Présidence de la République: Biya choisit l’opacité

Par Jean François CHANNON | Le Messager
- 16-Jan-2009 - 08h30   52427                      
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Le chef de l’Etat gère depuis toujours le pays sans communication fiable avec le peuple, et sans tenir compte de l’opinion publique.
C’est grâce à l’information sur la menace de suspension de l’aide de l’Union européenne au Cameroun pour la mise en place d’Elecam qu’on a enregistré une réaction du gouvernement camerounais. Et de quelle manière ? En terme de démenti. En fait, il s’agit d’un ensemble de chambardements débités par le ministre délégué auprès du ministère des Relations extérieures, chargé de relations avec le Commonwealth, Dion Ngute, qui voulait absolument démontrer que “ le Club des Gentlemen ” n’a (encore) pris aucune décision concernant le Cameroun pour ce qui est d’Elecam. Soit ! Il a donc fallu qu’une information “ erronée ” soit publiée par les médias pour qu’on entende enfin geindre un membre du gouvernement camerounais… Depuis que la nomination des membres du Conseil électoral d’Elecam, du directeur général et du directeur général adjoint de cette structure a pratiquement ému l’opinion nationale et internationale, ne serait-ce que pour son caractère “ d’inélégance politique ”, pour reprendre une expression de Dr Eric Mathias Nguini Owona, Paul Biya n’a pas cru bon de s’expliquer, ou de faire expliquer sa démarche comme on le voit dans tous les pays du monde qui se veulent sérieux. Aucun communiqué de la présidence de la République, ni du gouvernement. Mais au fait, qui est même le porte-parole de la présidence de la République du Cameroun, vers qui les hommes des médias pourraient aller, comme dans tous les pays qui se veulent démocratiques, pour obtenir des précisions sur un décret, une décision et tout autre acte du chef de l’Etat ? Mais qui est donc le porte-parole du gouvernement camerounais, à qui on pourrait s’adresser pour comprendre la manière donc travaillent nos ministres ? Ces questions n’ont aucune réponse au Cameroun. On pourrait se les poser aussi pour ce qui est des institutions républicaines comme l’Assemblée nationale, la Justice, et de toutes les administrations camerounaises. L’on n’obtiendra pas de réponses. Opacité On se retrouve donc dans une situation où l’opinion publique camerounaise, que les médias ont le devoir d’informer et de former, est complètement désorientée par le manque d’informations officielles. Tout est géré dans l’opacité, comme l’explique un socio-politologue de l’Université de Yaoundé I approché par Le Messager : “ Si l’on fait un sondage, en posant par exemple la question suivante aux citoyens camerounais de toutes les catégories, pourquoi est-ce que les anciens membres du gouvernement tels que Jean Marie Atangana Mebara, Abah Abah Polycarpe, ou encore Urbain Olanguena sont-ils aujourd’hui en prison? Les gens simples des quartiers et des villages vous répondront que c’est parce qu’ils ont volé ou alors détourné l’argent public. Par contre ceux qui semblent connaître le sérail politique camerounais vous diront que, c’est parce qu’ils voulaient faire un coup d’Etat au Cameroun. Non seulement les premiers seront incapables de vous dire comment ils ont volé ou détourné l’argent public en question, mais aussi les seconds ne décrypteront pas du tout quel était le processus de ce coup d’Etat mis en place par ces anciens ministres. Ceci montre bien qu’il n’y a pas du tout de communication officielle dans les règles de l’art qui pourrait faire comprendre à l’opinion publique ce qui se passe dans ces différentes affaires, c’est aussi le cas, de manière générale, autour de ce qu’on appelle de nos jours l’Opération Epervier. En réalité ceux qui gèrent le pays préfèrent donc laisser courir toutes sortes de rumeurs… ” Le phénomène est donc constant. Il y a eu des attaques de bandits de grands chemins à Limbe. Jusqu’à ce jour, personne dans l’opinion publique camerounaise ne sait exactement ce qui s’est passé. Le ministre délégué à la présidence chargé de la Défense a donné une vague explication dans les médias d’Etat. Il s’est aussi adressé aux députés. Mais sans convaincre la masse du peuple qui, jusque-là, n’a eu que les échos ineffables de ces différentes sorties du Mindel. Et puis, de manière structurelle, au ministère de la Défense on ne communique pas du tout. Le ministre de la Communication, Jean Pierre Biyiti Bi Essam, au cours d’une de ses sorties (généralement intempestives et maladroites), n’a-t-il pas demandé aux journalistes de la presse nationale de ne pas s’intéresser dans leur travail quotidien à l’armée “ la grande muette ” ? En fait, toute cette attitude vient du sommet de l’Etat. Un important ministre de la République encore en fonction fait ce témoignage : “ Il faut toujours faire attention lorsqu’on est au gouvernement en matière de communication publique. Le ministre applique la politique du chef de l’Etat. Il est en fait un technicien de cette politique. Si vous communiquez au public ce que vous faites, et vous devenez populaire, le chef de l’Etat et son entourage vont se dire, mais qu’est ce qu’il cherche ? Il veut se présenter à la place du patron ? Et bien d’autres questions intrigantes. Quand on est au gouvernement, on ne communique que lorsque le président de la République vous donne l’ordre. Car, c’est lui seul qui contrôle l’opinion publique. Et sait par conséquent où il veut mener le peuple ”.




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