Nécrologie: Andze Tsoungui quitte la scène

Par Alain B. Batongué | Mutations
- 10-Apr-2007 - 08h30   88627                      
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L’ancien vice Premier ministre chargé de l’Administration territoriale est décédé hier à Bruxelles à 77 ans.
En ce mois de mars 1997, au moment où se préparent les élections législatives et où, dans le Mfoundi, les luttes de positionnement font rage, un incroyable bras de fer s’engage entre Emah Basile, alors délégué du gouvernement auprès de la Communauté urbaine de Yaoundé, et Gilbert Andze Tsoungui, vice Premier ministre chargé de l’Administration territoriale. Chacun compte ses alliés et les coups pleuvent, parfois en dessous de la ceinture. Gilbert Andze Tsoungui, à qui on demande comment réagir devant la défiance de Basile Emah, présenté comme le patron de la ville de Yaoundé, répond : " C’est un collaborateur extérieur de 3e niveau qui reçoit ses instructions du préfet du Mfoundi.
Il n’y a pas de lutte possible entre lui et moi". Ce à quoi l’édile de Yaoundé, loin de se démonter, rétorquera avec une rare perfidie : " La notabilité ne s’obtient pas par décret ". Ce bras de fer connut un épilogue avec les opérations de renouvellement des organes de base et l’organisation des primaires dans le Mfoundi où, après moult tractations, Emile Andze, fils de l’autre et pressenti par son père pour jouer les premiers rôles, sentira le vent tourner et ira faire des excuses publiques au patriarche d’Etetak pour sauver sa carrière politique qui démarrait à peine. Il sera ainsi intégré dans la liste parrainée par Emah Basile, puis élu plus tard député et maire de Yaoundé 1er. Des "bagarres" comme celle-ci, Gilbert Andze Tsoungui en a livré des centaines tout au long de sa riche carrière dans la hiérarchie politico- administrative, avec pour point culminant, entre 1992 et 1997, la prestigieuse fonction de vice Premier ministre chargé de l’Administration territoriale. Un passage en grade de haute voltige qui récompensait le baron de Nkolondom (du nom de la localité où il né et où est situé son domicile familial à la sortie ouest de la capitale) à qui Paul Biya devait une fière chandelle pour avoir sauver le régime grâce à la "chirurgie électorale" opérée par le "père Andze" et avalisé par la Cour suprême. Un attelage qui permit à Paul Biya de devancer d’une tête le bouillant chairman du Sdf, Ni John Fru Ndi. Passant ainsi de simple ministre à vice Premier ministre, considéré par plusieurs observateurs comme le véritable numéro 2 du régime, juste après Paul Biya et bien avant ses deux Premiers ministres successifs que furent Simon Achidi Achu et Peter Mafany Musongè, Gilbert Andze Tsoungui, qui n’avait pas oublié sa période de galère après les péripéties du coup d’Etat manqué du 06 avril 2004 (il était alors ministre chargé des Forces armées), a sans doute voulu engager trop de combats, et s’est impliqué, directement où par ses fils dans beaucoup d’affaires foireuses. Comme la faillite du Crédit agricole, banque créée pour financer les projets du monde agricole et dont il était le président du Conseil d’administration, qui ferma boutique du fait de multiples crédits contractés par ses propres enfants et quelques proches. Crédit agricole Ceux qui osèrent s’attaquer à ses intérêts en eurent pour leurs frais. C’est le cas des journaux qui, ouvertement, indiquèrent sa responsabilité et celle de sa famille dans la faillite du Crédit agricole. Mutations, à peine un an d’existence en ce mois de juin 1997, écopa d’une "interdiction sur toute l’étendue du territoire" pour avoir indiqué que les élections législatives de mai n’étaient pas transparentes et que dans le pays rien ne pouvait s’obtenir par les urnes. Raison officielle parfaite, même s’il savait que les origines de la sanction étaient bien plus lointaines. L’histoire, à travers le courage de la justice, allait se corriger d’elle-même et le journal