Indic ou mendiant ? Un faux journaliste de Rfi arrêté à Yaoundé

Par Marie-Noëlle Guichi | Le Messager
- 12-Jul-2004 - 08h30   54126                      
5
Le suspect dit s’appeler Augustin Minko. Face à la gendarmerie, il ne portait aucune pièce d’identité sur lui. Acculé, il a déclaré être un indic en service à la Direction générale de la recherche extérieure, l’ex-Cener. Au quotidien, il écume les rédactions, et «couvre» toutes les cérémonies, surtout, les meetings politiques...
Augustin Minko, appelons le ainsi, s’est présenté à plusieurs cérémonies comme journaliste de Rfi. Vendredi 9 juin dernier, mal lui en a pris. Ce jour-là, le prétendu journaliste, la quarantaine approchante, se présente à la cérémonie de dédicace de l’ouvrage de Patricia Tamaino Ndam Njoya, comme correspondant permanent de Radio France internationale au Cameroun. Sans hésiter, les organisateurs de l’événement l’installent sur le siège réservé au reporter de cette radio étrangère. La scène attire l’attention des autres journalistes qui ne reconnaissent pas ce « confrère ». L’un des correspondants de la Bbc n’y comprend rien , d’autant qu’il a longtemps collaboré avec David Ndachi Tagne , le très connu correspondant de Rfi au Cameroun. Le journaliste de la Bbc pousse sa curiosité plus loin en joignant par téléphone David Ndachi Tagne qui arrive illico presto sur les lieux et demande à voir celui qui venait de se prévaloir du titre de journaliste de Rfi. Augustin Minko lui est présenté. Visiblement, les deux « collègues » ne se connaissent pas. Interrogé sur les modalités de sa collaboration avec Rfi, Augustin Minko se débine et déclare travailler plutôt avec Afp (Agence France Presse). Malheureusement pour lui, c’est encore David Ndachi Tagne qui est le correspondant permanent de cette agence au Cameroun. Acculé, il change de discours et dit être responsable d’un journal appelé « La boussole ». Un titre qu’aucun journaliste présent ne se souvient avoir aperçu dans les kiosques un jour. Le fameux Dp est sommé de montrer sa dernière parution. Et la carte de presse alors ? Toujours rien ! Sa carte d’identité nationale. « Je l’ai perdue dans la foule, lors de la dernière marche des opposants de la coalition », tente-t-il d’expliquer. Et le certificat de perte ? « Je ne l’ai pas encore établi, faute d’argent ». Une filouterie qui achève de convaincre Ndachi Tagne sur la mauvaise foi de son interlocuteur. Le vrai journaliste de Rfi saisit alors la gendarmerie de Nlongkak qui prend près d’une heure pour arriver. Manu militari, Augustin Minko est emmené à la Brigade de gendarmerie de Nlongkak où le maréchal de logis Moutongo se charge de l’interrogatoire. Le prétendu journaliste de Rfi soutient ici qu’il connaît bien David Ndachi Tagne « ce grand frère » chez qui il est allé un jour solliciter un emploi, notamment comme collaborateur à Rfi. « Faux ! », soutient fermement David Ndachi Tagne. Complètement déboussolé, Augustin Minko se lève de son siège et souffle un mot à l’oreille du gendarme Moutongo. Un geste qui met la puce à l’oreille de tous les curieux , parmi lesquels le reporter du journal Le Messager. Les personnes qui, jusque-là, assistaient presque passivement à l’interrogatoire se substituent maintenant à l’interrogateur et somment le faux journaliste de décliner sa vraie identité. « Dis-nous si tu es flic », lui lance-t-on de part et d’autre. « Oui, je suis un indic », répond-il, sans gêne. Mais difficile de le vérifier, puisqu’il n’a aucune carte professionnelle. Un flic au Messager C’est alors que la puce de son téléphone portable est récupérée et visualisée sur un autre appareil. A l’intérieur, on découvrira le numéro du téléphone portable de plusieurs hauts gradés, dont le directeur général de la recherche extérieure (Dgre), Oubélabout, et celui de son secrétaire particulier ; de même que le téléphone portable du préfet du Mfoundi, Mani Pascal. Augustin Minko, avoue « collaborer » avec toutes ces personnalités-là. Pourtant, il serait, selon ses propres dires, enseignant de carrière. Un enseignant d’un autre genre, puisqu’il déclare n’avoir pas été dans une école de formation pour devenir enseignant. Où enseigne-t-il ? Bouche bée. L’une des personnalités dont le numéro de téléphone portable a été repéré dans la puce du faux journaliste c’est Philémon Adjibolo, le président de la Chambre d’agriculture. Contacté grâce à ce numéro, Philémon Adjibolo s’est vaguement rappelé qu’il y’a quelques temps, un individu dont il ne se souvient plus du nom, mais ayant pratiquement les mêmes caractéristiques physiques que celles qu’on lui décrit, parlant de Augustin Minko (crâne nu, de petite taille, corpulence moyenne, de teint clair), s’est présenté à son bureau comme correspondant de Rfi , et lui a demandé une assistance financière de 30 000 (trente mille francs) pour se rendre aux obsèques de son neveu. Journaliste, flic ou mendiant ? L’enquêteur s’en remet finalement à David Ndachi Tagne pour qu’il décide du sort à réserver à cet individu aux mille casquettes. Contre toute attente, le journaliste de Rfi demande tout simplement à Augustin Minko de faire une déposition dans laquelle il reconnaît avoir usurpé le titre de correspondant de Rfi et Afp, et s’engage désormais à ne plus commettre pareil acte, auquel cas il encourrait des sanctions pénales. Sans se faire prier, Augustin Minko s’exécute et on le relaxe. Il faut le dire, le faux journaliste de Rfi écume au quotidien les rédactions, notamment celle du journal Le Messager où il se présente constamment comme frère d’un employé du Free Media Group, exerçant à Douala. A chacun de ses passages à la rédaction du Messager de Yaoundé, il trouve toujours le moyen d’engager des discussions au cours desquelles il suit religieusement les points de vue des journalistes. Augustin Minko aurait également été aperçu, à maintes reprises dans les couloirs de La Nouvelle Expression à Yaoundé. Comme quoi, les flics infiltreraient la presse. Faites gaffe !




Dans la même Rubrique