Portrait: Sama Francis Asanga: un karatéka au barreau

Par Donat SUFFO | Le Messager
- 22-Aug-2012 - 08h30   51077                      
0
Le nouveau bâtonnier de l’ordre national des avocats est un sportif de haut niveau. Le karaté Shotokan qu’il affectionne lui permettra-t-il de sauver un barreau dans la tourmente ?
Portrait: Sama Francis Asanga: un karatéka au barreau Le nouveau bâtonnier de l’ordre national des avocats est un sportif de haut niveau. Le karaté Shotokan qu’il affectionne lui permettra-t-il de sauver un barreau dans la tourmente ? Sama Francis Asanga est né le 20 février 1958 dans le petit village de Baba II, dans l’arrondissement de Santa. Lequel village sort de l’ornière en 1990, lorsque John Fru Ndi, fils de cette contrée, défie l’autocratie au sommet de l’Etat et crée le Social democratic front (Sdf). Me Sama Francis Asanga est d’ailleurs le neveu du Chairman. Fils d’enseignant, (son père Daniel Achiri Sama a été maître puis directeur d’école) le petit Sama Francis est moulé à l’école de son papa. Il fréquente l’école publique de Bamenda Station où il obtient son First school living certificate (Cepe) en 1969. Soucieux de l’éducation de sa progéniture, le père de ce dernier l’inscrit au Sacred Heart college de Mankon. Cet établissement scolaire secondaire missionnaire a la réputation d’être le meilleur de tous les temps. Ici on allie éducation et morale. C’est la plus grande motivation qui a poussé ses parents à l’inscrire dans cet établissement scolaire qui faisait et fait encore non pas seulement des têtes bien pleines mais aussi et surtout des têtes bien faites. En 1974 le jeune Francis décroche avec brio son General Certificate of Education Ordinary Level (Gce O L) équivalent du Bepc. Cet établissement n’ayant pas de second cycle à l’époque, Sama Francis est inscrit à Lower six (classe première) à Ccast (Lycée Bilingue) de Bambili. Un lycée qui caracole en tête des résultats sur l’échiquier national. Deux ans plus tard il obtient son Gce A Level (Baccalauréat). Camarade de lycée de l’ex-gouverneur Fai Yengo Francis, Sama Francis opte pour les études de droit à la faculté de droit et des sciences économiques de l’Université de Yaoundé d’où il sort en 1981, nanti d’une licence en droit privé. Il intègre le cabinet du bâtonnier émérite Me Luke Sendze en novembre 1982, pour une formation qui va durer presque trois ans. Il prête serment le 10 octobre 1985 à la Cour suprême à Yaoundé et devient de plein droit, avocat au barreau du Cameroun. Toutefois, il décide de rester au même cabinet (L.K. Sendze et P.N.Njobara) où il s’est formé. Certainement pour se faire un peu de moyens avant d’évoluer en solo. En 1987, il se détache et crée son propre cabinet avec la bénédiction de son mentor. En 2004, il se spécialise en droit des médias à l’Université d’Oxford. Friand de belles voitures Me Sama Francis Asanga est un brillant avocat. Eloquent, il l’est. Il a la particularité d’être bilingue. Lorsqu’il est au prétoire, non seulement il argumente, accule, mais aussi et surtout il tonne. Ceux qui ont eu l’occasion par le passé d’assister aux audiences des contentieux post-électoraux, ne démentiront pas ces qualités du nouveau bâtonnier. Il est militant de première heure et conseiller juridique du Sdf depuis sa création en 1990. Il a été de tous les combats de ce parti aux côtés de son oncle John Fru Ndi. Et lorsqu’un magistrat prend une décision peu orthodoxe concernant une affaire pour laquelle, il assure la défense, Me Sama Francis crie sur tous les toits. On a souvenance de la libération sous caution de Fon Doh Gah Gwanyin dans l’affaire de l’assassinat de John Kohtem, président de la circonscription électorale Rdpc de Balikumbat. Non content de cette libération, alors que la loi interdit de commenter les décisions de justice, Me Sama Francis avait brisé ce tabou en organisant une conférence de presse au cours de laquelle, il avait critiqué cette décision du président d’alors Henry Morfaw, de la Cour d’appel du Nord-Ouest. Membre du conseil de l’ordre pendant trois mandats, il a été représentant du bâtonnier dans la région du Nord-Ouest pour deux mandats, formateur national des avocats stagiaires pour trois mandats, formateur expert en loi Ohada pour la compte de l’Union européenne dans le cadre du programme P.A.J. Sur le plan extra-professionnel, Me Sama Francis Asanga est un sportif. C’est un fervent praticien du Karaté Shotokan. Il est même détenteur d’une ceinture noire 4e dan dans cette discipline. Il est d’ailleurs le président de la ligue régionale de la Fecakada pour le Nord-Ouest. Il a pratiqué cette discipline avec le gouverneur de l’Adamaoua Abakar Ahamat, l’ambassadeur Kouambo Adrien. Ce chrétien de l’église presbytérienne est membre du Rotary International, ancien président du Rotary Club de Bamenda et ancien vice-gouverneur du district 9150 du Rotary International. Il est marié à Sama Gladys Andin née Ndango. De ce couple sont nés cinq enfants dont un docteur en Pharmacie, une infirmière, tous deux travaillant aux Etats-Unis. Un autre est sur ses traces, stagiaire à son cabinet alors que le dernier suit des études en banque et finance au pays de l’oncle Sam. Il a déjà visité plus de 15 pays dans le monde. C’est également un bon danseur qui aime la belle musique qu’elle soit folklorique comme le Njang de son terroir, la musique classique ou même