Abel Mbengue Mussy: 70 ans et toujours bondissant

Par Emmanuel Gustave Samnick | L'Actu
Yaoundé - 28-Jan-2012 - 08h30   52418                      
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Le célébrissime chroniqueur sportif de Radio Cameroun aujourd'hui cadre à la Confédération africaine de football (Caf) vient fêter chaleureusement ses sept décennies de vie.
II n'a jamais voulu être un homme de l'ombre, mais ce jour là, il était particulièrement à la lumière. Lui, la vedette du micro qui a bercé les auditeurs de Radio Cameroun des années 1960-1970-1980 de sa voix veloutée et de ses formules inimitables pendant les commentaires en live des matches de football, était en vedette samedi 7 janvier 2012 à Douala. D'abord à la chapelle du Centenaire de l'Eglise évangélique du Cameroun pour un culte d'actions de grâce, puis au restaurant Le Pékin à Bonapriso pour le repas et le gâteau d'anniversaire offerts par son épouse. Abel Mbengue a soufflé sur sa 70ème bougie, mais comme l'a dit son ancien collègue Jean Materne Ndi pendant la séquence des témoignages, «il a un visage est sans âge». Ce qui a eu le don de faire pleurer le dandy septuagénaire, qui a eu ce mot de remerciements à l'endroit de ces jeunes confrères: «Afin que vous alliez leur dire: «Nous avons vu ses pleurs, vous n'aurez jamais ce privilège». Toujours le sens de la belle formule, indécrottable, inusable, Abel! Quand on demande à l'intéressé comment il fait pour conserver cette éternelle jeunesse, il réajuste sa chemise et se lance dans une explication d'où transparaît une petite vantardise naturelle: «Je tiens à une hygiène de vie, avec un minimum de deux douches par jour et, en fonction de la forme, un bain tiède avant le coucher». Mais avec cette recette, les corps de beaucoup d'humains ne prendraient pas la moindre ride. Alors, il complète le secret de sa jeunesse en évoquant la formation stricte d'homme reçue de son père, feu Gustave Mbengue Mussy : «C'est aussi une question d'environnement et d'éducation initiale. Mon père m'a appris, dès l'âge de deux ans, à marcher droit, la tête haute». Une forte tête surtout, cet homme qui entre à Radio Cameroun au début des années 1960, après un concours supervisé par des coopérants français; où ils furent six admis parmi des dizaines de candidats, aime-t-il à préciser. L'un de ses camarades de promotion à l'entrée est du reste le très regretté Henri Bandolo. Après quelques semaines d'essai aux informations générales et à l'animation, il est rapidement envoyé au service des sports parce que les Blancs avaient remarqué qu'il avait un débit rapide, utile pour le reportage en direct des manifestations sportives. Pour l'immense carrière de chroniqueur sportif qu'il a connue pendant 33 ans, couvrant tous les exploits des clubs camerounais et des Lions indomptables jusqu'en 1996. «Je remercie le destin ! Je suis le seul journaliste sportif à avoir été décoré solennellement par les deux présidents de la République du Cameroun», clame-t-il fièrement, reconnaissant au passage qu'il a toujours été «un privilégié du pouvoir». Et comment en serait-il autrement, pour quelqu'un qui est envoyé à Abidjan sur ordre du président Paul Biya en pleine Coupe d'Afrique des nations, «pour renforcer l'équipe de Radio Cameroun sur place et rallumer la flamme de l'intérêt populaire»? Une complicité, comme il le dit lui-même, avec les tenants du pouvoir qui a parfois été mise à mal par certains dirigeants. Ainsi de ces nombreuses suspensions d'antenne! Ainsi du ministre de la Jeunesse et des Sports, Joseph Fofé, qui le fait garder à vue par la police à quelques mois du Mondiale 90.11 sortira de la cellule sur intervention du secrétaire d'Etat à la sécurité intérieure Denis Ekani. Et cette année là, ironie du sort, il connaît l'un des moments enchanteurs de sa carrière avec la formidable épopée des Lions indomptables qui deviennent la première équipe africaine à jouer un quart de finale de Coupe du monde. Une vie autour du football Joseph-Antoine Bell, dans son livre «Vu de ma cage», accuse celui qu'il appelle «le griot national» d'avoir participé à la cabale qui l'a mis hors-jeu dans cette compétition mémorable. On lui prêtait d'ailleurs le pouvoir de faire ou de défaire entraîneurs et joueurs. Lui, répond simplement qu'il n'a souvent fait que son devoir de journaliste: «L'essentiel, c'est d'éviter les contours crapuleux. Je crois avoir souvent agi objectivement, par devoir et beaucoup plus par engagement». On comprend qu'il aura du mal encore pour longtemps à digérer le fait qu'il soit parti à la retraite à la CRTV, «sans une gerbe de fleurs». S'il s'est éloigné des micros, il est resté dans le monde du sport, même si, il y a quatre ans, il nous confiait de manière péremptoire «Je n'ai plus jamais remis les pieds dans un stade du Cameroun depuis dix ans, depuis que j'ai été admis à faire valoir mes droits à la retraite; j'observe la scène nationale en retrait». Parce qu'Abel Mbengue n'a pas chômé un seul jour. «Là aussi, c'est le destin! Ce destin qui a croisé nos chemins, Issa Hayatou et moi, il y a plus de 30 ans», explique celui qui est coordinateur du bureau annexe de la Confédération africaine de football (Caf) à Yaoundé, tout en étant actif dans des commissions spécialisées de l'instance faitière du football continental. Et de nous préciser, par courriel depuis Libreville où cet homme toujours Up to date est en mission pour la Coupe d'Afrique des nations de football 2012: «Je n'ai pas été recruté à la Caf, mais appelé par Issa Hayatou pour formaliser fraternellement un accompagnement et un appui déjà évidents depuis son élection le 10 mars 1988 a la présidence de la Cab). Quant a ceux qui interpréteraient mal son insistance à réclamer qu'il était un privilégié du pouvoir, en laissant entendre qu'il aurait eu ce privilège a coupis d'intrigues et en faisant ombrage a ses collègues, Abel a cette autre réponse cinglante: «De mon temps, mon talent n'a jamais été remis en question, je crois. La preuve: voici plusieurs années que j'ai quitte les stades, et voici plusieurs années qu'il n'y a plus d'interview du chef de l'Etat a la fin d'une finale de la Coupe du Cameroun. Mon ombre plane-t-elle toujours?» Celui qui avoue n'avoir pas fait de grandes études, pas plus que la classe de 1ere du secondaire en tout cas, rappelle volontiers cette autre anecdote: alors que le ministre de l'Information, dans les années 1970, Vroumsia Tchinaye, demandait au directeur de radio Cameroun pourquoi il ne voit pas le nom d’Abel Mbengue dans la liste des nominations, ce directeur a répondu: «Monsieur le ministre, on n'a nommé que les cadres». Et le ministre Vroumsia de répliquer: «Mais qui sont ces cadres qu'on n'entend jamais? Trouvez-moi un poste pour Abel Mbengue !». Il hérita alors du poste de chef de bureau des langues vernaculaires...




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