Marché de l'Art: A qui profite la peinture camerounaise ?

Par | Cameroon Tribune
- 19-Apr-2007 - 08h30   58526                      
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Une vitalité de notre peinture bien perceptible, et pourtant...
C’est incroyable comme il peut y avoir de l’amertume chez un bon nombre d’artistes plasticiens camerounais. Un état d’esprit qui révèle même une sorte de malaise. Pourtant, et il faut venir à Douala pour le constater, les arts plastiques montrent comme de la vitalité et profitent d’une visibilité incontestable. A la suite du centre d’art contemporain Doual’art, quelques autres espaces, à vocation commerciale ceux-là, ont ouvert leurs portes aux artistes. A coup sûr, les promoteurs se sont aperçus que la création plastique avait besoin d’être soutenue et surtout diffusée. Mieux encore, qu’elle pouvait être un filon. Des expositions ou même des foires organisées ça et là ont apporté la preuve que ces artistes se vendent bien. On voit des tableaux vendus à trois millions de francs Cfa à Douala ! Des chiffres révélateurs d’un marché même modeste de l’art chez nous. Les plasticiens y ont cru, souligne Mboko Lagriffe, artiste plasticien bien connu. Mais il y a aujourd’hui comme une désillusion parce que " les artistes plasticiens s’aperçoivent que la plupart des rares promoteurs profitent en réalité d’eux. Ceux qui se disent galeristes ne font aucun travail autour de l’artiste pour promouvoir son travail ou sa carrière. Résultat, malgré tous les projecteurs braqués sur eux, ils se rendent compte qu’ils en sont toujours au même point, dans la précarité qui se couple souvent à l’anonymat. Des gens qui ont du talent se retrouvent comme ça, nulle part, sans rien ". Ça commence bien. Les promoteurs dont Mboko parle ne sont pas bien nombreux. Quelques espaces sont ouverts à Douala en particulier où l’on peut, de temps en temps, venir regarder une exposition. Chaque diffuseur est sensé montrer le travail de ceux qui rentrent dans sa vision. Quand il en a une. Ce qui ne va pas sans grincements de dents puisque, se plaint Gatien Ngangue Embola, jeune artiste plasticien, " dès que vous ne faites pas ce qu’une galerie veut, elle ne vous expose pas, quelle que soit votre démarche, que vous ayez un certain talent ou non ". Les galeries, pour le dire simplement, profiteraient des artistes, sans leur donner la contrepartie que ces derniers devraient en attendre. " C’est pour eux-mêmes qu’ils investissent, on ne voit pas le travail autour des artistes comme on voit faire sous d’autres cieux. Notre univers a même accueilli des gens très peu scrupuleux ", renchérit Mboko. La suspicion règne et les artistes plasticiens désertent littéralement les galeries, montrent de la défiance et de la méfiance à l’égard des diffuseurs contre lesquels ils ont la dent dure. Le blocage est réel, les artistes, eux-mêmes, essayent de le contourner. Des alternatives fleurissent ça et là pour favoriser la diffusion par d’autres circuits. Peu importe que là encore, le professionnalisme ne soit pas de mise. Ce qui est valable pour le théâtre, la musique et les autres arts, l’est également pour les arts plastiques et le succès de quelques uns ne doit pas faire illusion. Un succès qui, il faut bien le dire, est davantage mesuré à l’aune des ventes. Du coup, regrettent Marilyne et Didier Schaub de Doual’art, la frénésie autour du gain, certes compréhensible, relègue l’art et la recherche au second plan. Au profit d’une sorte d’artisanat avec ce que cela suppose comme reproductions pour touristes. Les ombres ne manquent pas au tableau, comme CT le démontre. Stéphane TCHAKAM
Les artistes se plaignent de pourcentages excessifs pratiqués par ces établissements. Trois. C’est le nombre de galeries d’art contemporain que compte le Cameroun. On ne parle pas ici des boutiques d’œuvres d’art qui affichent le terme " galerie " sur les devantures. La galerie d'art contemporain a deux fonctions: rendre visible l'œuvre d'un artiste et la commercialiser. A cet égard, seuls l’espace Doual’art et la galerie MAM à Douala, ainsi que l’espace Africréa à Yaoundé peuvent prétendre se rapprocher de cette appellation. Bien sûr, il y a des centres culturels étrangers, notamment CCF, qui accordent une place importance aux expositions. Cette situation s’explique, selon un propriétaire de boutique d’art, par le fait que c’est un domaine inintéressant pour une majorité de Camerounais. " Les populations ont des problèmes très terre à terre et considèrent qu’assister à une exposition ou même acheter une œuvre est du temps et de l’argent perdus. C’est donc un domaine finalement marginalisé qui ne rapporte pas toujours ", explique-t-il. Une opinion confirmée par Mal