L’épouse du défunt président de l’Union des populations du Cameroun (Upc), Félix Roland Moumié, a été assassinée à Ebolowa jeudi, 8 janvier 2009. La reconstitution du crime a lieu demain. Retour sur les circonstances de son décès.
La violence de la lutte contre le colon. L’incertitude de la clandestinité. La trahison des camarades d’armes. La douleur de la perte d’une fille, d’un conjoint. L’enfer de la prison. Le poids de l’âge… A 78 ans, il a fallu que le pire arrive. Madame veuve Moumié, née Ekemeyong Marthe, a été précipitée à la sépulture. Comme son illustre époux en 1960. Contrairement à lui, elle a été brutalisée et … violée. Le drame s’est noué dans son domicile au quartier Angalé à Ebolowa, chef-lieu de la région du Sud au Cameroun. Samedi 10 janvier 2008, l’émotion n’est pas retombée au voisinage du lieu, juste à droite du bâtiment abritant la Communauté urbaine d’Ebolowa. Voisine la plus proche de la victime et belle-sœur de cette dernière, Mme veuve Otye Marceline n’en revient pas.
« Jeudi matin, je me suis aperçue qu’elle n’était pas là. Je ne la voyais pas dehors. Ca m’a inquiété. J’ai frappé, personne ne répond. Je contourne la maison, rien. Je me suis dit qu’elle est sortie, et j’ai attendu là dehors, assise. Ca m’a vraiment inquiété parce que tous les matins, on se retrouvait dehors pour une petite causerie avant de sortir. Mais, vers 8h, un jeune homme apparaît avec son trousseau de clé à la main », raconte-t-elle. « Maman, la grand-mère là m’a appelé dans la nuit. Elle m’a dit qu’elle était gravement malade. Je suis venu là chercher et on est parti à l’hôpital », lui lance-t-il.
Interloquée, Mme Otyé hausse le ton. « Vous me prenez pour qui ? Si Mme Marthe est malade, c’est vous qui allez l’amener à l’hôpital ? En tout cas, ça vous regarde », gronde-t-elle. Le visiteur en question entre dans la maison et en ressort chargé d’un poste de télévision. «Expliquant qu’on demande la télé à l’hôpital pour distraire la malade parce qu’elle bougeait trop. Il est parti avec », poursuit Mme Otyé. Mais avant, il la rassure : « Maman attends-moi. J’arrive tout de suite te chercher pour t’amener voir où elle est ».
Las d’attendre et inquiète, elle appelle son neveu inspecteur de police. Mais ce dernier dit être absorbé par le travail. Elle appelle ensuite un certain Mbenguè, policier aussi. Ce dernier se rend à l’hôpital provincial. Aucune trace de Mme Moumié. « Quand sa petite fille est rentrée de l’école, je l’ai grondée : toi tu te permets d’aller appeler les gens la nuit, alors que je suis là. Elle est qui pour moi ? », demande Mme Otyé. « Maman, ce n’est pas mon frère. C’est le jeune homme qu’elle a chassé d’ici », lui rétorque la fillette. « L’idée m’est revenue que la physionomie de ce garçon m’était un peu familière. C’est un jeune homme que je connais, je connais sa famille. Je suis allée avoir Mbengue, il a remarqué que ça devenait inquiétant et a proposé qu’on aille au Gmi. On est allé déclarer là-bas. Ils nous ont demandé d’attendre, qu’ils reviendront demain », poursuit-elle. Ensuite, « je suis allée chez la tante du garçon. Elle m’a dit que le garçon a tenté de l’assassiner hier mercredi [07-01-09, ndlr] ». Selon cette tante, « il voulait voler ici, si les gens n’étaient pas là, il me tuait ». Dans la soirée de ce jeudi, 8 janvier, le policier, neveu de Mme Otyé, sollicite l’autorisation de défoncer la porte de Mme Moumié.
Découverte macabre
« Vers 22h, il est donc venu casser. On est entré dans la maison, et on l’a trouvé. Elle était morte. Dans sa chambre, sur son lit », révèle la belle-sœur de la victime. Le corps de Marthe Moumié porte des traces de violence. Ecchymoses au niveau d’une cuisse. Elle a apparemment des dents cassées. « Un liquide dont la nature reste à déterminer coule de ses parties génitales », indique le procès-verbal de la police. De même qu’un liquide épais remplit sa bouche. Les soupçons se portent automatiquement sur le « jeune homme » aperçu le matin. Mais il est introuvable. La police n’a de lui qu’un portrait robot sommaire. « Jeune, Bulu, teint clair ». La chasse à l’homme est ouverte. Maisons fouillées à Ebolowa, et à Bikoka. La police y obtient son identité : Eboutou Minla’a Franck, né le 7 avril 1991 au Chu de Yaoundé. Sa présence est signalée à Tom, un village situé à environ 10km de Mfou dans la région du Centre. Réfugié chez « sa copine », il y sera interpellé par la police dans la journée du 10 janvier 2008. Puis conduit à Ebolowa, après une escale au commissariat central n°3 de Yaoundé à Efoulan.
Une fois à la division régionale de la police judiciaire, il se met à table. « Il est passé aux aveux complets, mais il nie le viol», affirme le commissaire Enguené Magloire, responsable de la Pj. « Il n’y avait pas de préméditation, c’est un cambriolage qui a mal tourné », explique le délégué régional de la police, Asaa Eric Che. Le présumé meurtrier aurait confié qu’il cherchait de l’argent. Mais lorsqu’il s’est emparé du porte-monnaie, il n’y avait que 1300 Fcfa. C’est alors qu’il se dissimule dans la maison et s’y laisse enfermer pour la nuit. Marthe Moumié aurait donc été tirée de son sommeil par Franck. Faute d’argent, il brutalise la vieille. Le pire arrive. Le principal suspect serait alors sorti de la maison dans la nuit avec un lecteur Dvd et une valise. Il se présentera le matin, pour emporter le téléviseur qu’il a eu le temps de vendre avant sa cavale. Selon les policiers, la reconstitution des faits annoncée pour demain, permettra d’avoir plus de détails sur le modus operandi de Eboutou Minla’a Franck.