Cameroun: Pourquoi les ambassadeurs africains se taisent

Par Xavier Luc Deutchouatchoua | Mutations
- 22-May-2006 - 08h30   59748                      
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Décryptage des attitudes des diplomates africains en poste à Yaoundé. Présentation des 15 chefs des missions diplomatiques. Analyse du politologue Mathias Eric Owona Nguini
Afrique: Des sans-voix diplomatiques à Yaoundé Les ambassadeurs africains en poste au Cameroun sont en quête de plus de visibilité. Il y a 43 ans, le 22 mai 1963, trente chefs d'Etat et de gouvernement africains tiennent conclave à l'Africa Hall d'Addis-Abeba. Ils s'excitent à l'idée de bâtir l'Afrique sur des bases unitaires. Trois jours après, le 25 mai 1963, un retentissant alléluia résonne, tel un tremblement de terre, partout en Afrique. L'Organisation de l'unité africaine est née. Des années après, l'unité du continent reste un lointain projet et un passage dans les discours incantatoires de certains dirigeants africains. Mais l'Afrique continue de se souvenir de ces moments de rêve et d'espoir. La journée de l'Afrique se célèbre jeudi prochain. Par le passé, cette célébration se déroulait au Cameroun dans une quasi indifférence, si l'on compare à la frénésie qui s'empare des Camerounais à l'occasion d'autres journées dites mondiales. Ce 25 mai, et sauf changement de programme dû à la fête de l'Ascension, les chefs des missions diplomatiques africaines en poste à Yaoundé vont rompre avec la somnolence qui caractérise généralement cet anniversaire, en donnant un grand éclat à la journée de l'Afrique. A cet effet plusieurs manifestations sont programmées au Minrex et à l’Iric Mutations a choisi de célébrer l'Afrique autrement, en accompagnant les activités de ces ambassadeurs et chargés d'affaires africains, déterminés à sortir de l'anonymat dans lequel les pratiques diplomatiques internationales veulent les confiner. Ils sont 15, presque inconnus du grand public, contrairement à leurs homologues occidentaux. Mutations profite de la Journée de l'Afrique pour vous les présenter tous, sauf celui de la Guinée Equatoriale, absent au moment de la collecte des données, et pour interroger le regard que le Cameroun pose sur eux. Les ambassadeurs africains en poste au Cameroun luttent contre la somnolence diplomatique. Prenez un taxi lambda, de n'importe quel coin de Yaoundé, et dites: "Ambassade de Côte d'Ivoire". A moins de proposer un bon cachet pour la course, vous aurez de la peine à trouver quelqu'un qui connaisse la destination. Peu de citadins vous montreront sur une carte de Yaoundé où se trouve l'ambassade de ce pays, qui fait pourtant danser la capitale au rythme du "zouglou" et du "coupé décalé", le beau pays de Didier Drogba. Quand vous dites au même taximan: "Ambassade de Chine", "Ambassade du Japon", ou la plus familière "Ambassade de France", il répond le plus souvent: "montez!", lorsque vous êtes sur la ligne. Le corps diplomatique accrédité au Cameroun a ainsi les traits de Janus. D'un coté, la face adulée. Celle que l'homme de la rue maîtrise à fond. Celle des ambassadeurs, dont les moindres faits et gestes sont repris en boucle et commentés à longueur de journée dans les chaumières. Qui s'autorisent et multiplient des déclarations publiques. Qui peuvent, chacun dans son style, assener leurs quatre vérités aux pouvoirs publics camerounais. Niels Maquartd, l'ambassadeur des Etats-Unis, est, depuis sa sortie publique en janvier dernier, le porte-drapeau, Robert Braakhuis, des Pays-Bas, le tambour-major, et Jean François Valette, de la France, le lancier de cette armée qui enrôle la plupart des diplomates des pays occidentaux en poste à Yaoundé. Voeux De l'autre côté, la face peu connue, celle qui n'apparaît pas régulièrement à la télévision. Cette faction des laissés-pour-compte