Cameroun – Plaidoyer : Le collectif des aveugles et malvoyants du Cameroun appelle Paul Biya à la rescousse

Par Pierre Arnaud NTCHAPDA | Cameroon-Info.Net
YAOUNDE - 04-Apr-2022 - 15h52   9758                      
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Me Janvier Alfred Ngalle Mbock, un des leaders du Collectif Pierre Arnaud NTCHAPDA
Ils expliquent qu’ils recourent au chef de l’Etat parce que restés insatisfaits après 2 réunions tenues avec le conseiller technique du Ministère des Affaires Sociales.

Les aveugles et malvoyants du Cameroun exposent leur mal-être au président de la République du Cameroun, Paul Biya. Ils l’ont fait dans une « lettre ouverte » datée du 1er Avril 2022. Ils se disent insatisfaits après 2 réunions tenues avec le conseiller technique du Ministère des Affaires Sociales mandaté par la ministre, dans le but de les assurer de la volonté du gouvernement.  

Le Collectif fait savoir que le 18 décembre 2021, les personnes handicapées de  diverses associations et le conseiller technique N°2 du Ministère des Affaires  Sociales se sont retrouvés dans la salle de conférence de ce ministère à  l’initiative de ce dernier avec pour principale finalité : désamorcer le sit-in annoncée précédemment par le collectif.  Il rapporte qu’ils ont, à cette occasion, décrit  leurs problèmes et leur difficultés, exprimé leurs frustrations et  proposé des solutions qui leur  semblent à même de changer positivement le quotidien de la personne handicapée au Cameroun.

« Il a été unanimement reconnu que le problème le plus crucial auquel nous  faisons face est le manque d’emploi, lequel contraint certains parmi nous de se  livrer à la mendicité, à défaut de les rendre dépendantes de leurs familles qui se sont sacrifiées pour eux et qui ont cru devoir leur donner les mêmes chances  que les autres en payant leurs études et leurs formations. Cette difficulté avait  été sérieusement exposée par les handicapés qui parlaient d’une même voix, en présence du conseiller technique n° 2 qui trouvait légitimes et fondés leurs  malaises et leurs revendications ».lit-on dans la lettre.

Les handicapés ajoutent qu’ au terme de ces échanges « ouverts », des propositions ont été faites. Ils citent le recrutement spécial dans la fonction publique des handicapés,  la création d’un fonds spécial pour le financement des projets de ceux-ci,  l’instauration et l’élargissement d’une pension d’invalidité et l’institution des  quotas dans les concours d’admissions dans les grandes écoles ou  d’intégration directe dans la fonction publique. Il rapporte qu’il leur a également été demandé de fournir, dans les meilleurs délais, la liste des titulaires du CAPIEMP ayant participé au dernier recrutement des instituteurs et celle des docteurs. « Ce qui a été fait », assurent-ils.

Ils déclarent aussi que  des promesses nous ont été faites. Un compte-rendu des échanges devait être fait  à la ministre des affaires sociales qui à son tour devait faire part de leurs revendications et  propositions au Premier Ministre dans un plaidoyer, à l’occasion d’un  conseil de cabinet qui était prévu le 30 décembre 2021, et d’autre part appliquer au  plus tard le 31 mars 2022 certaines solutions proposées, afin d’améliorer les conditions de vie des aveugles et malvoyants du Cameroun.        

Bien qu’une seconde réunion dite d’évaluation ait  été convoquée le 18 mars 2022 par le

 conseiller technique rencontré les fois précédentes, le Collectif déplore le fait qu’ « aucune décision gouvernementale concernant le  recrutement spécial ou la création d’un fonds spécial, ou du moins toute autre mesure tendant à humaniser nos conditions d’existence », n’ait été prise. « Curieusement, il nous  a même été demandé d’aller constituer une base de données sans laquelle il est « difficile de procéder au recrutement spécial des handicapés », selon les dires du représentant de madame le Ministre. Son Excellence, nous sommes estomaqués de nous rendre compte que le Ministère des Affaires Sociales n’a pas des statistiques sur le nombre des  personnes handicapées en quête d’emploi qu’il a reçu la mission de protéger,  selon l’article 1 alinéa 2 du décret n° 2005/160 du 25 mai 2005 portant son organisation ! Nous déduisons donc de cette exigence un abandon de cette mission par ce Ministère et partant, un manque de volonté politique du  gouvernement de prendre au sérieux les préoccupations des personnes handicapées », s’indignent-ils .

