Affaire des 100 milliards de Franck Biya: Un caillou au cœur de la république

Par Désiré Essama Amougou | Correspondance
- 08-Dec-2012 - 08h30   50420                      
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Est-ce le début de la chute du clan ou un simple cauchemar en affaires? Derrière l'éclat du pouvoir et les ors du Palais de l’Unité, une révélation explosive mine la sérénité depuis des semaines.
Est-ce le début de la chute du clan ou un simple cauchemar en affaires? Derrière l'éclat du pouvoir et les ors du Palais de l’Unité, une révélation explosive mine la sérénité depuis des semaines. Dans une ambiance post apocalyptique, l’affaire des 100 milliards n’arrive toujours pas à quitter le devant de la scène. La République est à nue, la controverse enfle, une fois de plus, le régime navigue en pleine eau trouble. Ce n’est pas la montée aux barricades de quelques sicaires du pouvoir avec des résultats discutables qui y changerait quelque chose. Dans la poudrière de ce débat immanquablement partisan, le peuple a droit à la vérité. A y regarder de près, il pourrait s'agir du plus gros délit d'initié et un des plus grands trafics financiers jamais enregistré au Cameroun. L’affaire est peu ordinaire. Une association jusque là inconnue, l’Alliance pour la Défense du Bien Public, grâce à une veille citoyenne, alerte avec force détails, les députés de la Nation réunis en session ordinaire sur une affaire sulfureuse. Le dossier, l’association semble bien le connaître. 100 milliards de franc CFA! Le chiffre donne du tournis. Principal protagoniste de ce scandale retentissant, le citoyen Franck Emmanuel Biya, fils aîné du chef de l’État camerounais, Paul Biya. Mais qu’importe, avoir eu le privilège de la naissance n’interdit pas de voir plus clair dans ses faits et gestes dès lors que l’affaire relève du domaine public. Dans cette ambiance délétère, des supplétifs du régime, sont sortis du bois pour enfourcher la monture de la défense. Ces « stars » qui lorgnent la consécration ou le maintien, en s’engageant utile dans le sens du vent, sur le dos d’un ennemi commun, tous ceux qui égratignent Paul Biya et son entourage. Un magistère inconvenant qui permet d’étaler leurs petitesses au grand jour. Comme à leurs habitudes, au lieu de convaincre à travers des faits vérifiés et vérifiables, ils ont plutôt versé dans des artifices en faisant l’apologie du fils, un homme au parcours irréprochable. Et toute personne allant à l’encontre de leurs logiques affairistes est aussitôt « brulée » sur la place publique. Une posture qui n’a jamais convaincu personne et ne dégomme pas les faits. Une situation ubuesque Dans cette configuration, Paul Biya et sa famille sont devenus pour eux, le rempart pour continuer à se faire une place au soleil en toute quiétude. Cette fine fleur de la mystification porte la morale des bien-pensants à la boutonnière. La défense du régime, quand bien même sa démarche s’écarte de toute rationalité est devenue pour eux une obligation pour bénéficier à tous les coups des faveurs du prince. Pour la plupart de ces « clercs », leur soutien indéfectible et inconditionnel à Paul Biya est devenu une de leurs marques de fabrique. Sur la forme et sur le fond - Dans cette affaire, inutile de vouloir rechercher de l’empathie, il n’y a pas de délit de patronyme parce que fils de l’autre, comme ils semblent vouloir le faire passer dans l’opinion. - D’où vient-il que le RDPC en fasse son affaire? Ce n'est ni le RDPC, encore moins le gouvernement qui sont incriminés, mais un citoyen comme tout le monde assujetti aux lois de la République. - Le mis en cause, tout comme son père de président ont gardé un silence de mort sur l’affaire depuis son déclenchement. - Idem pour les présumés complices: la CNPS, CAMTEL et la CAA qui en ont fait pareil. Reste que les faits sont là, têtus. Franck Biya a bel et bien mené cette opération financière à polémiques à travers sa société AFRIONE. Personne ne le nie, pas même ses avocats de circonstance. Il est à noter également que la recherche du gain pour un opérateur économique n'a jamais constitué une infraction. Bien au contraire, c’est l’essence même de son engagement dans les affaires. Ce qui fait problème ici, ce sont les conditions d’acquisition et de vente de ces titres du trésor qui auraient été entachées d’irrégularités flagrantes. Ce ne sont donc pas le pedigree ou la discrétion exhibés qui peuvent constituer des certificats irrécusables de bonne moralité de Franck Biya. D’ailleurs à qui Franck Biya a-t-il donné le mandat d’agir ou d’intervenir comme porte-parole de AFRIONE ou de INGENIERIE FORESTIERE son autre entreprise connue au Cameroun? N’est-il pas normal que l’intéressé vienne lui-même s'exprimer? En voulant se substituer à