des médias recrute dans les rangs des pays arabes et des pays africains. Les pouvoirs publics ont-ils leur part de responsabilité dans la perception que le public a des ambassadeurs africains à Yaoundé? Une comptabilité des audiences présidentielles accordées aux ambassadeurs et diffusés par la Crtv montre que, depuis janvier 2006, aucun Africain n'a eu cet honneur. Une fois leurs lettres de créance présentée, un exercice de plus en plus rare, certains diplomates africains en poste au Yaoundé quitteront le Cameroun sans avoir l'opportunité de rencontrer le président Biya au cours d'une audience. Ou plutôt si, à l'occasion de la présentation des vœux au chef de l'Etat. Au cours de laquelle le doyen, prononce alors une allocution au nom de ses pairs. S'en suit un bref échange avec Paul Biya, puis un verre, et rendez-vous est pris pour l'année prochaine. Au fil des ans, cette cérémonie est devenue l'unique occasion pour cercle diplomatique constitué des chefs des missions diplomatiques accrédités au Cameroun de se retrouver avec le président de la République Depuis environ deux ans, les chefs des missions diplomatiques africaines semblent décidés à sortir de la somnolence diplomatique. Ils ont mis sur pied et formalisé un "Groupe africain à Yaoundé". On a eu vent de son existence l'an dernier, à l'occasion de la célébration de la journée de l'Afrique, et lorsque ce groupe a édité un bulletin de bonne tenue, bourré de réflexions sur les principaux thèmes de la diplomatie africaine. .Selon un de ses membres, le "Groupe africain à Yaoundé", présidé par Baallal Azzouz, l'ambassadeur de l'Algérie, avec Paul Ambohalé Ayoman de la Côte d'Ivoire pour Secrétaire général et Essid Riadh de la Tunisie pour trésorier, est "un espace de solidarité, d'échanges de vues et de promotion d'idéaux et d'objectifs, un cadre structuré de concertation entre les membres". Loi du silence La taille de ce groupe lui confère une importance particulière, puisqu'il comprend 15 membres, soit la moitié du corps diplomatique accrédité au Cameroun, hormis les organisations internationales. Mais force est de constater son effacement sur les questions touchant à la politique camerounaise. En public, comme en privé, pas un mot sur le Renouveau. Le règlement intérieur du "Groupe", dont nous nous sommes procuré une copie édifie d'ailleurs sur la nature des relations entre le groupe africain et les autorités camerounaises. Les membres se disent désireux d'instaurer un dialogue fructueux, l'entraide et la coopération avec les autorités du pays d'accréditation. Venant de la part de diplomates professionnels cette précision n'est pas fortuite. Le groupe africain veut ainsi se démarquer, par exemple du groupe occidental, dont les objectifs, les moyens et les méthodes d'action diffèrent à l'évidence. La loi du silence, observée dans ces milieux avec rigueur, est un des traits caractéristiques de la diplomatie africaine. Décrocher un rendez-vous, une interview d'un ambassadeur africain, relève de la croix et de la bannière. Sur les questions internes au Cameroun, c'est le silence de mort. Une attitude conforme à l'un des principes sacrés de la diplomatie africaine, contenu dans la Charte de la défunte Organisation de l'unité Africaine (Oua):"Non ingérence dans les affaires intérieures des Etats". Un héritage de Berlin. Libye Les relations avec le Cameroun sont établies en 1975. La première mission diplomatique au Cameroun ouvre ses portes en 1976. La même année, signature des premiers accords d'amitié et de coopération et création du comité mixte, qui s'est déjà réuni quatre fois, la dernière session remontant au 30 octobre 1978. Depuis le 26 mars, deux vols aériens de Afriqiya entre Douala et Tripoli. Dans quelques mois, des investisseurs libyens visiteront le Cameroun. Ambassadeur: Ahmed Abdallah