Légitimité: Ces ministres qui se sont frottés aux urnes

Par Jackson Njiké | Repères
- 26-Jul-2007 - 08h30   53817                      
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Suivant l'exemple des grandes démocraties, des ministres en fonction se sont risqués au jeu du suffrage des populations. Avec, dans l'ensemble du pays, des fortunes diverses
Ce n'est pas à proprement parler une nouveauté, mais dans le landerneau politique camerounais, des ministres candidats au suffrage universel, cela relève encore plus de l'exception que de la règle. Au cours du double scrutin législatif et municipal qui vient de se dérouler, seuls cinq membres du gouvernement (ministres, ministres délégués et secrétaires d'Etat) sur la soixantaine que compte le pays étaient directement concernés par les différentes compétitions. Les tendances des résultats disponibles actuellement confirment ce que beaucoup pouvaient prévoir à l'avance : le ministre de la Santé M. Urbain Olanguéna Awono, tête de la liste RDPC, remporte avec 90,3% des suffrages la mairie de la commune rurale de Sa'a, dans le département de la Lékié. De même que la liste conduite par M. Zacharie Perevet, le ministre de l'Emploi et de la Formation professionnelle, remporte la mairie de Koza, dans le Mayo-Tsanaga. M. Njankouo Lamere, le ministre délégué aux Finances n'a pas quant à lui tenu tête à l'ogre Adamou Ndam Njoya, toujours impérial dans son fief de Foumban. Il a été battu par le président de l'UDC, qui a montré ainsi que les secousses qui ont traversé son parti il y a quelque temps ne l'ont pas véritablement ébranlé. Les deux autres membres du gouvernement qui se présentaient à ces élections conduisaient des listes pour le scrutin des législatives. La rupture en cours de législature entre le ministre Frédéric Augustin Kodock et ses colistiers de 2002, dont le très remuant Charly Gabriel Mbock, a fait le jeu de la liste RDPC, qui a raflé les trois sièges de députés du Nyong-et-Kellé. Le ministre d'Etat chargé de la Planification peut se consoler avec les trois à cinq mairies que le parti du crabe pourrait remporter dans le département. Dakolé Daïssala quant a lui a été battu dans la circonscription électorale du Mayo-Kani Sud aux législatives, dans la province de l'Extrême Nord par le candidat RDPC. L'actuel ministre des Transports remporterait cependant ci et là des mairies et des sièges de conseillers municipaux dans son fief électoral de l'Extrême-Nord (Touloum, Dziguilao, Tchatibali, Kalfou, Guidiguis). Le cas de M. Maïgari Bello Bouba, ministre d'Etat en charge des Postes et Télécommunications et président de l'UNDP n'entre pas totalement dans le même registre que ses camarades du gouvernement. Sans être candidat, il s'est lancé avec une énergie qu'on ne lui soupçonnait plus dans la campagne électorale, avec des résultats qui seraient, d'après les tendances actuellement disponibles, meilleurs que ceux de 2002. L'UNDP serait ainsi assuré d'avoir au moins quatre sièges à l'Assemblée (un de plus que lors du dernier scrutin) et aurait remporté un nombre appréciable de mairies dans le Grand-Nord et des sièges de conseillers municipaux dans le reste du pays, notamment dans la province de l'Est que Bello Bouba a ratissé. Le président de l'ANDP, Hamadou Moustapha quant à lui disposerait de quelques sièges de conseillers municiapaux. Pour le reste, des anciens ministres fraîchement débarqués de leurs postes font une entrée remarquée dans l'hémicycle de Ngoa-et-Kellé. Mention spéciale à l'ancien ministre d'Etat Lékéné Donfack Etienne dont la liste a raflé les cinq sièges du département de la Ménoua, entraînant ainsi dans la foulée la perte de la stratégique mairie de Dschang par le SDF. L'ancien ministre des Travaux publics, Dieudonné Ambassa Zang arrive également à l'Assemblée avec l'écharpe de député de la Mefou-et-Afamba. Quelle interprétation ? Les exégètes de la parole présidentielle sont unanimes sur le fait que les mots prononcés par M. Paul Biya, lors de ses sorties, même quand ils sont dits avec une apparente spontanéité, ne relèvent jamais du hasard. Ainsi, quand le chef de l'Etat déclare après son vote au micro de la CRTV que " nous sommes entrès dans un processus démocratique durable. Et que, maintenant et à l'avenir, les dirigeants seront toujours choisis suivant le même processus ", on peut conclure en effet à une volonté du chef de l'Etat de faire davantage confiance pour certaines fonctions de responsabilité à ses compatriotes pouvant se targuer d'un début de légitimité. Cela resterait également en cohérence avec ses actes précédents, puisqu'il avait renvoyé le ministre Joseph Mboui de son gouvernement en 1992, après que celui-ci eût perdu la bataille des législatives dans la Sanaga-Maritime. De même que l'actuel ministre de la communication Njoh Mouellé, qui avait perdu son poste de secrétaire général du RDPC en 1992 après sa défaite aux législatives dans le Nkam avait dû conquérir cinq ans plus tard ledit siège de député pour retrouver un début de grâce aux yeux du chef de l'Etat.




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