Scandale: Mgr Victor Tonye Bakot vend un immeuble de l'Eglise

Par Marie Robert Eloundou | Repères
- 29-Apr-2010 - 08h30   58484                      
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L'archevêque métropolitain a discrètement cédé un édifice situé au cœur du centre d'affaires de Yaoundé à 450 millions de FCFA
C’est une déflagration qui secoue actuellement certains cercles religieux et laïcs de l'archidiocèse de Yaoundé. Mgr Victor Tonye Bakot, archevêque métropolitain a, le 8 janvier 2010, procédé à la vente d'un immeuble de son diocèse. Le bâtiment, objet de la transaction, fait partie du conglomérat d'immeubles qui constituent le centre d'affaires de l'avenue Kennedy, au cœur de Yaoundé. Situé dans une zone où le moindre mètre carré d'immobilier est très convoité et vendu à prix d'or, l'immeuble de l'archidiocèse de Yaoundé, en proie à d'énormes difficultés financières, constituait depuis des années une cible privilégiée. Par exemple, Chanas assurance, une compagnie d'assurance basée à Douala, s'était distinguée à un certain moment dans la marée des prétendants par une sérieuse offre d'achat à l'archidiocèse de Yaoundé avant de se rétracter. Finalement, c'est M. Hamadjoda Tallah, présenté comme un richissime homme d'affaires, qui rafle la mise. La transaction a été rondement menée à l'étude de Me Madeleine Asso'o Ngono, notaire à Yaoundé. Le 08 janvier 2010, les négociations entre Mgr Victor Tonye Bakot et M. Hamadjoda Tallah ont abouti au payement d'une somme de 515 millions de FCFA. De ce montant, seulement 450 millions ont atterri dans un compte, dont nous n'avons pu obtenir l'identité du propriétaire, logé à Afriland first bank. Sur la destination prise par les autres 50 millions FCFA, de fil à aiguille, l'on apprend que cet argent a servi au paiement des commissions de deux intermédiaires, MM. Paul Mvondo et Jean Pierre Mezele, notaire à Monatélé. Si le dossier dans l'ensemble baigne dans un épais mystère, le montant de la transaction l'est davantage. En effet, le prix de vente varie selon les sources. Tandis que le dossier fiscal indique que l'immeuble a été vendu à 450 millions de F CFA, des sources introduites à un niveau élevé de l'archevêché de Yaoundé estiment plutôt le prix de vente à 1 000 145 000 F CFA. Le dernier montant est en réalité plus proche de la valeur réelle de l'immeuble. Mais l'opération est qualifiée de «braderie» par certains barons du département du Mfoundi, qui pensent que l'édifice, au regard de son emplacement en pleine avenue commerçante du centre urbain de Yaoundé, est tout simplement invendable. Les mêmes qui, au sein du Conseil diocésain pour les affaires économiques et financières,??? et aux avis souvent ignorés, se disent offusqués par l'opacité qui entoure la gestion du prélat sur ce dossier. Bâti sur une superficie totale de 1607 m2, le bâtiment ayant changé de propriétaire depuis le 08 janvier 2010, occupe le lot N°222, objet du titre fonder N°221 du département du Nyong et Sanaga. L'édifice, qui a dû subir des métamorphoses au fil des ans, a autrefois servi d'entrepôt à un exportateur français du nom d'Albert Antoine Ramel. Le 17 octobre 1964, la procure des missions, qui fait office de trésorerie de l'archidiocèse de Yaoundé, avait déboursé un peu plus de 28 millions de F CFA Pour acquérir le bien auprès de l'homme d'affaires français. Depuis lors, le bâtiment a été affecté à une exploitation commerciale. L'archidiocèse de Yaoundé y a ainsi logé comme locataires parmi les plus en vue le Pmuc ou encore la Cicam. A la procure des missions de Yaoundé, l'on évalue les recettes mensuelles tirées des baux de cet immeuble à 3 millions de FCFA. Au lendemain de la transaction, le nouveau propriétaire a, sans attendre, entrepris de déguerpir les occupants des lieux. Invitant les plus veinards à lui verser désormais les frais de loyer en attendant de libérer les locaux. Mais les choses vont se corser pour le nouveau propriétaire qui rêvait sans doute d'une entrée en jouissance paisible. Les locataires, pressés à la fois par M. Hamadjoda Tallah et la procure des missions qui, pas du tout au fait de la transaction opérée par Mgr Victor Tonye Bakot, a continué à réclamer le payement des loyers, ont dû se résoudre à saisir la justice. M. Bellenis, propriétaire de la société G. Faula, a ainsi signifié par voie d'huissier de justice à l'archevêque de Yaoundé un arrêt de transaction. L'intéressé réclame un droit de prééminence du fait de ses quarante années de location dans l'immeuble. La transaction a été menée de bout en bout dans la discrétion. La procure des missions, qui généralement se retrouve trempée au centre des opérations financières de cette envergure, n'a pas été associée. Quid de certains proches collaborateurs de l'archevêque qui avouent leur méconnaissance du dossier. Les instances consultatives que sont le Conseil diocésain des affaires économiques et financières et le collège des consulteurs n'en savent pas non plus grand-chose de cette transaction. Cette transaction, de l’avis de certains spécialistes des relations avec le Vatican, n'aurait jamais dû avoir lieu. Selon le droit canon 12, 73, le «Pontife Souverain est le suprême gestionnaire de tous les biens appartenant à l'Eglise catholique romaine.» «Pour aliéner un bien temporel de l'Eglise, l'évêque doit avoir la permission de Rome», enfonce une source à la nonciature. La même qui affirme que la réaction du Vatican est inéluctable. En d'autres termes, l'immeuble vendu de l'avenue Kennedy, comme tous les autres biens de l'Eglise catholique qui est au Cameroun, est une propriété du Saint-Siège. Pour l'instant, Mgr Victor Tonye Bakot affronte la houle sans sourciller. La sollicitation adressée au prélat pour infirmer ou confirmer certaines informations relatives à ce dossier est restée lettre morte. Alors que déjà, de plus en plus de voix s'élèvent pour critiquer ses choix et ses méthodes, des «affrontements» entre l'archevêque de Yaoundé et des groupes de pression ne sont pas à exclure. Les forces vives du département du Mfoundi promettent bien sûr de s'opposer à la vente. Mais aucune personnalité n'ose franchir le Rubicon jusqu'ici, préférant manifester le courroux sous anonymat. Les fidèles de la capitale sont dans l'attente d'une réaction du Conseil des affaires économiques et financières, coiffé par l'un des leurs, M. André Marna Fouda, ministre de la Santé publique.




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