M. Boukhres est né le 15 janvier 1955. Titulaire d'une licence en droit et d'une maîtrise en sciences politiques, il a fait carrière dans la magistrature, notamment comme procureur général près le tribunal de Benghazi, avant d'entrer dans la diplomatie. Avant sa nomination au Cameroun le 30 octobre 2002, il a été Chargé d'affaires e.p. en Pologne et ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire de la Libye en Guinée. Contact: Bastos; BP:1980; tel: 220.41.38 et 221.42.98 Afrique du Sud Au plan diplomatique, les relations entre la Rsa et le Cameroun remontent au 29 avril 1994. En 1998, ouverture du Haut commissariat du Cameroun à Pretoria. La Rsa fait pareil à Yaoundé en août 2003. Auparavant, et dès 1992, accord entre les deux pays dans le domaine du transport aérien. De gros intérêts sud-africains au Cameroun: en 1999, Mtn rachète de Camtel-mobile, Comazar participe à la privatisation de la Régie nationale des chemins de fer du Cameroun, Brobon Finex à celle de la Cameroon tea estate. Haut commissaire:à Yaoundé depuis le 1er octobre 2004. Siméon Selby Ripinga fut très engagé en politique. Jusqu'en 1994, il a combattu l'apartheid en Rsa. Militant de la Codesa. Il a pris part au processus de négociations pour le multipartisme. Membre du Comité exécutif de Transition qui a ouvert la voie à la démocratie. Il a été député de l'Anc de 1999 à 20O4. Titulaire d'un doctorat en Education, il a enseigné à University of North et à University of Trankei. Contact:Bastos; tel:220.04 38, 220.04.39 et 220.09.95 Cote d'Ivoire Les relations avec le Cameroun. remontent à 1960. En 1962, le Cameroun nomme un ambassadeur à Abidjan et, en 1978, la Côte d'Ivoire lui renvoie l'ascenseur. Accord commercial en 1961, traité d'amitié et de coopération en 1977… Visites au Cameroun de Houphouet Boigny (1978), de Konan Bedié (1996), de Gbagbo (2001). Paul Biya en Côte d'Ivoire (1985). En 2003, le volume global des échanges commerciaux étaient de 33.501 millions de Fcfa Ambassadeur: Né le 13 janvier 1949 dans le sud de la Côte d'ivoire, Paul Ambohalé Ayoman entre au ministère des affaires étrangères en 1976. Deuxième secrétaire en Iran (1977-1980), premier secrétaire en Espagne (1986-1990), conseiller en Egypte (1995-2000). En octobre 2000, il est promu ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire, directeur du protocole d'Etat, par le président élu Laurent Gbagbo. Il est nommé au Cameroun en 2002. Contact: Bastos; tel : 221.32.91 et 221 32 92 Algérie Les premiers rapports avec le Cameroun datent des années 50-60 ; des Camerounais ont soutenu la lutte de libération menée par le du Front de libération nationale. Les contacts diplomatiques sont établis après à l'indépendance en 1962. Les deux pays se vouent une estime réciproque. Au plan de la coopération, des bourses octroyées aux étudiants camerounais. Le nombre dépassera 60 en 2006-2007. L'assistance technique s'ouvre aux secteurs des Tic et de l'énergie. Les échanges commerciaux s'organisent. Ambassadeur: Azzouz Baallal est diplômé de la section Diplomatie de l'Ecole nationale d'administration de Alger (1978 -1982). A assumé de nombreuses fonctions dans l'administration centrale du ministère des Affaires étrangères (Balkans, Afrique, Droits de l'homme, Désarmement), la dernière étant celle de conseiller du ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines. A servi au Mali et à la Mission permanente d'Algérie à Genève. Contact: Bastos; BP: 1185; tel: 221.53.51 et 221.53.54 Tchad Les relations diplomatiques avec le Cameroun sont établies en 1960, avec l'ouverture d'un consulat du Tchad à Yaoundé. Premier ambassadeur du Tchad à Yaoundé en 1975, mais premier ambassadeur du Cameroun à N'djamena, seulement en 1988. Accord de coopération culturelle, scientifique et technique en 1985. En matière d'échanges économiques, le