presse foulé le sol de Kousseri. Certes de nombreuses familles tchadiennes ont rejoint des proches qui résident à Kousseri, mais la situation est plus que jamais préoccupante pour les près de cinquante mille réfugiés abandonnés à la belle étoile. La mine des enfants de ces nombreuses familles est bouleversante et invite à une prise en charge rapide et immédiate. Des secouristes redoutent des épidémies et décès dans les jours à venir du fait des conditions d’accueil de ces déplacés.




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