CEMAC: Le siege de la bourse régionale à Douala ?

Par François Bambou | La Nouvelle Expression
- 09-Feb-2010 - 08h30   53609                      
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En échange de la fusion des deux bourses de la zone Cemac, de la reconnaissance de la prééminence de la Cosumaf et de la dissolution de la Cmf, le Cameroun pourrait abriter le siège de la bourse régionale, à l’issue du processus amorcé.
Dans la bataille de positionnement entre les bourses de Douala et de Libreville en vue du leadership, la Commission de surveillance des marchés financiers de l’Afrique centrale (Cosumaf) semble sur la voie de faire passer son schéma d’intégration de deux places financières avec, en apparence, la part belle à Libreville. Pourtant, dans les faits, il est plus probable que Douala hérite du siège de la bourse à la fin du processus de fusion prévu par la Cosumaf. Dans la suite de ce scénario, une autre hypothèse consiste à spécialiser les deux bourses dans des catégories précises de transactions. Ainsi, Douala, fort du potentiel des entreprises susceptibles d’être cotées en bourse, serait spécialisé dans le marché des actions, tandis que Libreville serait dédié au marché des obligations. Selon la note présentée aux chefs d’Etat pendant le huis clos par Alexandre Gandou, et dont La Nouvelle Expression a pu obtenir copie, les positions du Cameroun, hostile à la fusion des bourses ou à l’instauration d’un régulateur unique, ont été affaiblies, voire ignorées. Toutefois, revenus au réalisme économique, les chefs d’Etat auraient ainsi avalisé l’hypothèse d’un maintien du régulateur de la bourse à Libreville. Par contre, dans le schéma optimal de fusion des deux places boursières, le siège de la bourse régionale serait à Douala, la capitale économique de la sous région, qui produit à elle seule près de 30% des richesses de la communauté. Une solution d’autant plus facile à obtenir pour le Cameroun que Libreville garderait les régulateurs tels que la Cosumaf (bourse), la Cobac (banques) et la Cima (assurances). Des lignes de crédit mobilisées Jouissant du privilège de diriger une institution de la sous région, Alexandre Ngandou a été admis à exposer devant les chefs d’Etat réunis à huis clos. Lors de cette présentation devant les six chefs d’Etat de la Cemac assistés de quelques collaborateurs, le président de la Cosumaf n’a pas été modeste dans ses prétentions. Aussi a-t-il demandé aux chefs d’Etat de la Cemac : « De réaffirmer la nécessité d’une intégration du marché financier de la Cemac ; d’ordonner le rapprochement des deux bourses ;et d’instaurer une autorité régionale unique de la régulation financière, à l’instar de la Cobac pour le marché bancaire et de la Cima pour le marché de l’assurance ; de recommander dans le processus de l’intégration des deux marchés boursiers que la fusion représente l’étape ultime qui permet d’assurer l’unicité du marché boursier au sein de la Cemacla Banque mondiale et la Bad ont mobilisé une ligne de crédits sous forme de dons pour financer la refonte des textes règlementaires du marché financier de l’Afrique centrale, de manière à les harmoniser et travailler à la connectivité des plates-formes opérationnelles des deux bourses. ». Comme pour dire aux chefs d’Etat que ce processus est urgent, Alexandre Ngandou leur a signalé que les bailleurs de fonds tels que... (?) Afin de dissiper toute crainte des responsables actuels de la Commission des marchés financiers (Cmf) du Cameroun, il a suggéré aux chefs d’Etat que dans la configuration du régulateur unique, le personnel des deux organes de régulation sera positionné dans un seul et même organigramme et la dimension régionale du marché financier à réguler et surveiller imposera que la localité du siège soit à la fois à Libreville et à Douala. De l’art de ménager la chèvre et le chou. En échange de ces concessions, le Cameroun devrait fermer la Cmf, pour qu’il y ait un régulateur unique, la Cosumaf. Mais pour le moment, les responsables de la Cosumaf continuent de marcher sur les œufs, en évitant au maximum de froisser l’orgueil camerounais qui a mis en place une structure complète pour faire vivre son marché financier. Nouvelle architecture En attendant d’en arriver, quelques mesures vont être prises dans l’immédiat, pour concrétiser le rapprochement exigé par les chefs d’Etat entre les deux bourses. Selon le schéma de la Cosumaf, il s’agira de travailler à une réglementation harmonisée de l’ensemble des marchés financiers de la Cemac, ce à quoi la partie camerounaise n’était déjà pas radicalement opposée. Il est aussi question de la mise en place d’une nouvelle architecture des acteurs du marché financier. Cette disposition permet définitivement à la Cosumaf d’asseoir sa prééminence sur l’ensemble du système sous régional, puisque c’est bien elle qui a été chargée par les chefs d’Etat d’opérer le rapprochement. Le Cosumaf entend aussi saisir ce nouveau pouvoir pour atteindre un des ses vieux rêves : l’harmonisation et l’unification des textes règlementaires régissant l’organisation et le fonctionnement des deux bourses. Parmi les mesures transitoires fortes, on note l’ambition de « la mise en place d’un « passeport Cemac » en matière d’appel public à l’épargne qui consacre la reconnaissance mutuelle de sorte qu’un même document d’information suffise pour une émission réalisée simultanément sur les deux places boursières ». Des sommes colossales englouties. Ce processus de fusion suffira-t- il à faire décoller la bourse sous régionale dix ans après sa création ? Il semble bien que non, même s’il offre des avantages certains. Car, au plan régional comme au Cameroun, il y a une inertie certaine de l’activité boursière. Au Cameroun, les acteurs boursiers se sont contentés de vivre d’apports de l’Etat, surfant sur la fierté nationale d’avoir enfin une bourse pour en obtenir toujours davantage. Ainsi, non seulement les acteurs boursiers camerounais ne sont pas parvenus à remplir leur mission du fait de leur atonie, mais ils ont été supplantés par les autorités régionales dont le lobbying proactif et les campagnes de communication judicieuses ont finalement payé. Douala, qui prétendait avoir le meilleur potentiel, est resté à piétiner comme Libreville. Au point où, aujourd’hui, il ne coûte presque rien à Paul Biya d’accepter la fusion des deux places et la dissolution d’un instrument qu’il a mis en place, car il s’agit presque de coquilles vides en l’état actuel. Quant aux autorités régionales, elles ont passé dix ans à rechercher les moyens d’absorber la bourse de Douala sans jamais se pencher sur leur tâche première : promouvoir le développement des activités sur ces places financières. Des sommes colossales ont été englouties dans ces missions de lobbying et de communication, sans que la bourse de Libreville, en dix ans, atteigne la vitesse de croisière. On voit bien mal comment la fusion des bourses ou le déplacement du siège suffira à changer ces acteurs ou à stimuler le marché. Vivement que la Cosumaf commence à se pencher sur l’après fusion.




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