Cameroun est la voie de passage de l'essentiel des produits d'importation et d'exportation (pétrole de Doba) du Tchad. Ambassadeur: André Sekimbaye Bessan est né le 24 janvier 1946. Maîtrise en sciences de l'éducation. Enseigne la psychopédagogie. Plusieurs fois directeur et secrétaire général de ministère. Secrétaire d'Etat aux affaires étrangères (1998). Ministre de la Communication, puis du Développement touristique (1998 à 1999). Conseiller du président Déby (2003-2004). Octobre 2004: ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire au Cameroun et en Guinée équatoriale. Contact: Bastos; tel: 221.06.24 et 221.39.40 Nigeria Dès les années 1960, le Cameroun et le Nigéria établissent des relations diplomatiques. Les deux pays siègent à la Commission du bassin du Lac Tchad et sont liés par des accords couvrant des domaines comme le commerce, la pêche, la douane, l'immigration… Mais, jusqu'à l'arrêt de la Cour internationale de Justice de La Haye, le 10 octobre 2002, conflit entre les deux voisins sur la paternité de Bakassi. Négociations en cours pour l'application de la décision de la cour. Haut commissaire: Edwin Enosakhare est originaire de Benin City, où il est né le 10 mai 1947. Titulaire de diplômes en relations internationales obtenus en Angleterre et aux Etats-unis. Il entre au Nigerian foreign Service en 1976. Divers postes au sein du ministère des affaires étrangères et à l'étranger: Urss(1977-1979), aux Etats-unis (1980-1984), en Egypte(1986-1989), en Irlande(1992-1998). Peu avant le Cameroun, il était consul du Nigeria à New-york Contact: Bastos; tel : 221.5.09 et 22135.08 Egypte Les liens entre l'Egypte et le Cameroun sont fortement noués depuis les années 50: les mouvements de libération en Afrique, non reconnus hors du continent (cas de l'Upc), avaient l'oreille du président Nasser. Les relations diplomatiques, établies après 1960, sont basées sur le respect mutuel et le partenariat. Le Fonds égyptien de coopération technique met son expérience au service du développement du Cameroun. Ambassadeur: Mohammed Saad Mohamed Akl est très peu disert sur son parcours. Il est titulaire d'une licence en droit et d'un diplôme de l'Académie de police. Agé de 56 ans (il est né le 2 juin 1950), il parle couramment le français, l'anglais et le portugais. Avant le Cameroun il a servi la diplomatie de son pays à Luanda, en Angola, à Washington, aux Etats-Unis, et à Abu Dhahy. Il a également été consul général de l'Egypte à Rio de Janero, au Brésil. Contact:Bastos; BP:809; tel:220.39.22 et 220.26.47 Gabon Au plan diplomatique, les premiers contacts remontent à l'indépendance respective des deux Etats en 1960. Malgré quelques sautes d'humeurs enregistrées par le passé (en 1981, par exemple), les deux voisins entretiennent des relations cordiales. Manifestations concrètes de l'amitié: des Camerounais approvisionnent une partie du Gabon en produits alimentaires, tandis qu'une importante colonie camerounais vit au Gabon. Ambassadeur: Né le 28 mai 1957, Michel Madoungou, est membre du comité central du Parti démocratique du Gabon, le parti au pouvoir. Diplômé de la Faculté de droit de Paris, et de l'Institut international d'administration publique de Paris (section diplomatie), il entre dans la diplomatie en 1982 au sortir de l'Ena de Libreville. A été premier conseiller à Paris, à Londres et à Alger, entre autres postes. Avant Yaoundé, il était ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire en Rdc Contact: Bastos; BP:4130; tel: 221.02.24 Tunisie Début des relations diplomatiques: 1963. En 40 ans, sept sessions de la Grande commission mixte organisées. La dernière qui date des 9 et 10 mai 2006, s'est conclue par la signature de trois accords sur le transport aérien, sports et échanges culturels. Trois autres accords ont été paraphés. La