Au cœur de la société: Les grandes tribus camerounaises

Par Edouard KINGUE | Le Messager
- 11-Jan-2012 - 08h30   53933                      
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Les autorités camerounaises, pour des raisons qui leur sont propres, assurent que le Cameroun compte 250 ethnies. Pour d’autres analystes, c’est une division trop poussée, presque manipulée. Mais pendant que l’on y est et en attendant d’en dire plus sur le grand mensonge de la foultitude des tribus camerounaises, essayons de citer celles qui sont au dessus du lot, les tribus les plus représentatives de la nation camerounaise, de par leurs exploits ou leurs déboires.
Tout le monde connaît la tribu des Lions Indomptables. C’est une ethnie qui a connu son heure de gloire en 1982 ou, coaché par un médiocre entraîneur, le Français Jean Vincent, conduit par un grand capitaine, le goal kepper Thomas Nkono, ils ont été éliminés au premier tour de la première participation du Cameroun en coupe du monde. Cette tribu n’y pouvait rien. Elle avait pourtant un rare atout parce que ses membres parlaient le même patois: «football» et donc s’entendaient sur le terrain à merveille. Ils avaient donné au Cameroun une équipe de rêve: Thomas Nkono, Joseph Antoine Bell, Théophile Abéga, François Ndoumbé Lea, Ibrahim Aoudou, Emmanuel Kundé, Grégoire M'Bida, Michel Kaham, Roger Milla, Jean-Pierre Tokoto. Ils étaient capables de rivaliser avec les plus grands. Mais Jean Vincent, par peur du syndrome zaïrois, obligea les Lions Indomptables aux formidables potentialités offensives, à jouer un «1-9-1 inédit». Roger Milla esseulé à la pointe de l’attaque, son cousin Abéga, ses oncles du même ventre Mbida, Kaham et son neveu Tokoto jouant les défenseurs... Huit ans plus tard, au mondial 90 en Italie, les Lions Indomptables étaient enfin décoincés, tous aussi percutants avec presque la même ossature et enrichi de nouveaux cousins, venus du fond du golfe de Guinée. Dans une poule B difficile, conduit par le capitaine Stephen Tataw, les Lions étaient coachés par le russe Valery Nepomniachi «qui ne parlait ni français ni anglais, ni bamiléké, ni fulfulde, encore moins le bassa‘a, le vouté, le nufi, le go’omala, le bamoun, le bandem, le mvélé, le fang, ou l’arabe Choa». Nepomniachi avait appris le ‘football’, la langue de la tribu des Lions. Celle-ci, au nom du Cameroun réalisera l’exploit en match de poule: Cameroun-Argentine (1-0), but de François Omam Biyick; Cameroun-Roumanie (2-1), buts de Roger Milla. En 8è de finale: Cameroun-Colombie (2-1), buts de Roger Milla, et en quarts de finale: Cameroun-Angleterre (2-3) après prolongations, buts d'Emmanuel Kundè et d'Eugène Ekèkè. Même appartenant à la même tribu, ils jouaient pour les couleurs camerounaises. Une autre tribu a eu l’occasion de montrer ses formidables aptitudes avant de sombrer corps et bien dans l’océan des contradictions camerounaises. Son chef Hayatou, Premier ministre, avait comme porte-parole son demi-frère Moukoko Mbonjo. Avec ces deux-là, les Camerounais pensaient alors que la navigation se faisait par temps clair, d’autant plus qu’ils étaient informés en temps et heures de la météo politique. On comptait au sein de cette tribu gouvernementale des personnalités de premier plan comme Gilbert André Tsoungui à l’Administration territoriale; son jumeau Augustin Kontchou Kouomegni à l’Information et Culture; ses neveux Justin Ndioro aux Finances: Mbombo Njoya à la Jeunesse et Sports; Joseph Mboui à l’Education nationale; ses oncles Douala Moutome à la Justice; Joseph Owona à l’Enseignement supérieur, Informatique et Recherche scientifique; Edouard Akamè Mfoumou à la Défense; Garga Haman Adji à la Fonction publique et contrôle de l'Etat. Une équipe de rêve capable de soutenir n’importe quel débat, avec des arguments qui fondent la grandeur du Cameroun. Hélas, cette tribu ne dura au gouvernement que le temps que durent les roses. Après avoir obtenu avec brio les accords de la tripartite pour cimenter la nation camerounaise, le maestro Sadou Hayatou fut remercié le 9 avril 1992, soit un an après sa nomination. Laissant derrière lui un arrière goût de symphonie inachevée. Il était trop charismatique, donc dangereux pour un régime qui redoute ceux qui, au lieu de promouvoir leur ethnie, croient au Cameroun et travaillent en toute conscience. Thomas Nkono, Joseph Antoine Bell, Théophile Abéga, François Ndoumbé, Ibrahim Aoudou, Emmanuel Kundè, Grégoire M'Bida, Michel Kaham, Roger Milla, Jean-Pierre Tokoto, étaient de la même tribu et parlaient le même patois. Mais ils croyaient aux couleurs nationales. Hayatou, Kontchou, Moutomè, Owona, Akame Mfoumou, Garga Haman pouvaient se désolidariser du reste des tribus camerounaises et faire sécession. Mais nul ne peut leur quereller encore aujourd’hui leur patriotisme. Aujourd’hui les temps ont changé. Autant les Lions indomptables sont devenus des lionceaux inoffensifs, autant la tribu Hayatou a été remplacée par des ministricules sans relief, appartenant à la tribu du ventre, que l’on utilise comme des kleenex. Ce que le pouvoir veut, ce n’est pas le développement et le progrès des tribus du Cameroun au concert des nations, mais la pérennité de la tribu du renouveau. Moins que l’équilibre régional, le régime préfère s’assurer des hommes de la tribu du ventre, sans relief, qui s’étend en autant de métastase dans tout le Cameroun. Cette ethnie-là, le renouveau n’a qu’à se baisser pour ramasser ses ouailles, adeptes du «développement auto-ventré». Pour eux, la tribu est un outil du jeu de pouvoir. On comprend donc l’exacerbation du fait tribal à des fins politiques. Parmi toutes les tribus qui composent le Cameroun, n’oublions pas la tribu des gorilles. Celle-ci est très proche des grands singes ou anthropoïdes (c’est-à-dire «presque humains»), ceux qui nous ressemblent le plus. L'Adn des gorilles est en effet de 98% à 99% identique à celui des hommes du renouveau. Ils sont les êtres vivants les plus proches de leur cousin du ventre. Ils ont eu leur heure de gloire au dernier comice agro-pastoral d’Ebolowa, avec la nomination de leur chef, le Nnom Nguii. Bon mercredi et à mercredi.




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