Réunification AN 44: Jean Marcel Mengueme témoigne

Par Nicolas AMAYENA , Aimé-Francis AMOUGOU | Cameroon Tribune
- 29-Sep-2005 - 08h30   55751                      
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La conférence constitutionnelle tenue à Foumban au courant de l’année 1961, quelques mois avant la date du 1er octobre, aura été une étape majeure dans la mise en place du futur Etat qui allait naître après la Réunification.
Petite ville presque inconnue et ne payant pas du tout de mine à l’époque, Foumban fut propulsée au devant de la scène grâce à cet événement. Le témoignage de Jean Marcel Mengueme, ancien ministre, alors préfet du Bamoun. Vous étiez préfet du Bamoun en 1961 au moment où la ville de Foumban devait accueillir la conférence constitutionnelle préparatoire à la Réunification. Quels souvenirs en avez-vous gardé ? La conférence constitutionnelle de Foumban a été un moment particulièrement important dans ma carrière. Jusque-là, j’avais été sous-préfet à Djoum et à Saa. Je suis arrivé comme préfet à Foumban le 12 mai 1960 et vers la fin de cette année là, le président Ahmadou Ahidjo voulait me muter à Garoua. Mais, le sultan des Bamoun, Seidou Nji Molluh et le ministre de l’Intérieur, Njoya Arouna, pour une fois, se sont mis d’accord pour demander au président de la République de me laisser à Foumban. Au plan politique, en quoi consistaient les préparatifs ? Dès que la nouvelle de la tenue de cette conférence à Foumban a été annoncée, nous avons eu la visite d’un compatriote anglophone dont je ne peux oublier le nom, Sah Mofor. Il est venu à Foumban nous demander de mobiliser la population afin que ces assises connaissent un grand succès, parce que l’événement était très important pour notre pays. Il nous a longuement entretenu sur l’avantage que nous avions au niveau de Foumban d’abriter cette conférence constitutionnelle et pour le pays en général qui devait ainsi renaître après la très longue et douloureuse division. Aussitôt, nous avons lancé une vaste campagne de sensibilisation des populations. Arrive la conférence, comment ça se passe ? Qui sont les principaux acteurs en dehors de ceux que nous connaissons ? De ma position de préfet, j’avoue que je n’approchais pas trop ces personnalités. Toutefois, je dois reconnaître comme tout le monde le sait, qu’il y a eu des acteurs de premier plan pendant ces assises : Ahmadou Ahidjo, John Ngu Foncha, Salomon Tandeng Muna… mais aussi ce Sah Mofor dont je parlais tantôt. Il n’avait aucun rôle officiel, mais on l’a vu un peu partout, au four et au moulin, œuvrant pour la réussite de l’événement. De manière générale, les débats étaient très houleux, comme nous l’apprenions dans les coulisses ; car, chaque délégation défendait fermement sa position. Permettez-moi cependant de m’appesantir; à partir de la position que j’occupais, sur le climat social qui a régné tout au long de la conférence. C’était la sérénité, la convivialité et la fraternité qui ont prévalu à Foumban. Tout à l’heure, j’ai oublié de parler de quelqu’un qui a joué un rôle considérable pendant cette conférence, même s’il n’était pas toujours en salle. C’est le sultan Seidou Nji Molluh. En effet, la conférence était prévue pour durer trois jours, mais elle a finalement mis une semaine, grâce à lui en partie. Il avait mis un point d’honneur à ce que les Camerounais présents à Foumban se sentent totalement chez eux. Il a offert la ville de Foumban dans ses moindres délices à ses hôtes et c’était plus rassurant encore pour nos frères anglophones. Ce sont ces mêmes assurances qui leur étaient données pendant la conférence qu’ils avaient plus à gagner de la réunification. Il y a également une autre personnalité que je citerai, c’est le ministre des Affaires étrangères Betayené qui a joué un rôle particulièrement important pendant les travaux. Il veillait personnellement à ce que chaque personnalité présente, surtout nos compatriotes venus de l’autre côté du Mungo, ne manquent de rien. A cet égard, il y avait la fameuse " auberge de Foumban " qui servait de cadre de relaxation aux participants (rires). Tout cela participait d’une certaine mise en confiance de nos compatriotes. Est-ce qu’il vous était revenu que du côté de la délégation venue du Cameroun britannique, certains ne voulaient plus de cette réunification ? Bien sûr, on nous a dit qu’il y avait des opposants à la réunification qui avaient pris part à la conférence, mais je ne peux pas vous donner la preuve que tel ou tel était contre la réunification. Mais, il y avait des compatriotes de l’autre côté qui estimaient qu’ils pouvaient évoluer tout seuls après l’indépendance du Cameroun britannique, sans s’unir avec les " Français ", parce qu’ils nous appelaient ainsi. Tandis que d’autres comme Foncha ou Tandeng Muna étaient là pour leur dire qu’ils avaient tout intérêt à retrouver leurs frères. Où s’est tenue la conférence à Foumban et comment étaient organisés les travaux ? C’est au lycée technique de Foumban actuel, alors appelé Ecole normale des instituteurs adjoints (ENIA) que s’est tenue la conférence constitutionnelle, non loin du domicile de Njoya Arouna. Les salles de classe et la salle principale avaient été aménagées pour accueillir les conférenciers. La cérémonie d’ouverture de la conférence avait été présidée par Ahidjo et Foncha, les deux chefs de délégation, et les travaux se sont poursuivis en ateliers. Mais, je le redis, cela ne relevait pas de ma compétence. Mon rôle était de m’assurer que les participants étaient bien entretenus à Foumban. Et 44 ans après, je dois reconnaître que les populations de Foumban en particulier ont largement contribué à la réunification de ce pays, grâce à leur hospitalité. A la fin de la conférence, les gens regrettaient de partir. Pour beaucoup, une semaine, c’était finalement trop peu. Entre la fin de la conférence et le 1er octobre 1961, comment ça s’est passé ? Tout était déjà sur les rails de part et d’autre, on attendait plus que la date du 1er octobre pour concrétiser le grand engagement de revoir à nouveau le Cameroun uni. Au plan personnel, après la conférence, ma mission à Foumban était terminée, puisque j’ai été affecté à Garoua.




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