coopération s'étend au tourisme, aux services… Le volume des échanges commerciaux entre les deux pays atteint environ 4,5 milliards de Fcfa Chargé d'affaires: Essid Riadh, qui a le grade de conseiller, intègre les Affaires étrangères en 1985, après des études de traduction (Anglais, espagnol…). Il parfait sa formation: Ena, Iiap de Paris, Ecole diplomatique de Madrid. Son parcours professionnel le conduit à la Direction Asie (dossier Inde, puis Chine), en Turquie (1er secrétaire), à Pretoria (conseiller). Avant l'arrivée à Yaoundé, en juillet 2005, il était directeur adjoint à la direction générale Afrique. Contact : bastos ; BP : 6074 ; tel : 220.33.68 et 221.05.07 Congo L'établissement des relations diplomatiques date de 1962. A partir de 1972, les deux pays mettent sur pied une commission mixte pour accélérer la coopération. Celle-ci se dote d'un cadre juridique avec la création de la Grande commission mixte en 1981, l'accord de coopération culturelle, scientifique et technique en1982, et l'accord sur le trafic aérien signé en 1982. La dernière commission s'est réunie en … mai 1990 Ambassadeur: Eric Epeny Obondzo est docteur en droit international (option diplomatie). Né le 27 décembre 1957 au Congo, il a une expérience professionnelle variée au sein du ministère des Affaires étrangères du Congo. Il été, notamment, chef de la division des relations internationales au cabinet du président de la République, premier secrétaire au Gabon, chargé d'affaires en Angola, ambassadeur extraordinaire et plénipotentiaire en Rca et au Tchad, avant d'atterrir au Cameroun Contact: Bastos; tel 221.24.58 Libéria La République du Libéria a noué des relations avec le Cameroun au niveau d'ambassadeur dès son accession à l'indépendance le 1960. Feu le président William Tubman fut des premiers à reconnaître l'Etat indépendant du Cameroun et effectua une visite officielle à Yaoundé. Depuis lors, les relations amicales sont maintenues et, malgré les conflits internes au Libéria, sa représentation à Yaoundé est restée ouverte. Chargé d'affaires: le remplaçant de Carpeh est très discret. Pourtant, son pedigree scolaire est impressionnant. Né le 24 octobre 1958, James Y. Massa a suivi plusieurs formations en relations internationales et en administration publique à l'Université du Libéria, à la Ibrahim Babangi Graduate school of international studies du Nigeria, et à l'Institute of diplomatic training du Caire. Il intègre le ministère des Affaires étrangères du Libéria en 1985. Contact: Bastos; BP:1185; tel: 221.12.96 et 220.97.81 Maroc Sous le président Ahidjo, les deux pays entretenaient des relations privilégiées. Elles sont restées cordiales. La preuve:la visite de Mohamed VI à Yaoundé en 2004. Actuellement, le Maroc finance plusieurs micro-projets au Cameroun. Une récente subvention d'environ 235 millions de Fcfa a permis la réalisation de 17 projets dans l'arrière-pays. De plus, de 1990 à 2005, le Maroc a offert 219 bourses d'études aux Camerounais. Ambassadeur: Amour Abdelfattah est né le 27 novembre 1946 à Casablanca. Sa Licence en sciences juridiques obtenue en 1974 le destine à une profession d'avocat, mais il opte pour la diplomatie et enrichit sa formation à l'Iiap de Paris (1984) et à l'Ena de Rabat (1985). Entré au ministère des Affaires étrangèrs en 1965, il a été consul et consul général dans plusieurs postes en Europe et à Djeddah, avant sa nomination à Yaoundé le 10 janvier 2006. Contact: Bastos; BP:1629; tel: 223.50.92 et 223.37.93 République Démocratique du Congo C'est en 1967 qu'a été ouverte l'ambassade de la République démocratique du Congo (Rdc) au Cameroun. Mais avant, les deux pays entretenaient déjà des relations diplomatiques. Aujourd'hui décédé, le dernier ambassadeur de la Rdc, Kutendakana Mpumbulu, couvrait aussi la Guinée équatoriale. Les deux pays ont