Accusée de contrefaçon sur l'usage du système de manutention portuaire baptisé H2B2 dont elle a contribué à la mise en œuvre, l'entreprise à capitaux privés dirigée par Edouard Fochivé est sortie de son mutisme pour donner sa version des faits autour de cette affaire encore pendante devant les tribunaux.
Mercredi 04 juillet 2012, siège du groupe Marine Marginale (2M) à Bonanjo, 10 heures. Edouard Fochivé, récemment désigné Directeur général de cette entreprise spécialisée dans la manutention portuaire, est face à la presse. Sa communication porte essentiellement sur le différend opposant le groupe 2M à sieur Jean Paul Kamga Nenkam autour de la paternité du système d'exploitation Harbour Handling with Big Bags (H2B2), système mis sur pied fin 2004 et protégé depuis 2008 par un brevet d'invention dûment délivré par l'Organisation africaine de la propriété intellectuelle (0api) à Jean Paul Kamga Nenkam, agissant alors en qualité d'administrateur directeur général du groupe 2M. H2b2 c'est, à proprement parler, «un nouveau système de manutention portuaire qui consiste à charger ou à décharger les marchandises d'un navire, d'un camion ou de tout autre moyen de transport, à l'aide de gros sacs solides et de grande capacité, que l'on peut accrocher sur un palonnier pivotant, et à les stocker en magasin, toujours dans ces gros sacs».
Mutations
Au cours de l'échange, Edouard Fochivé, documents à l'appui, explique la genèse du différend, son évolution et la position de l'entreprise qu'il dirige en rapport avec l'affaire dont elle est accusée. Il est clairement établi que le nouveau système de manutention mis sur pied par le groupe 2M se démarque nettement de la traditionnelle méthode de manutention avec les palettes en bois ou avec les filets. En effet, apprend-on, H2B2 adapte la manutention aux performances des navires, annule les avaries des marchandises, réduit le séjour à quai et augmente la capacité de transport des armateurs, améliore la rotation des stocks dans les magasins-cale, lutte contre la congestion portuaire à quai et au magasin-cale, réduit significativement les délais et coûts de passage portuaire, les coûts d'exploitation, la pénibilité du travail des dockers, les accidents de travail et surtout permet une gestion optimale des effectifs des dockers.
Le système H2B2 tel que présenté, au-delà de sa simplicité apparente qui peut parfois friser la banalité, est certes d'une originalité révolutionnaire pour la manutention portuaire. Mais il s'agit, avant tout, d'une œuvre de l'esprit qui cesse d'appartenir à son auteur, dès qu'elle est rendue publique. Aussi, Jean Paul Kamga Nenkam avait-il jugé opportun de protéger ce nouveau système d'exploitation par un brevet de l'Oapi, brevet qui lui sera délivré en tant que représentant légal à cette époque de 2M. Depuis lors, les temps ont passé. Des changements sont intervenus au sein de l'entreprise. Notamment Kamga Nenkam qui sera débarqué fin février 2012 de ses fonctions à la tète du groupe et remplacé par Edouard Fochivé. L'ancien administrateur directeur général veut aujourd'hui s'approprier du système H2b2 sous le prétexte que le brevet d'invention y afférent a été délivré à son nom par l'Oapi.
Expectative
Pourtant, croit savoir l'actuel patron de 2M, son prédécesseur ne devrait pas s'en prévaloir. Ce d'autant plus que le brevet en question fut délivré à ce nom en sa qualité de représentant légal de la société Marine Magistrale, à l'époque où cette dernière entreprit de protéger cette innovation exploitée par le groupe 2M depuis septembre 2004. En plus, Edouard Fochivé attire l'attention sur une précision mentionnée sur la demande initiale de brevet déposée à l'OAPI : «Tout utilisateur dans les ports de la Côte Ouest Africaine (Nouadhibou-Cape Town) et ailleurs de notre système de manutention et de relevage devra au préalable adresser une demande écrite (lettre, fax, e-mail) au siège du Groupe 2M et payer le prix de 0,75 euro par tonne métrique dans l'un des comptes désignés avant toute mise en œuvre», avait souligné Kamga Nenkam. Le siège du groupe 2M dont il est question, «là où il demande à tout utilisateur de ce brevet de déposer la demande écrite, c'est chez nous ici à Marine Magistrale», martèle Edouard Fochivé pour qui le brevet d'invention «confirme que Marine Magistrale doit être l'ordonnateur pour l'exécution».
Pour l'heure, en conformité avec ce que Kamga Nenkam avait lui-même écrit, le groupe 2M certifie avoir saisi l'Oapi pour lui signifier que la personne morale demeure, mais la personne physique a changé. L'entreprise reste dans l'expectative des conclusions de l'Oapi qui précise en son article 11 alinéa 1 que «sous réserve des dispositions légales régissant le contrat de louage d'ouvrage ou de travail et sauf stipulations contractuelles contraires, le droit au brevet pour une invention faite en exécution dudit contrat appartient au maître de l'ouvrage ou à l'employeur». L'alinéa 2 stipule que «la même disposition s'applique lorsqu'un employé n'est pas tenu par son contrat de travail d'exercer une activité inventive, mais a fait l'invention en utilisant des données ou des moyens que son emploi a mis à sa disposition». Il se trouve que Kamga Nenkam a été employé chez 2M, avec un contrat de travail en bonne et due forme. Difficile dès lors, si l'on s'en tient aux dispositions de l'Oapi, de revendiquer pour lui une quelconque paternité du brevet querellé.
Source: Les Nouvelles du pays N°178 DU 06 Juillet 2012