Déchets toxiques: L’Afrique n’est pas une poubelle

Par ESSAMA ESSOMBA | Cameroon Tribune
- 19-Aug-2010 - 08h30   50849                      
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le gouvernement vient de rendre public un communiqué appelant à la vigilance sur une situation porteuse de dangers qui aurait pu passer inaperçue de nombreux Camerounais...
Avec promptitude, le gouvernement vient de rendre public un communiqué appelant à la vigilance sur une situation porteuse de dangers qui aurait pu passer inaperçue de nombreux Camerounais. Dans ce communiqué, le ministre de l’Environnement et de la Protection de la nature indique, selon les informations en sa possession, qu’« un navire hollandais dénommé N.V. Nashville, n° UE/SU 4635950, transportant des déchets toxiques dangereux, sillonne les côtes ouest-africaines dans le but de se débarrasser de ces déchets. Cet acte est en violation de la Convention de Bâle sur les mouvements transfrontières des déchets toxiques et dangereux dont le Cameroun est partie ». Le ministre Hele Pierre conclue en demandant aux délégations régionales de son département ministériel dans le Littoral, le Sud et le Sud-Ouest, à toutes les autres structures étatiques et aux populations, notamment les pêcheurs, d’informer les autorités de toute manœuvre suspecte de navires sur les côtes et de rester vigilants à cet égard. La présence de ce navire-poubelle sur les côtes ouest-africaines n’est pas une première. De nombreux déchets toxiques échappent aux lois et règlements de plus en plus contraignants des pays développés pour tenter de trouver refuge en Afrique. L’on a souvenance de la bourde qui secoua les milieux écologiques dans les années 90. D’importantes cargaisons de déchets toxiques avaient été découvertes aux larges des côtes ouest-africaines, notamment au large du Togo et du Bénin. Affrétés par des multinationales, les navires s’apprêtaient à se soulager de leurs nocives cargaisons en haute mer, avec selon les informations disponibles à l’époque, la complicité de certaines élites dirigeantes locales. Des activités similaires se sont poursuivies dans cette zone où de nombreux écosystèmes ont été transformés en dépotoirs de déchets toxiques contre d’importantes sommes d’argent. L’exemple le plus aberrant, qui a fait beaucoup de bruit et entraîné une longue procédure judiciaire internationale, vient de Côte d’Ivoire. Plus de 9000 habitants d’Abidjan ont été victimes en 2006 d’une grave pollution chimique liée au déversement de 400 tonnes de produits toxiques dans plusieurs décharges de la capitale. Acheminés par un bateau russe battant pavillon panaméen dénommé « Probo Koala », les produits cancérigènes de cette dangereuse cargaison ont provoqué la mort de six personnes en août 2006. Les scientifiques ont déjà eu à analyser les graves conséquences du déversement aux larges des côtes africaines, dans l’Océan atlantique comme dans l’Océan indien, des produits toxiques, des rebuts chimiques provenant des industries des pays développés. Celles-ci auraient payé cher en Europe, en Amérique ou en Asie pour les recycler. Mais elles trouvent en Afrique une terre facile d’accueil là où les frontières sont poreuses, les législations tâtonnantes ou muettes, les mouvements écologistes faibles et sans moyens, les populations peu ou mal informées. Sans être exhaustif, l’on relève que la pollution côtière est dangereuse pour la santé. Elle pose aussi des problèmes de diminution des récifs coralliens qui servent d’habitat et de source de nourriture aux poissons dès lors rendus impropres à la consommation ; de perturbation ou de destruction des écosystèmes comme la mangrove le long des côtes ouest-africaines ; de pollution de l’air ; de perturbation de la navigation maritime… Pour toutes ces raisons, il est important que les gouvernements, les opinions publiques, les mouvements écologistes des pays concernés disent, ouvertement et sans ambiguïtés, non aux bateaux-poubelles le long des côtes africaines. L’Afrique n’est et ne saurait être le dépotoir des rebuts des industries de pays développés. Au contraire, au moment où elle est courtisée, particulièrement l’Afrique Centrale, pour demeurer grâce à sa forêt équatoriale l’un des poumons d’un monde menacé d’asphyxie par la pollution industrielle, elle incarne un avenir viable dans une humanité solidaire. A condition que nous-mêmes Africains, demeurions vigilants et fassions les bons choix pour la protection de notre environnement.




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