conclu des accords de coopération dans les domaines de la santé, du sport, des Ptt, des mines, des transports … Chargé d'affaires: Marie-Jeanne Wayikani Ukurango est une ancienne du Mouvement populaire pour la révolution (Mpr), le parti-Etat qui domina la vie publique au Zaïre jusqu'en 1997 . Née le 14 juin 1952, elle a un diplôme de commerce à la base. C'est dans le protocole d'Etat qu'elle aura cependant fait l'essentiel de sa carrière. Le 4 avril 2003, elle est nommée 1er conseiller à Dar-es-Salam en Tanzanie, puis au même poste à Yaoundé le 30 janvier 2006. Contact: Bastos; BP: 632; tel: 220.51.03 et 221 39 02 République centrafricaine Les relations diplomatiques sont établies avec le Cameroun en 1962. Elles étaient des plus chaleureuses du temps du président Jean Bedel Bokassa qui qualifiait le président Ahmadou Ahidjo de "très cher et vrai frère". Le Cameroun est le point de passage des produits d'importation de la Rca. Déjà multiforme, la coopération s'est étendue aux problèmes de sécurité avec la recrudescence des attaques de bandes incontrôlées à la frontière commune. Chargé d'affaires: Né vers 1958, Jean Wenzoui est un administrateur civil, titulaire d'une licence en droit, issu de l'Ecole nationale d'administration et de magistrature (Enam) de Bangui. Avant sa nomination à Yaoundé comme 1er conseiller, il a exercé les mêmes fonctions successivement à Pékin en Chine (1987-1991), à Kinshasa en Rdc (1993-2000). De 1984 à 1986, il aura été Directeur des services généraux au ministère des Affaires étrangères. Contact: Bastos; BP: 396; tel: 220.51.55 Mathias Eric Owona Nguini: Le Cameroun ne paraît pas intéressant Le politologue analyse la carte diplomatique africaine à Yaoundé. Quels commentaires vous inspire la lecture de la liste des pays africains disposant d'une ambassade au Cameroun? Même si on y trouve des pays, relativement puissants sur les plans diplomatique et économique, tels que l'Afrique du Sud, l'Egypte, le Nigeria ou l'Algérie; même si on y trouve des pays économiquement prometteurs quant à leur ouverture sur la mondialisation comme la Tunisie ou le Maroc, la liste des pays africains ayant une ambassade à Yaoundé est construite autour des pays de la sous région qui sont le Gabon, le Congo, la Guinée équatoriale, le Tchad, la République démocratique du Congo et la République centrafricaine. Cela veut dire que, pour un grand nombre de pays africains, le Cameroun n'apparaît pas comme un lieu particulièrement intéressant de positionnement diplomatique. Cela peut poser problème dans une certaine mesure, compte tenu de la position structurelle du Cameroun dans l'Afrique centrale (Cemac) Quels sont justement les éléments d'attrait qui peuvent décider un pays africain à ouvrir une ambassade dans un autre pays africains? Les éléments d'attrait d'un pays peuvent être, par exemple, la crédibilité qu'on prête à sa politique étrangère, la crédibilité, légitimité et à la solidité de ses institutions, le potentiel économique et la crédibilité de la politique mise en œuvre pour valoriser ce potentiel. De manière générale, la capacité des autorités du pays à intervenir sur la scène africaine dans la gestion d'un certain nombre de dossiers politique et économiques compte beaucoup. Les diplomates africains en poste à Yaoundé brillent par leur discrétion. Comment interprétez-vous cette attitude? Cela relève d'un code de conduite qui caractérise la diplomatie africaine. Il y a une forte affirmation de la volonté des Etats à ne pas s'immiscer dans les affaires intérieures des pays homologues. En ce sens, le diplomate africain qui représente son pays dans une autre pays africain adopte généralement une attitude de stricte réserve. A vous écouter, le droit d'ingérence n'est pas africain… Il est difficile pour un ambassadeur africain, même d'un pays important