 

Voici l’intégralité de la lettre ouverte que le  Collectif des aveugles et malvoyants a adressé à Paul Biya

 

COLLECTIF DES AVEUGLES ET MALVOYANTS INDIGNES DU CAMEROUN (CAMIC)

Lettre ouverte au Président de la République

Douala, le 1er avril 2022

A son Excellence monsieur le Président de la République du Cameroun

Objet : demande d’une attention prioritaire aux problèmes des personnes

handicapées

Son Excellence monsieur le Président de la République Chef de l’Etat,

Nous, personnes handicapées de la vue, réunies au sein du Collectif des

Aveugles et Malvoyants Indignés du Cameroun (CAMIC), avons trouvé la

nécessité de vous saisir par la présente, afin de vous présenter nos doléances,

surtout de vous faire part de notre insatisfaction après 2 réunions tenues avec

le conseiller technique du Ministère des Affaires Sociales mandaté par madame

le Ministre, dans le but de nous rassurer de la volonté du gouvernement de

prendre à bras le corps nos revendications exposées au cours de ces réunions

et dans une correspondance adressée au Premier Ministre en décembre 2021.

Son Excellence, en date du 18 décembre 2021, les personnes handicapées de

diverses associations et le conseiller technique N°2 du Ministère des Affaires

Sociales se sont retrouvés dans la salle de conférence de ce ministère à

l’initiative de ce dernier avec pour principale finalité : désamorcer le setting qui

avait été annoncée précédemment par le collectif. A la faveur de cette

importante rencontre avec le mandataire de madame le Ministre, l’occasion

nous a été donnée de décrire nos problèmes et nos difficultés, d’exprimer nos

frustrations et de proposer des solutions qui nous semblent à même de

changer positivement le quotidien de la personne handicapée dans notre pays.

Il a été unanimement reconnu que le problème le plus crucial auquel nous

faisons face est le manque d’emploi, lequel contraint certains parmi nous de se

livrer à la mendicité, à défaut de les rendre dépendantes de leurs familles qui se sont sacrifiées pour eux et qui ont cru devoir leur donner les mêmes chances

que les autres en payant leurs études et leurs formations. Cette difficulté avait

été sérieusement exposée par les handicapés qui parlaient d’une même voix,

en présence du conseiller technique n° 2 qui trouvait légitimes et fondés leurs

malaises et leurs revendications.

Au terme de ces échanges ouverts, des propositions ont été faites, à savoir

entre autres : un recrutement spécial dans la fonction publique des handicapés,

la création d’un fonds spécial pour le financement des projets de ceux-ci,

l’instauration et l’élargissement d’une pension d’invalidité et l’institution des

quotas dans les concours d’admissions dans les grandes écoles ou

d’intégration directe dans la fonction publique. Il nous a également été

demandé de fournir, dans les meilleurs délais, la liste des titulaires du CAPIEMP

ayant participé au dernier recrutement des instituteurs et celle des docteurs,

ce qui a été fait.

