Pénurie d’eau: Le château d’eau du Cameroun a soif

Par | Le Messager
- 24-Mar-2008 - 08h30   56624                      
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Malgré son potentiel, l’Adamaoua n’est pas à l’abri des problèmes d’eau.
Tous les grands cours d’eau du Cameroun prennent leurs sources dans l’Adamaoua. C’est à ce titre que cette province est qualifiée de château d’eau du pays. Des générations entières ont appris cette leçon au cycle d’enseignement primaire. A priori, cela fait de cette partie du Cameroun une source d’eau inépuisable. Du haut de son plateau, l’Adamaoua irriguerait le reste du triangle national. Pourtant, à l’observation, charité bien ordonnée ne commence pas par soi-même. Loin s’en faut. Autant en milieu urbain que rural, l’eau n’est pas la denrée la mieux partagée dans l’Adamaoua. Il n’est pas rare de voir, en plein centre ville de Ngaoundéré, des jeunes gens traîner de gros contenants sur de longues distances à la recherche du précieux liquide. "Je vais souvent m’approvisionner au quartier Joli soir, car ici on ne trouve pratiquement pas de robinets. L’eau des puits n’est pas potable", avoue Aboubakar, habitant au quartier Bamyanga. Selon des informations puisées à bonne source, entre 2000 et 2007, l’ex-Société nationale des eaux du Cameroun (Snec), avec le soutien des partenaires au développement, a créé plus de 200 forages. Si l’on se fie au rapport produit par la mission chargée des consultations participatives en vue de la révision du document de stratégie de réduction de la pauvreté (Dsrp), le programme d’hydraulique rurale a abouti à la réalisation de 125 forages équipés de pompes manuelles dans le seul département de la Vina. L’ensemble de ces réalisations a coûté un peu plus d’un milliard de Fcfa. Nombreux sont pourtant les habitants de cette unité administrative qui cherchent des yeux ces investissements annoncés en grande pompe. Chercher un forage dans certains coins n’est pas différent de la quête d’un oasis en plein désert. Avec l’accroissement démographique, la consommation en eau a pratiquement doublé, fait-on savoir. Maladies hydriques Le nombre d’abonnés à l’ex-Snec est passé de 1000 à plus de 5000 aujourd’hui. En outre, sur près de 30 stations de traitement d’eau de cette entreprise disséminés dans la province de l’Adamaoua, très peu fonctionnent encore à plein régime du fait de leur obsolescence. Le long processus de privatisation de la Snec a empiré la situation. Au delà de l’accès à l’eau chez "le (présumé) distributeur par excellence de l’eau au Cameroun", des voix s’élèvent pour parler des problèmes de gestion et de qualité de cette ressource. Si l’eau est trouvée facilement à quelques mètres sous terre, elle n’est toujours pas incolore, inodore, sans saveur et agréable à consommer. Entre l’eau de la Snec et celle des forages, beaucoup préfèrent la seconde. "L’eau de la Snec donne souvent l’amibiase ou la typhoïde lorsqu’on ne la filtre pas. C’est plus grave lorsqu’il y a coupure, parce que lorsque la situation est rétablie, c’est la boue qu’on boit", fulmine Pauline N., enseignante à Ngaoundéré. S’agissant de la gestion de cette denrée, il apparaît que la minorité qui en dispose la dilapide. Sous ce rapport, des hydrologues ont débattu de la question de l’assainissement, fil conducteur de la l’édition 2008 de la journée internationale de l’eau. A Ngaoundéré, l’on ne dispose d’aucun service de traitement des eaux usées. La station d’épuration de Dang est à l’arrêt depuis près de dix ans. Or, l’on peut faire face à la pénurie d’eau en recyclant la précieuse denrée. Des associations à l’instar de Synergie jeunesse et développement (Syjede) entreprennent depuis quelques années de sensibiliser les populations de l’Adamaoua à l’utilisation rationnelle de l’eau. La prochaine journée mondiale consacrée à l’eau donnera peut être l’occasion à province château d’eau du Cameroun d’étancher sa soif. Georges Alain BOYOMO

Samuel Fouma Moamissoal: “ L’eau n’est pas disponible partout à tout moment ”