au niveau régional comme l'Afrique du Sud, l'Egypte ou le Nigeria, pour ne prendre que ces exemples, de peser sur les autorités locales, comme peut le faire un ambassadeur représentant les Etats-unis, l'Allemagne, la France ou la Grande-Bretagne. Cela tient à la puissance internationale des pays qu'on représente. Avez-vous le sentiment que les pouvoirs publics accordent moins de considération aux ambassadeurs africains qu'à leurs homologues occidentaux? Si oui, à quoi cela est-il dû? Au plan protocolaire et symbolique, on ne peut pas penser qu'il y ait une préséance des ambassadeurs représentant les puissances occidentales. Toujours est-il qu'au plan stratégique, ils bénéficient d'une plus grande attention, compte tenue de la place de leur pays sur la scène internationale. En dehors du refus d'ingérence dans les affaires intérieures des pays amis, quels sont les autres traits caractéristiques de la diplomatie africaine? Présenter la diplomatie africaine comme un ensemble de pratiques communes est superficiel, parce qu'il y a de très grandes variations dans le style diplomatique des Etats africains. Certains cherchent à se positionner en tant que leader, non seulement au plan doctrinal, mais aussi à travers des initiatives stratégiques. C'est le cas de l'Afrique du Sud, de la Libye, du Nigeria dans une moindre mesure, et même d'un pays comme le Sénégal, qui, au plan des critères de puissance, ne paraît pas beaucoup doté. Il y a des pays qui ont une intense activité diplomatique, mais qui ne revendiquent pas de prétention doctrinale. C'est le cas du Gabon, dont le chef d'Etat use de sa position de doyen des chefs d'Etat en Afrique pour s'impliquer dans la gestion des certains situations de crise (Rca, Cote d'Ivoire, Togo). Il y a des pays qui disposent d'un certain potentiel structurel, au moins au niveau de leur sous région, et qui préfèrent une politique beaucoup plus opportuniste, une politique d'engagement sélectif et calculateur. C'est, par exemple, le cas du Cameroun. Vous soutenez que la diplomatie africaine est plurielle. Est-ce à dire que les Etats africains ne peuvent plus parler d'une seule voix sur la scène internationale? Il est difficile pour l'Afrique de parler d'une seule voix au plan international parce que cela suppose un travail de coordination, de mise au point et d'ajustement des vues entre les différents pays. Cela demande que ces Etats éprouvent leurs différences sur un certain nombre de grandes questions mondiales ou régionales. Les chefs d'Etat qui mènent la politique extérieure de leurs pays n'ont pas nécessairement les mêmes vues sur ces dossiers. Cela rend extrêmement difficile la conduite d'une politique commune articlée au niveau, par exemple, de l'Union africaine. Compte tenu de cette différence de perception, l'unité africaine peut-elle franchir l'étape de la simple rhétorique? Même avec la transition de l'Organisation de l'unité africaine à l'Union africaine, l'unité africaine fonctionne essentiellement sur le mode de la rhétorique. On est toujours dans un discours sur l'intégration régionale qui ne crée pas, de façon concrète, les conditions politiques et sociales de cette intégration. Pour créer ces conditions, les dirigeants africains auraient pu parier sur les avancées de l'intégration sous régionale. On ne peut pas construire une grande Afrique unie si on n'a pas déjà construit des sous régions crédibles représentées par des communautés politiques ou des gouvernements bâtis sur des modèles communs. Parce que la construction d'une intégration sous-régionale, c'est la construction d'une convergence des institutions politiques et économiques. C'est, au plan relationnel, l'activation d'un certain nombre de réseaux d'échanges, financiers et culturels. Or, à ce niveau, on reste essentiellement dans le discours Quels sont les