Des promesses nous ont été faites : d’une part rendre compte à madame le

Ministre de nos échanges, qui à son tour devait faire part de nos revendications

et nos propositions au Premier Ministre dans un plaidoyer, à l’occasion d’un

conseil de cabinet qui était prévu le 30 décembre, et d’autre part appliquer au

plus tard le 31 mars 2022 certaines solutions proposées, afin d’améliorer nos

conditions de vie.                                              

Une seconde réunion dite d’évaluation a été convoquée le 18 mars 2022 par le

même conseiller technique, à laquelle nous avons pris part sans manifester la

moindre réticence. Seulement, noud n’avons retenu au terme de cette

nouvelle rencontre aucune décision gouvernementale concernant le

recrutement spécial ou la création d’un fonds spécial, ou du moins toute autre

mesure tendant à humaniser nos conditions d’existence. Curieusement, il nous

a même été demandé d’aller constituer une base de données sans laquelle il

est « difficile de procéder au recrutement spécial des handicapés », selon les

dires du représentant de madame le Ministre.

Son Excellence, nous sommes estomaqués de nous rendre compte que le

Ministère des Affaires Sociales n’a pas des statistiques sur le nombre des

personnes handicapées en quête d’emploi qu’il a reçu la mission de protéger,

selon l’article 1 alinéa 2 du décret n° 2005/160 du 25 mai 2005 portant son organisation ! Nous déduisons donc de cette exigence un abandon de cette

mission par ce Ministère et partant, un manque de volonté politique du

gouvernement de prendre au sérieux les préoccupations des personnes

handicapées. Cette insistance sur les statistiques au cœur d’une réunion dite

d’évaluation n’a de cesse que d’éluder les problèmes posés par les personnes

handicapées. L’on devrait s’interroger à juste titre sur la fiabilité des résultats

d’un tel travail réalisé dans un délai de 3 mois par les handicapés eux-mêmes,

quand l’on sait que constituer une base de données de ces personnes sur

l’ensemble du territoire camerounais requiert des moyens, du temps et de

l’expérience en la matière.

Son Excellence, il ne serait pas exagéré de vous rappeler que du fait de notre

déficience visuelle, nous vivons dans la misère et la précarité les plus extrêmes,

aggravées par le fait que beaucoup d’entre nous, en l’occurrence ceux qui ont

totalement perdu la vue, ont du mal à s’en sortir dans le secteur informel. Au

lendemain de la signature en 2018 du décret d’application de la loi n° 2010/002

du 13 avril 2010 portant protection et promotion des personnes handicapées,

nous n’avions pas pu retenir notre joie, car nous croyions que c’était la fin de

notre calvaire. Des marches de soutien ont d’ailleurs été observées à Douala et

à Yaoundé à la grande satisfaction du gouvernement et de certains

responsables d’associations des handicapés.

Quatre ans après, nous ne comprenons pas pourquoi nous continuons de subir

des discriminations lors des recrutements dans les emplois publics et privés,

bien que l’article 38 de ladite loi nous en reconnaisse la priorité par rapport aux

personnes valides. « A qualification égale, la priorité de recrutement est

accordée à la personne handicapée », précise l’alinéa 2 de l’article

susmentionné.

A ce jour, nous ne réclamons qu’une chose : améliorer nos conditions de vie à

travers l’application des textes qui nous protègent. En tant qu’êtres humains et

citoyens à part entière, nous n’avons pas le sentiment que cette réclamation

est démesurée voire impossible.

Afin de rendre le quotidien des personnes handicapées vivables, nous réitérons

la demande de leur recrutement spécial dans la fonction publique, de création

d’un fonds spécial pour financer leurs projets, d’instauration et d’élargissement  de la pension d’invalidité et d’institution des quotas dans les concours

d’intégration dans la fonction publique.

Nous demeurons convaincus que vous accorderez la plus haute importance à

nos doléances clairement exprimées dans cette lettre.

Veuillez croire, son Excellence monsieur le Président de la République, à la

sincérité de nos revendications.

Pour le porte parole du Collectif, maître NGALLE MBOCK Janvier Alfred,

Avocat au Barreau du Cameroun, B.P 59 Douala, tel : 695 67 91 93/674 67 34

57, e-mail : [email protected]

 

Auteur:
Pierre Arnaud NTCHAPDA
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