Njam, directeur d’Africréa. " L’un des problèmes est que les différents maillons qui devraient constituer la chaîne de l’offre et de la demande des biens culturels sont encore inexistants dans le pays. La seconde difficulté réside dans le fait qu’il y a un déficit de formation, que ce soit pour les artistes, le public ou les critiques. Tout ce monde a encore besoin d’être accompagné dans la compréhension des œuvres ", affirme-t-il. Le secteur est en effet infesté d’artistes autoproclamés qui réalisent des œuvres n’importe comment. L’absence d’éléments d’accompagnement tels que les publications n’aident également pas à l’éducation du goût du public. Tout cela nuit donc, non seulement à la création même des galeries, mais aussi à la bonne marche des galeries d’art. Outre ces faits, la politique adoptée par certains de ces établissements n’encourage pas les artistes à y exposer leurs toiles. " Les galeries pratiquent des tarifs et des pourcentages un peu excessifs pour nous qui avons parfois du mal à vivre de notre art. Il faut également entrer dans certains réseaux, avoir des affinités avec un tel pour voir ses tableaux bénéficier d’une exposition digne de ce nom. C’est pourquoi on préfère vendre nos tableaux dehors, sans passer par elles ", explique Bernard K., peintre. Pour Mal Njam pourtant, aucun véritable critère ne prévaut pour le choix d’une exposition. " Nous essayons de trouver un équilibre à travers les expositions individuelles qui concernent les artistes confirmés de la scène camerounaise. Cela représente près de 70% des expositions. Les autres 30% se partagent entre les expositions collectives à partir de thématiques et les débutants à qui nous offrons une chance ". La seule condition à respecter ici est de faire dans l’art contemporain. Josiane R. MATIA
Absence of Galleries Set Back to Creativity Over the years, the art of painting in Cameroon seems to be going down the drain. The art of painting is the practice of applying colour to a surface such as paper canvas, wood, glass, or other. However, when used in an artistic sense, the term "painting" means the use of this activity in combination with drawing, composition, and other aesthetic considerations in order to manifest the expressive and conceptual intention of the practitioner. Over the years, the art of painting in Cameroon seems to be going down the drain. Many difficulties account for this. Most Cameroonian painters hardly live on their works of arts. As a result there is the lack of enthusiasm on the part of the artists. The absence of galleries for exhibitions in towns, especially in Yaounde, is a major set back. According to one painter, Emile Youmbi, artists cannot be known if they don’t participate in exhibitions. Presently, the only gallery in Yaounde is the "Africrea". "We need to have at least 12 of such galleries," he said. Also, in the absence of galleries the artist is supposed to create contacts with the public and that is done through the media which also demands money. Apart from the absence of galleries, the cost of production in plastic arts is very expensive. As a result, many artists are forced to use poor quality materials for their paintings. This also hinders them from presenting their works in high level competitions. According to Emile Youmbi, sponsors are supposed to assist artists in their productions but this can only be possible if there is visibility of their products. Due to the lack of venue for exhibition, young artists are forced to look for space anywhere just to make their work known to the public. "The absence of venues for exhibition is the major problem. When the paintings are left in the house we can not sell," he added. It is the wish of the artist that councils should create municipal galleries in towns which will enable the artists exhibit their paintings. At the international level, Cameroonian artists have made great strides. Another major factor is the lack of sales. The paintings are very cheap in Cameroon. According to Emile Youmbi, 70 percent of his sales are from abroad. There is also the problem of pirating whereby vendors buy the paintings at cheap prices and sell them abroad at exorbitant prices using the trade marks of the authors. The painters end up being the losers. Even though Cameroonian artists benefit from special aid funds offered by the government, the artist think it is not enough. "We need venues. Production cannot be successful without exhibition," According to him, artists can create their galleries in their homes but they should be known. "If there is municipal galleries the town, there will be exhibition at all times," he added. Elizabeth MOSIMA




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