autres obstacles à l'unité africaine? Le premier obstacle est le relatif manque de consistance doctrinal et stratégique. On n'a pas l'impression que les dirigeants africains pensent sérieusement à l'optique de l'intégration régionale et évaluent vraiment l'attrait stratégique que peut avoir la constitution de communautés sous-régionales et d'une grande communauté régionale en Afrique. Or, l'Afrique présente un certain nombre de handicaps structurels, au niveau politique et économique. Dans la nouvelle donne, elle ne peut affronter la mondialisation qu'en mettant en place un cadre de convergence qui est celui de l'intégration. C'est seulement avec une unité de pensée et d'action des différents leaderships africains qu'on peut construire progressivement un cadre qui va permettre aux Africains de se préparer à être propulsés dans la mondialisation. Il sont très peu compétitifs pour entrer dans la mondialisation, et ne peuvent le faire qu'à travers un cadre qui les y prépare. Et pour que la préparation se fasse, elle doit s'appuyer sur une politique sérieuse de convergence qui se base sur des objectifs stratégiques Que perd l'Afrique à remettre indéfiniment son unité à demain? Aucun pays africain ne gagne à s'enfermer dans ses frontières. L'autarcie nationale ne peut pas payer, en l'occurrence, parce que certains Etats ont un format très petit qui ne leur permet pas d'affronter par eux-mêmes les défis de la mondialisation. Par contre, l'Afrique pourrait utiliser les processus d'intégration sous-régionale et continentale pour renforcer ses capacités institutionnelles, et être capable de mettre en place de nouvelles bases productives. Ce faisant, à un certain moment, à partir de l'attrait suscité par les pays moteurs que peuvent être l'Afrique du Sud, la Tunisie, l'Algérie, le Nigeria, le Maroc, l'Egypte et, dans une moindre mesure, le Kenya, le Cameroun, la Côte d'Ivoire et le Ghana, l'Afrique peut mettre en place un tissu économique qui lui donnera, par la suite, la possibilité de mieux rebondir dans la mondialisation. Ici, le défi est de pouvoir utiliser la régionalisation pour créer les capacités de pouvoir et d'échange qui pourraient permettre à l'Afrique d'être moins marginalisée dans le contexte de la mondialisation. La mondialisation est une donne contraignante, mais personne ne peut y échapper. Il faut s'y préparer et créer les capacités pour pouvoir l'affronter. Doit-on redouter, à terme, la mort ou l'échec de l'Union africaine, quand on voit le peu d'empressement des dirigeants africains à accélérer le processus d'intégration, les conflits de vision entre leaders, et la politisation croissante de l'organisation avec la place prépondérante que prend le président au détriment du président de la commission? L'Union africaine reste essentiellement un cadre de démonstration. Elle ne s'est pas encore véritablement imposée comme le cadre de convergence stratégique et politique qu'on peut attendre. Cela peut se vérifier par exemple sur des dossiers qui me semblent essentiels pour l'Afrique, comme celui de la bonne gouvernance. Il existe dans le cadre de l'Ua le mécanisme d'évaluation par les pairs. Un tel mécanisme est un excellent outil d'évaluation de la qualité institutionnelle et du sérieux dans la conduite des affaires politiques et économiques. On constate également le peu d'empressement des pays africains à ratifier la convention de l'Ua sur la corruption. Ce qui montre le caractère essentiellement discursif de leur engagement en matière de lutte contre la corruption. Or ce sont là deux dossiers importants pour construire des gouvernances crédibles en Afrique. Le problème primordial de l'Afrique, c'est la gouvernance crédible qui s'appuie sur une légitimité sociale et populaire de ses dirigeants.




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