lui, Tout porte à croire qu’on veut obstruer la manifestation de la vérité et la saisine de la justice. Le public n’est cependant pas dupe de cette connivence. Comment se prononcer sur ce dossier sans avoir en mains tous les éléments de l’opération. N’y a-t-il sans doute pas lieu de tirer le chapeau à « l’inquisiteur » à l'origine de l’affaire pour avoir été bien inspiré de la porter sur la place publique? On peut accorder à cette association le bénéfice du doute et de la probité. C’est sûrement cette quête qui a dû l’animer dans sa démarche, se laissant guider par le seul souci de transparence dans l’espace public dans un microcosme politico-administratif des plus nébuleux. Cette association n’a pas instruit un procès. Elle n’a fait qu’une révélation jusque-là enfouie dans les secrets d’État les mieux gardés. Certes, la présomption d’innocence ou de culpabilité, c’est l’affaire de la cour! Mais comment ne pas adhérer à cette croisade morale qui prône la vigilance du peuple soumis depuis des lustres au joug de politiciens et d’opérateurs économiques véreux ? Des intellectuels toxiques… Contrairement à l'association accusatrice qui a apporté des documents à sa dénonciation, les censeurs du pouvoir sont entrés en lice de façon intempestive, avec des arguments aussi superfétatoires que grotesques. Ces kamikazes sont prêts à tout, quitte à être déchus de leur piédestal usurpé. Ainsi, sous le couvert de la défense du fils du « créateur », d’aucuns comme le chef traditionnel de 3e degré de Nkolandom et non moins ministre de l’enseignement supérieur, dans son langage ampoulé habituel, se sont portés garants du cursus académique de Franck Biya, omettant de nous dire qu’il y avait des vides flagrants à l’instar du probatoire de l’enseignement général dont il n’avait pas pu compléter toutes les épreuves à l’époque, bien qu’au final, son nom ait figuré sur la liste des admis comme par enchantements. Ce dernier ne faisait-il pas partie de la délégation qui a accompagné son père en visite au Vatican? Fame Ndongo nous fera probablement croire un jour que Franck Biya, en plus d’être blanc comme neige, a également le don d’ubiquité pour être à la fois au Vatican et dans une salle d’examens à Yaoundé. Et dire que pour son honnêteté en affaires, il nous demande de croire en ses talents de businessman intrépide, c’est nous exhorter pas moins, de lui donner le bon Dieu sans confession. L’affaire des 100 milliards est venue remettre à la lumière ce groupuscule d’activistes omniprésents et «d’intervenants politique permanents» qui croient dicter à l’opinion, ce qui est bon à retenir. Dans leur manque flagrant de discernement, ces personnages loufoques s’invitent parfois de leur propre chef aux débats sur les plateaux télés et les colonnes des journaux, pour défendre les intérêts menacés de la coterie, au détriment de ceux de la population. Laissant peu ou pas de place à des intellectuels dignes de ce titre. Ces maîtres incontestés de la manipulation des esprits, illusionnistes de la science infuse dont le prisme déontologique sélectionne soigneusement les causes à défendre en fonction des intérêts supérieurs qu’ils servent, et du profit personnel qu’ils en tirent. Généralement, ce sont des noms familiers qui s’égrènent au fil des semaines, un cercle de «clercs» bien peu vertueux pour la bonne marche du pays. Au lieu de permettre au citoyen de réfléchir, ils veulent lui enfoncer dans la tête des faits intellectuellement frelatés et toxiques. En enfumant le public avec habileté, portés par une connivence journalistique qui leur permet de continuer librement leur tour de passe-passe sans se faire prendre, ces intellectuels déforment la réalité avec doigté pour servir leurs intérêts égoïstes. On dirait qu’ils portent leur vie sur leur ventre! Il y a quelques mois encore, le même Fame Ndongo demandait à Marafa après ses sorties épistolaires de garder ses talents littéraires pour les juges et le tribunal. Comme quoi, la voie de la justice est bonne pour certains, mais pas pour d’autres. Pourquoi Marafa et pas Franck Biya? Revoilà donc ces gens revêtus des oripeaux d’avocats ou de procureurs plaidant à décharge, prompts à s’engager à la cause de manière intéressée, quitte à écorner leur prestige. Ils sortent le sabre pour réduire à néant tout opposant à leur pensée unique. Décidément, la bêtise est la chose la mieux partagée dans les allées du pouvoir. En fait, tout ce tapage orchestré participe d’une stratégie de communication mal ficelée pour brouiller les pistes. Une astuce pour faire dans le dilatoire. A la tête de cette grande fresque du cynisme banalisé, il y a les journaux à gages. Une presse prébendière mise à contribution au plus offrant à coups de francs CFA ou au service du frère du village. Quand il