Le délégué provincial de l’Eau et de l’énergie de l’Adamaoua parle des problèmes d’eau et d’assainissement dans sa circonscription de compétence. Quelle signification revêt le thème cette édition de la Journée mondiale de l’eau ? Le thème de cette année porte sur l’assainissement. L’assainissement, c’est l’action d’assainir, de rendre sain, propre à la santé. Le thème de cette année vise donc à sensibiliser les populations aux problèmes d’assainissement. L’on parle beaucoup d’eau potable, mais très peu d’assainissement. Pourtant les deux notions sont intimement liées. Dans la province de l’Adamaoua, comment se manifeste le problème d’assainissement ? L’assainissement comporte plusieurs facettes. L’on peut citer les problèmes d’évacuation des déchets solides, des eaux usées ou des eaux pluviales. Tout cela fait partie de l’assainissement. Comme je l’ai noté, c’est un domaine négligé, c’est le parent pauvre dans les pays en voie de développement. L’assainissement nécessite beaucoup de moyens. Le peu de moyens dont disposent ces pays sont orientés vers l’alimentation des ménages en eau potable. Cela dit, durant la semaine de l’eau, nous nous sommes rendus du côté de l’Université de Ngaoundéré visiter la station d’épuration de cette institution. Qui ne fonctionne malheureusement plus. Les eaux usées de l’Université sont dès lors déversées dans le lac de Dang. Il en résulte un sérieux problème d’environnement. Nous espérons que les autorités ne cette institution vont remédier à cette situation. Il faut qu’elles fassent épurer et traiter ces eaux avant de les déverser dans le lac. Nous avons aussi la situation des cours d’eau de la ville. Ils sont pour la plupart très pollués. Les populations y déversent des ordures ménagères. Le thème de l’an dernier était "faire face à la pénurie d’eau". Est-ce qu’une évaluation de cette thématique a été faite ici dans l’Adamaoua ? Ce thème était également très important. Car d’aucuns pensent que nous disposons d’une quantité inépuisable d’eau. Nous avons tiré sur la sonnette d’alarme. Dans l’Adamaoua, nous avons affaire aux problèmes de désertification et de tarissement des cours d’eau. Dans le château d’eau du Cameroun, les populations n’ont pas facilement accès à l’eau. Les suspensions de fourniture d’eau sont récurrentes… Ces situations de coupures d’eau sont dues en général à des pannes de circuit électrique ou à un arrêt volontaire de fonctionnement de la station pour des travaux de nettoyage. Mais ce n’est pas parce qu’il y a pénurie d’eau. Selon vous, l’eau est donc disponible sur toute l’étendue de l’Adamaoua ? L’eau n’est pas disponible sur toute l’étendue de la province. En zone rurale, l’on approvisionne les populations grâce aux puits et aux forages. Les populations peuvent manquer d’eau parce qu’il n’ y pas ce genre d’installation dans leurs villages. Ou parce qu’elles sont en panne. La demande en ce type d’infrastructures est énorme. En clair, l’eau n’est pas disponible à tout moment partout. Alors, l’Adamaoua mérite t-elle toujours le titre de château d’eau du Cameroun ? Absolument. Car toutes les grandes rivières qui alimentent le Cameroun partent de l’Adamaoua. Tous les grands cours d’eau qui déferlent vers le sud du pays prennent leurs sources dans cette province. De par ses capacités, l’Adamaoua alimente d’autres provinces. En construisant des barrages de réservoir d’eau, il est clair que cette province peut alimenter tout le Cameroun. L’alimentation en eau potable, c’est un problème d’infrastructure à construire. Il faut des moyens pour multiplier les infrastructures en matière d’eau. Il se dit aussi que l’eau consommée dans l’Adamaoua n’est pas de bonne qualité ? Dans les villages, nous captons de nappes profondes pour les forages. L’eau située en profondeur est réputée de bonne qualité. N’empêche que nous faisons des analyses bactériologiques pour nous rassurer que l’eu que nous mettons à la disposition des populations est potable. Même l’eau de la Snec est traitée et contrôlée. Il y a malheureusement des populations qui se ravitaillent dans des mares et des eaux de ruissellement. Elles sont bien évidemment exposées à des maladies de tout genre. Est-ce que le passage de la Snec à la Camwater va améliorer la situation ? J’en suis persuadé. Vous savez, la Snec a montré ses limites. L’Etat a pris des mesures pour choisir un opérateur qui, j’espère, sera plus performant. De toutes façons, nous fondons beaucoup d’espoir sur cette nouvelle structure. Il ne faut pas qu’on soit déçu. Georges Alain BOYOMO




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