allait survivre à d’autres actes d’intimidation du vice Pm, jusqu’à sa sortie surprise du gouvernement le 07 décembre 1997. Mais on aurait tort de ne considérer Gilbert Andze Tsoungui que sous ces angles en réalité peu flatteurs. Parce que l’homme, sportif invétéré, toujours élégamment vêtu et ayant gardé le sens du raffinement jusqu’au soir de sa vie, aura marqué plusieurs générations de fonctionnaires par son exceptionnelle longévité. Il suffit, pour s’en convaincre, de remarquer qu’au moment où le pays obtient son indépendance en 1960, Gilbert Andze Tsoungui est préfet de la Boumba et Ngoko, après avoir déjà servi dans la préfectorale comme adjoint au Chef de Subdivision de Nanga-Eboko, adjoint au Chef de la Région du Wouri à Douala et sous-préfet et Maire de Lolodorf. Gilbert Andze Tsoungui est donc décédé hier à Bruxelles, où il avait été interné depuis de longs mois, alors que la rumeur de sa mort avait régulièrement parcouru les chaumières et villas cossues de la capitale au moins depuis le mois de décembre dernier. Mais à 77 ans déclarés officiellement (il est né vers 1930), le baron de Nkolondom aura eu une vie mouvementée et globalement bien conservée. Ayant été tout au long de sa carrière ministre dans sept départements ministériels différents (en plus des autres responsabilités majeures comme Délégué général à la sûreté nationale), il aura d’une certaine manière pris une revanche sur un parcours scolaire des plus moyens où, après des études primaires à la mission catholique d’Etoudi, il n’obtint son Bepc qu’à 20 ans, au collège moderne de Yaoundé qui allait devenir plus tard le Lycée général leclerc. Le Parrain Ces dernières années, peu avant que la maladie ne l’éloigne de la vie active, il n’était pas rare de voir sa mine épanouie et son pas resté leste à une cérémonie d’enterrement d’un membre plus ou moins proche de sa famille, au mariage de l’enfant d’un ami et lors des offices religieux du dimanche à la Cathédrale Notre-Dame des Victoires de Yaoundé. Il confiait alors qu’il n’avait pas définitivement quitté les cercles du pouvoir. Ce qui allait se confirmer par son retour aux affaires, au Conseil supérieur de la magistrature où il fut appelé par Paul Biya en 2005, plus d’un quart de siècle après avoir été chef du département de la Justice. Plutôt chef de famille à la manière traditionnelle un peu comme Al Pacino dans Le Parrain de Francis Ford Coppola, Gilbert Andze Tsoungui a gardé un œil sur le fonctionnement de ses enfants qui ont ainsi eu du mal à s’émanciper d’une omniprésence parentale. Toute la famille vivait dans la grande concession familiale et c’est à peine si les repas ne devaient pas être partagés au même moment pour tous. Huit enfants obtenus de la même épouse, qui eurent la particularité d’être tous des garçons, ce qui, de l’avis de quelques proches, lui avait laissé une pointe de regret, de n’avoir pas eu l’occasion de choyer une fille. Il n’y a pas de bonheur parfait… Repères Gouvernement du 19-09-1996 Vice-Premier Ministre Gouvernement du 27-11-1992 Vice-Premier Ministre, Administration territoriale Gouvernement du 26-04-1991 Ministre Administration territoriale Gouvernement du 07-12-1990 Ministre Administration territoriale Gouvernement du 04-02-1984 Ministre d'Etat Forces armées Gouvernement du 22-08-1983 Ministre d'Etat Forces armées Gouvernement du 18-06-1983 Ministère d'Etat Agriculture Gouvernement du 13-04-1983 Ministre Justice Gouvernement du 07-07-1980 Ministre Justice Gouvernement du 02-05-1978 Ministre Justice Gouvernement du 30-06-1975 Ministre Agriculture Gouvernement du 03-07-1972 Inspecteur général de l’Etat DISTINCTIONS HONORIFIQUES - Chevalier de l'Ordre de la Valeur en 1962 ; - Officier de l'Ordre de la Valeur en 1965 ; - Officier de la Valeur Tunisienne en 1967 ; - Commandeur de l'Ordre de la Valeur en 1969 ; - Grand Officier de l'Ordre de la Valeur en 1975.




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