s’agit de ces journaux là, on ne parle pas de dérives déontologiques, car ils portent le message du maître, un message qui arrange le pouvoir… Dans cette assemblée polissonne où on retrouve pêle-mêle, certains thuriféraires des médias à capitaux publics, des individus comme Amougou Belinga, de l’Anecdote, qui le premier a tiré la première balle, devenu socio-politiste à Cameroon Tribune pour les besoins de la cause ; Fame Ndongo, dans le rôle de chef d’orchestre, tout récemment Pauline Biyong, qui s’est rappelée qu’il fallait justifier son « gombo » de la présidentielle de 2011, ou encore l’autre curiosité de cet attelage baroque, un certain Janvier Mvoto Obounou, un sombre professionnel des médias et obligé du ministre de l’enseignement supérieur, sans lequel il aurait fini sa vie dans l’anonymat, et qui comme son maître, ne s’est pas privé de venir donner des leçons, oubliant de balayer devant sa porte. Vous souvient-il avoir vu ou entendu le sieur Mvoto Obounou prendre une position courageuse une seule fois dans toute sa carrière de journaliste hors échelle et multi retraité encore en poste de directeur au Mincom? A moins qu’il n’ait signé sous d’autres noms comme l’a très souvent fait son mentor. Pouviez-vous deviner un seul instant qui se cachait derrière le pseudonyme Ossoubita Ebolo d'Assotol? N’est-ce pas Fame Ndongo qui, dans une autre vie en berne aujourd’hui, écrivait des articles au vitriol dans le journal «Le Patriote», contre des personnes respectables de ce pays? Au-delà de la sérénité affichée, l'enfer! Quoiqu’on dise, la problématique que pose cette affaire est plus que jamais d’actualité : la moralisation de l’espace public. Le mérite de cette dénonciation est de soulever des questions lancinantes : Franck Biya a-t-il tiré profit de sa position privilégiée pour spolier le trésor public? A-t-il ou non volé le contribuable camerounais? Doit-on tout se permettre sous le prétexte stupide que papa est aux affaires? L’opération s’est-elle déroulée dans la transparence la plus totale et l’égalité de tous les créanciers? Voilà les questions essentielles auxquelles seule une enquête publique et indépendante pourrait apporter des réponses, rétablir la vérité et départager les camps? Elle s’impose… Franck Biya est accusé d’avoir usé de ses appuis dans l’appareil de l’État pour acheter les Obligations du Trésor à Coupon Zéro (OTZ) en deçà de leur valeur de marché à deux sociétés d’État, la CAMTEL et la CNPS. L’opération a été rondement menée avec la complicité de la Caisse autonome d’amortissement (CAA) dirigée par son cousin, Dieudonné Evou Mekou. La transaction s’est effectuée à travers sa Société AFRIONE, spécialement créée pour les besoins de la cause. Les titres ainsi achetés ont été revendus à prix d’or au trésor public quelques temps après, permettant au fils du Président d’empocher une énorme plus-value. A-t-il payé des impôts sur cette grosse plus-value, combien? Les faits rapportés sont assez graves et devraient amener la représentation nationale à s’y pencher ou alors à demander l’ouverture d’une information judiciaire. Imaginez un seul instant le nombre de routes bitumées, des adductions d'eau, de centrales électriques, d’écoles, d’universités et d’hôpitaux construits ou équipés dans nos villes et villages avec le montant de cette transaction. Au-delà des interminables magouilles décriées, le pouvoir est au pied du mur. Cette histoire est inacceptable et immorale dans un pays exsangue. Surtout avec ce sentiment d'impuissance, voire d'abandon que de nombreux Camerounais portent jusque dans leur chair. L’affaire des 100 milliards est d’autant plus paradoxale pour le régime que le chef de l’État prétend lutter contre les prévaricateurs de la fortune publique. Pour taire les passions déchaînées ici et là, n’était-il pas opportun pour lui de saisir cette occasion pour montrer son impartialité et sa distanciation dans la conduite des affaires de l’État en ordonnant une enquête, qu’elle soit du parlement ou de la justice? Paul Biya se voulant être le champion de la non impunité, sa position sur cette affaire est très attendue. À moins qu’il ne craigne de se tirer une balle dans le pied. À défaut de rester silencieux, les fantassins du pouvoir feraient mieux d’être un peu plus discrets dans leur boulimie spéculative, au lieu de faire peser de lourds amalgames sur des faits supposément réels, en voulant brandir à tout-va, la menace de la manipulation. On ne saurait demander aux uns de se serrer la ceinture, et aux autres de se sucrer le bec sans effort. Simple question d’équité… L’éthique ne saurait être un vain mot. Vivement que l’enquête commence! Dr Désiré Essama Amougou Hearst, Ontario (Canada) [email protected]




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