La carrière des joueurs, entraîneurs dépend souvent de ces intermédiaires.
La trêve dans la plupart des championnats européens fait place, depuis quelques jours, à une actualité axée sur les départs et les arrivées des joueurs et entraîneurs dans différents clubs. La dernière nouvelle à avoir suscité la polémique a été l’arrivée annoncée du Français Thierry Henri au Football Club de Barcelone pour trois ans. Club où évolue déjà le Camerounais Samuel Eto’o Fils. Information vite démentie mardi dernier par l’agent du Français, Jérôme Anderson.
Plus proche de nous, au Cameroun, l’une des raisons évoquées pour expliquer l’absence, le mois dernier, de la sprinteuse Sergine Tatiana Kouanga au meeting international de Brazzaville en République du Congo a été la brouille entre le père de l’athlète, Jean Yves Kouanga, et la Fédération camerounaises d’athlétisme, qui voulait " l’obliger à signer un contrat avec l’Allemand Thomson, qui devait s’occuper de la carrière de Sergine Kouanga. Lequel devait prélever 15% des gains ". Cette clause avait suscité le refus de Jean Yves Kouanga. Quelques jours plus tôt, des parents d’autres jeunes joueurs se plaignaient du fait qu’un certain agent leur avait pris de l’argent en leur expliquant qu’il devait amener leurs enfants en Europe pour une aventure sportive. Malheureusement, les jeunes ont été abandonnés à eux mêmes.
En ce qui concerne le football camerounais, " une cinquantaine de joueurs sortent chaque année, en obtenant un certificat de transfert international ", selon le vice président de la Fédération camerounaise de football (Fécafoot), Jean René Atangana Mballa, qui s’exprimait lors d’une conférence de presse au Café littéraire, à la fin de l’année dernière. Selon un agent de joueur, " ils sortent trois fois plus chaque année ", dans les valises des agents de joueurs. Ils veulent tous devenir comme Samuel Eto’o Fils, Rigobert Song Bahanack ou Achille Emana. Mais ils finissent, pour la plupart, dans des aventures périlleuses.
Une situation qui a poussé un ancien Lion indomptable, Jean-Claude Mbvoumin à fonder en France en 2000 l’association Culture foot solidaire. " Rien qu'en Ile-de-France, ils sont des milliers, en situation irrégulière, à jouer pour se payer une carte orange ", explique l'ancien international camerounais qui poursuit : " souvent, ils n'ont qu'un kebab pour seul repas mais ils continuent à s'entraîner ". Jean Claude Mbvoumin, dit avoir déjà recueilli jusqu’ici plus de six cents Africains, trompés, abandonnés, naufragés, par des agents de joueurs.
Classe affaires
Ceux-ci, en effet, sont chargés de trouver des contrats ou des emplois aux sportifs (joueurs, de clubs ou entraîneurs) tant au football que dans plusieurs autres disciplines sportives. Les agents gèrent également la carrière et les retombées financières des joueurs et entraîneurs inscrits dans leur portefeuille. D’autres agents s’occupent à organiser des matches. En France, l'intermédiaire doit déclarer son statut au ministère des sports. Son cachet ne doit pas dépasser 10% des transactions. Au Cameroun, la Fécafoot, comme toutes les fédérations affiliées à la Fifa, organise des examens en février ou mars et en Septembre pour les sélectionner. Les frais de dossiers s’élèvent à 250 000 francs. Selon un responsable de la Fécafoot, l’examen peut être présenté deux fois de suite. Mais si l’on essuie deux échecs successifs, on est suspendu pour deux ans.. Selon une source à la Fécafoot, le concours de février dernier a été annulé, " les conditions n’ayant pas été remplies. L’autre est attendu pour septembre prochain ". Le Cameroun compte 32 agents de joueurs agréés par la Fédération internationale de football association (Fifa).
Certains sont des étrangers, à l’instar d’Araujo Paolo Jorge. D’autres vivent en Europe. D’autres encore ont vu leurs noms disparaître de la liste, tel Emmanuel Maboang Kessack, présent dans la liste de 2005. Clandestins ou réguliers, les agents de joueurs ont mauvaise réputation. Thomas Libih, promoteur d’un centre de formation de football basé à Yaoundé, a son idée sur les agents : " ils envoient les enfants n’importe où, sans tenir compte de l’âge ou de la carrière du joueur. Pour eux, c’est un problème de gain. Imaginez, je suis arrivé au Viêt-Nam où j’ai trouvé 50 jeunes Camerounais venus jouer au football. Mais quel football ? ", s’indigne-t-il. Pour lui, " les agents de joueurs profitent de la fébrilité des parents, qui sont prêts à donner de l’argent pour que leurs enfants deviennent des professionnels ". Il est soutenu dans cette position par Nana Gilbert, président d’Arsenal, un club de deuxième division, poule du Centre, qui déclare que "les agents de joueurs ont leur place dans le football. Ils travaillent, eux aussi, pour l’avenir du football, mais, c’est la fuite des muscles qui est à déplorer. A peine l’enfant a-t-il touché deux fois le ballon qu’on a appréciées, qu’il est déjà dans un avion pour partir ".
Etrangers
Pour Antoine De Padoue Essomba Eyenga, président du Tonnerre Kalara club de Yaoundé (Tkc), " les Africains n’ont pas assez d’envergure et d’expérience. Parfois, ils sont déphasés ". Néanmoins il dit travailler avec tout le monde, car, " ils sont incontournables ". il ne s’en plaint pas moins que, parfois, que les agents n’arrivent pas à transférer les joueurs. Antoine De Padoue Essomba avoue également qu’au Cameroun, il ne connaît aucun agent qui fasse son travail : gérer la carrière d’un footballeur. Des ressortissants étrangers sont alors devenus célèbres dans les milieux du football camerounais, dont Pape Diouf (dans le passé), agent de Marc Vivien Foe, Jose Maria Mesalles, agent de Samuel Eto’o Fils, Alexandre Ribeiro, agent de Artur Jorge, Philippe Flavier, agent d’Achille Emana, etc.
Siméon Songo, agent de joueur agréé et secrétaire général de l’association camerounaise des agents de joueurs, affirme que le véritable problème est la présence massive d’agents clandestins, qui semblent plus nombreux. Il indique par ailleurs que : " les parents nous harcèlent quand ils veulent voir leurs enfants partir et nous en veulent quand cela n’a pas marché ". Selon lui, le label Cameroun a perdu sa cote, du fait de la sortie des joueurs en grande quantité. "Le taux d’échec aux tests dans les clubs étrangers est de plus de 90% ", révèle-t-il. Quant au contrat avec les joueurs, " il est négocié entre le joueur et son agent ". " Le rêve de tout parent est de voir partir son fils à tout prix et à tous les prix ", selon un agent, qui a confié que ceux-ci s’endettent souvent dans les tontines ou hypothèquent des biens.
Dans l’optique de chasser les aventuriers de la filière, la Fécafoot " a décidé de faire passer le montant de l'assurance de responsabilité civile de deux millions de FCFA à quatre millions de Fcfa dans les années à venir, afin d'assainir le milieu ", confiait Thérèse Manguele, alors en charge de l’administration de la fédération. Or, selon Siméon Songo, " la plupart des agents clandestins ont d’énormes moyens et sont là pour faire les affaires ".