moderne. Il est friand des belles voitures et en change comme les beaux costumes qu’il met de temps en temps. A ce sujet, il aime dire qu’un avocat doit être toujours élégant et la qualité de son cabinet attire la clientèle «si tu crées ton cabinet dans le ghetto tu n’auras que des clients du ghetto ». Ceci fait dire de lui par certains de ses collègues qu’il est orgueilleux. Il n’est pas prêt d’accepter n’importe quoi de qui que ce soit, même du client qu’il défend. D.S. Barreau: Le nouveau Bâtonnier annonce les couleurs Au lendemain de son élection au bâtonnat, Me Sama Francis Asanga a donné une conférence de presse pour indiquer les chantiers qui l’attendent. La question de l’arrestation et l’incarcération de certains avocats à l’instar de Me Ofomo dernier en date, mais beaucoup plus de Me Lydienne Eyoum, dont la détention est relative aux honoraires de près de 2 milliards supposés prélevés par cette dernière dans le cadre du recouvrement des créances pour le compte du Crédit foncier du Cameroun (Cfc) a préoccupé les journalistes. Interpellé sur la question des honoraires qui semblent avoir conduit Me Eyoum en taule, le nouveau Bâtonnier de l’ordre des avocats du Cameroun, Me Sama Francis Asanga est formel : « J’ai été très sidéré quand on m’a fait comprendre que les dossiers concernant mes confrères emprisonnés et détenus concernent les honoraires effectivement ou apparemment discutés et arrêtés librement avec leurs clients qui dans quelques cas étaient l’Etat, représenté par le ministre des Finances; étaient des sociétés d’Etat représentées par quelques directeurs généraux emprisonnés également. La question que je pose c’est que quand les autorités publiques délèguent des pouvoirs aux directeurs généraux et aux ministres pour les représenter et que les avocats dans l’exercice de leurs professions discutent et fixent les honoraires, est-ce que ça peut donner lieu à des contestations juridiques, est-ce que ça peut donner lieu à des poursuites criminelles ou pénales ?» s’interroge-t-il. Il rappelle que la fonction d’avocat est une profession libérale. Et en tant que telle, la loi prévoit que les honoraires des avocats sont discutés et arrêtés librement entre l’avocat et son client. Lequel client peut être soit l’Etat du Cameroun dans le cas d’espèce, les organismes publics, les sociétés d’Etat, les sociétés à capitaux privés et les citoyens camerounais. « Je serai ferme pour condamner au cas où il s’avèrerait que ces confrères sont poursuivis pour les contrats arrêtés conformément aux lois de la République, pour leurs honoraires ». Il a promis que dans les prochains jours, le conseil de l’ordre mis en place à l’issue de l’assemblée générale ordinaire et élective de Bamenda va rendre visite à leurs confrères incarcérés. Ils saisiront cette occasion pour s’imprégner de leur dossier individuel avant de prendre position « si mes confrères ont été défaillants, s’ils ont violé les textes, je vais condamner cette activité. C’est pourquoi le grand travail n’est pas de condamner même s’ils auraient par mégarde été défaillants mais de trouver des moyens de les sécuriser dans la performance de leur profession d’avocat ». Sécuriser l’avocat Aussi promet-il qu’au cours de sa mandature il mettra un accent particulier sur la promotion de la formation continuelle ou au mieux la mise à niveau des avocats notamment en ce qui concerne la déontologie, l’éthique, les obligations comptables et financières des avocats envers leurs clients et envers les autorités publiques. Le barreau dit-il, veillera que les poursuites judiciaires se fassent dans les conditions prévues par la loi. « Dès que je vais prendre fonction, une de mes premières préoccupations sera l’instruction de ces dossiers brûlants pour que je m’imprègne des éléments de ces dossiers pour pouvoir prendre position. Parce que nous tous sommes égaux devant la loi, qu’on soit avocat ou pas ». En outre, le nouveau Bâtonnier indique que, son équipe et lui ambitionnent de sécuriser l’avocat dans l’exercice de sa profession « Le conseil de l’ordre sous mon impulsion, va mettre en place une sécurisation pour les avocats dans l’exercice de leur profession ». Dans cette veine, il a promis plaider cette cause auprès des autorités publiques « pour arrêter définitivement la position de fixation des honoraires ». A la question de savoir si son appartenance politique, notamment au Sdf, principal parti de l’opposition, n’influencera pas ses décisions pendant sa mandature, le nouveau bâtonnier rame à contre courant. Pour lui, le barreau est apolitique. Toutefois, «si le Sdf commet des bêtises, je serai le premier à les dénoncer ; il en est de même du Rdpc ou n’importe quel parti politique » déclare-t-il avant d’ajouter qu’il sait bien faire la part des choses. Me Sama Francis Asanga a fait les yeux doux à la presse. Il se dit favorable à la décriminalisation des délits de presse. S’il ne fait point de doute que son programme aussi volumineux ne peut se réaliser en deux ans, durée de son mandat, le bâtonnier se veut réaliste « deux ans ne sont pas suffisants pour mettre en place tous ces grands projets. Mais je vais semer la graine qui va germer. Au terme de cette durée, les avocats me jugeront et s’ils estiment que j’ai abattu du bon travail, la décision viendra d’eux de me refaire confiance». A-t-il conclu. Donat SUFFO




Dans la même Rubrique