Présidentielle: les Tunisiens tranchent après des semaines d'incertitude

Par Agence France Presse | AFP
Tunis - 15-Sep-2019 - 14h00   2084                      
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Une Tunisienne dépose son bullettin de vote pour l'élection présidentielle dans un bureau de La Marsa, dans la banlie AFP/Fethi Belaid
Les Tunisiens ont commencé à voter dimanche pour une élection présidentielle à suspense, un scrutin sur fond de fortes attentes sociales et économiques, dans un contexte de rejet de la classe

Les Tunisiens ont commencé à voter dimanche pour une élection présidentielle à suspense, un scrutin sur fond de fortes attentes sociales et économiques, dans un contexte de rejet de la classe politique aux manettes depuis la révolution de 2011.

Avant même l'ouverture des bureaux de vote à 08H00 locales (07H00 GMT), des dizaines de personnes patientaient devant les bureaux de vote, ont constaté des journalistes de l'AFP.

Beaucoup d'adultes et de personnes âgées. "Les jeunes font la grasse matinée", ironisait un internaute.

Tunisie (c) AFP/Archives/Omar KAMAL

Jusqu'au dernier moment, de nombreux électeurs se montraient indécis: "Je n'ai aucune idée encore du candidat pour lequel je vais voter, mais je suis venue ici car c'est mon droit", a souligné Rabah Hamdi, 60 ans, arrivée dans les premiers pour voter dans le centre de Tunis.

Une myriade de candidats, des familles politiques éclatées, pas de clivage politique clair: rarement une élection aura été aussi incertaine dans le pays pionnier du Printemps arabe.

Le Premier ministre tunisien et candidat à la présidentielle Youssef Chahed dépose son bulletin de vote dans un burea (c) AFP/Fethi Belaid

Parmi les 26 prétendants, un Premier ministre au bilan contesté --Youssef Chahed--, un magnat des médias poursuivi pour blanchiment d'argent et incarcéré --Nabil Karoui--, ou encore le premier candidat du parti d'inspiration islamiste Ennahdha, Abdelfattah Mourou.

A la dernière minute vendredi soir, deux candidats de second plan ont annoncé leur désistement, un acte politique qui n'annule pas leur candidature. Ils ont appelé à voter pour le ministre de la Défense Abdelkarim Zbidi, un technocrate précipité sur le devant de la scène par le président Béji Caïd Essebsi, peu avant sa mort en juillet.

D'autres candidats, comme Nabil Karoui ou l'universitaire indépendant Kaïs Saied, se sont présentés "antisystème". Une façon de se distinguer d'une élite politique discréditée par des luttes de pouvoir féroces.

Nabil Karoui à Tunis le 2 août 2019 (c) AFP/Archives/Hasna

Les paris sont restés totalement ouverts jusqu'à la dernière minute, alimentés par des sondages circulant sous le manteau car leur publication est interdite depuis juillet.

"Nous sommes fiers de ce grand événement, le monde nous regarde, ce soir ou demain la Tunisie sera entre de bonnes mains", a déclaré M. Chahed après avoir voté.

- "Test" -

Les Tunisiens sont avant tout préoccupés par la crise sociale dans un pays sous perfusion du Fonds monétaire international (FMI), où le chômage ronge les rêves de nombreux jeunes, et où le coût de la vie a augmenté de 30% depuis 2016, alimenté par une inflation frôlant les 7%.

M. Chahed est handicapé par le bilan controversé de ses trois années au pouvoir, marquées par une nette amélioration de la sécurité mais une dégradation du pouvoir d'achat des Tunisiens.

Le candidat du mouvement islamiste Ennahdha Abdelfattah Mourou salue la foule après avoir voté lors de l'élection pr (c) AFP/Fethi Belaid

Face à lui, Nabil Karoui a gagné en popularité ces dernières années en organisant des distributions de nourriture et d'électroménager médiatisées par la chaîne de télévision qu'il a fondée, Nessma.

Ses détracteurs voient en lui un homme sans scrupules s'inspirant de l'ancien Premier ministre italien Silvio Berlusconi. Ses partisans soulignent qu'il a sillonné la Tunisie défavorisée comme aucun dirigeant politique avant lui.

Sous le coup d'une enquête pour blanchiment et évasion fiscale depuis 2017, il a été arrêté dix jours avant le début de la campagne électorale, et accuse depuis le pouvoir d'avoir instrumentalisé la justice pour l'écarter de la course.

Les différents camps sont à couteaux tirés, ce qui accentue les risques de déraillement du processus électoral, a averti Michael Ayari, analyste au centre de réflexion International Crisis Group (ICG).

Ce scrutin est un "test" pour la jeune démocratie tunisienne car il "pourrait nécessiter d'accepter la victoire d'un candidat clivant", a souligné la chercheuse Isabelle Werenfels.

- "Aventures mirobolantes"-

"La Tunisie ne sera pas sauvée ni ne va sombrer", tempère l'éditorialiste Zied Krichen. "Les Tunisiens ont expérimenté l'islamisme, les centristes, peut être vont-ils expérimenter d'autres aventures mirobolantes, un peu inquiétantes, mais je pense qu'(...) il y aura toujours de la résistance".

Les 13.000 bureaux de vote doivent rester ouverts jusqu'à 18H00 (17H00 GMT), sauf pour 250 d'entre eux, à la frontière algérienne et dans le bassin minier de l'intérieur du pays, qui fermeront dès 16h. Environ 70.000 membres des forces de sécurité sont mobilisés, selon le ministère de l'Intérieur. Et des milliers d'observateurs ont été déployés par les partis et des institutions internationales dans les bureaux de vote.

Des estimations et sondages sont attendus dans la nuit de dimanche à lundi, mais les résultats préliminaires ne seront annoncés que mardi par l'instance chargée des élections (Isie).

A moins qu'un candidat n'obtienne la majorité absolue dès le premier tour, les partis seront ensuite face au défi de préparer simultanément les législatives du 6 octobre et le second tour de la présidentielle, qui devrait se tenir d'ici le 23 octobre.



Par Caroline Nelly PERROT | AFP

Auteur:
Agence France Presse
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